On connaît la célèbre formule de Bill Clinton expliquant son élection en 1992 comme président des États-Unis : "It’s the economy, stupid", que l'on pourrait traduire par "C'est l'économie qui compte, idiot". Face à un George Bush père qui s’appuyait sur son expérience internationale et sur la victoire américaine en Irak lors de la Première Guerre du Golfe en 1991, le candidat démocrate insistait, lui, sur le pouvoir d’achat et sur le chômage des Américains. Il a visé juste.
Qu’en est-il désormais de cette formule, trente ans après ? Il serait opportun de la reformuler de la sorte : "It’s the industry, stupid", "C'est l'industrie qui compte, idiot". On apprenait en effet le 11 mars, via des sources de l’OTAN citées par CNN, que la Russie produirait presque trois fois plus d’obus d’artillerie que les États-Unis et l’Europe réunis ! Vouloir aider l’Ukraine est une chose, mais si cela se limite à faire tourner la planche à billets pour financer quelques usines sous-dimensionnées, quels résultats peut-on réellement espérer ? La France ne fabrique même plus de poudre à canon sur son sol !
À l’époque de George Bush père, l’URSS s’est écroulée et a vécu dix années d’anarchie et de dépeçage par les oligarques avant que Vladimir Poutine, à partir de 2000, ne commence à redresser la fédération. Au lieu de se focaliser sur la "finance", une préoccupation constante des dirigeants occidentaux, il a privilégié l'exploitation des immenses ressources en matières premières de ce pays-continent, ainsi que le développement de l’industrie (nucléaire, armement, infrastructure, BTP). Cela se reflète sur le champ de bataille ukrainien où la Russie tient tête aux forces de l’OTAN réunies.
L’industrie, dans l’économie, c’est le principe de réalité (comme l’or dans la monnaie). À un moment donné, il faut du concret ; la finance, le numérique et les services ne peuvent pas suffire à développer un pays. Après un flash krach de -50% lors du déclenchement des hostilités le 24 février 2022 et l’annonce d’un important programme de sanctions, le rouble s’est rétabli et a retrouvé son niveau d’avant-guerre. Non pas grâce à un secteur financier performant, mais parce qu’il s’appuie sur une économie solide qui a su rapidement se réorienter vers les BRICS à mesure que les échanges avec l’Occident se repliaient.
L’avenir pourrait encore donner d’amères leçons à ceux qui pensaient que l’économie russe allait s’effondrer (Bruno Le Maire) ou être dévastée (Janet Yellen). Donnons ces chiffres révélateurs : "La Russie produit 450.000 ingénieurs par an avec ses 145 millions d’habitants tandis que les États-Unis produisent eux 250.000 ingénieurs par an avec 320 millions d’habitants [deux fois moins avec pourtant le double de population], et la France 40.000 ingénieurs par an avec 69 millions d’habitants." La France produit ainsi dix fois moins d’ingénieurs que la Russie alors qu’elle a la moitié de sa population, ce qui veut dire qu’à population égale, elle produit cinq fois moins d’ingénieurs. La réindustrialisation s’annonce compliquée…
Enfin, les sanctions contraignent la Russie à atteindre la souveraineté dans des domaines où elle se limitait autrefois à l'importation, tels que l'aviation civile. Elle envisage de créer un concurrent d’Airbus et Boeing, qui pourrait un jour leur tailler des croupières à l’exportation. La Russie, bientôt un tigre industriel ? Voici un enseignement à retenir de la guerre fratricide qui se déroule en Ukraine. "C’est l'industrie qui compte, idiot" et il faut rapidement réagir.
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