Les politiciens sont de redoutables manœuvriers, c’est leur métier on le sait, mais lorsqu’ils réussissent un joli coup, on ne peut s’empêcher d’applaudir. Alors bravo à Shinzo Abe qui vient de se faire brillamment réélire avec un bilan largement négatif ! Son parti remporte les deux tiers des sièges de la chambre des représentants, une victoire sans appel. Le terme "Abenomics", contraction de son nom et du mot économie, est connu dans le monde entier. Vraiment, quel homme politique talentueux !
Rappelons que les Abenomics consistent à faire en pire ce qui n’a pas marché avant : toujours plus de dépenses publiques et de dettes. Le Japon connaît une profonde crise économique depuis l’éclatement de sa bulle immobilière et boursière au début des années 1990, depuis le ressort de la croissance s’est rompu. Les plans de relance budgétaire et d’assouplissement quantitatif se sont succédés, sans résultat notable autre que celui de faire enfler la dette publique. Qu’à cela ne tienne, Shinzo Abe arrive au pouvoir le 26 décembre 2012 et décide d’augmenter encore plus les dépenses publiques et d’accélérer le rythme de la planche à billets ! Dans le même temps le gouvernement laisse filler le yen qui perd 20% de sa valeur par rapport au dollar en 2013 et autant en 2014.
Cette sorte d’orgie keynésienne produit une euphorie passagère et superficielle (une forte progression de l’indice Nikkei notamment) qui faire croire que le pays va enfin se remettre en mouvement. Mais l’espoir est de courte durée : la croissance ne repart pas, la balance commerciale continue de se dégrader et plonge dans le rouge, la hausse des prix des produits importés (énergie, alimentation) rogne le pouvoir d’achat des Japonais, la récession et la déflation menacent. C’est donc l’occasion de déclencher des élections législatives anticipées.
A contrario, Barack Obama ne bénéficiait ni de l’effet nouveauté (il est au pouvoir depuis 6 ans contre seulement 2 pour Abe), ni de la possibilité de modifier le calendrier électoral. Il s’est donc pris de plein fouet le mécontentement de ses compatriotes sur l’échec d’une véritable reprise économique lors des élections midterm du 4 novembre dernier. Shinzo Abe a su faire preuve d’opportunisme en remettant en jeu son mandat avant que la déception n’entame sa popularité, tout en continuant à faire ses promesses ; bravo l’artiste !
Le réveil n’en sera que plus douloureux pour les Japonais, car les réformes structurelles promises par Abe, et seules susceptibles de faire repartir la croissance, tardent à venir. Ni la baisse des dépenses publiques, ni celle des impôts, notamment celui sur les bénéfices, n’ont vu un début de mise en place. Par contre la TVA, qui pèse sur le pouvoir d’achat, a déjà été augmentée et va l’être à nouveau prochainement. Avec une dette publique record de 243% du PIB, une monnaie qui perd de sa valeur, et un gouvernement qui se fait réélire sur des promesses démagogiques, le Japon ressemble plus à un pays d’Amérique du Sud qu’à une économie développée, et on sait comment ces histoires se terminent… Le Japon c’est l’Argentine de l’Asie, et tout cela va très mal se terminer.
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