Pour compenser le rétrécissement de l’ISF (Impôt sur la fortune) aux seuls biens immobiliers, et donc l’exemption des valeurs mobilières, le gouvernement et la majorité à l’Assemblée nationale ont cru bon de lever quelques taxes sur les "signes extérieurs de richesse". Outre les yachts et les voitures de grosse cylindrée, les lingots d’or furent également mis à l’index. Le lingot d’or, "signe extérieur de richesse", vraiment ? Nous n’avons encore jamais vu personne se promener dans la rue avec un lingot en bandoulière, mais qui sait, la mode sera peut-être un jour lancée, même si elle serait plutôt risquée.

Admirons la subtilité : placer 40.000 euros dans de l’assurance-vie est tout à fait normal, l’investir dans un lingot d’or constitue un signe de richesse… Mais on comprend le message sous-jacent envoyé aux épargnants : à l’heure où l’assurance-vie ne rapporte quasiment plus rien et repose, on le sait, sur des dettes étatiques menacées d’explosion en cas de remontée des taux d’intérêt, il ne faut surtout pas que le métal précieux devienne une alternative, alors on lui colle une taxe supplémentaire. Il faut bien que le bon peuple continue de consacrer ses économies à financer la dette de l’État, sinon où va-t-on ?

Alors on taxe : le taux de la taxe forfaitaire sur la vente de métaux précieux passe de 10,5 à 11,5%, c’est-à-dire que vendre des pièces ou des lingots dont on ne possède plus la facture coûtera 11,5% de la somme totale. Tout de même. Un taux d’autant plus injuste que la taxe forfaitaire pour les bijoux précieux reste à 6,5%. La taxe sur la plus-value (quand on peut produire une facture avec la date et le prix d’achat) passe, elle, de 34,5% à 36,2% (ceci dit cette hausse serait de toute façon intervenue avec le relèvement prévu de la CSG).

Voilà une politique à courte vue qui va encore plus dissuader les 16% des Français qui possèdent de l’or, de toutes catégories socioprofessionnelles et de tous âges (selon un sondage Ipsos de mai 2014), à le sortir de leurs greniers. On estime pourtant que les Français détiennent environ 3.000 tonnes d’or sous forme de napoléons et de lingots, soit plus que les réserves de la Banque de France (2.435 tonnes), ce qui représente (à 35.000 euros le lingot) plus de 100 milliards d’euros. Il faudrait au contraire inciter cet or à sortir et à irriguer l’économie, ce qui au passage générerait des rentrées fiscales bien supérieures pour l’État.

Bref, que faire ? L’or demeure-t-il un placement intéressant ? Oui bien sûr. La taxe sur la plus-value serait de toute façon passée de 34,5% à 36,2% au 1er janvier 2018 avec le relèvement prévu de la CSG, et la décote de 5% par an à partir de la 3è année de détention subsiste, ce qui diminue d’année en année cette taxe pour la ramener à zéro au bout de 22 ans.

À un niveau plus fondamental, nous restons bien sûr à l’achat sur l’or physique, qui reste bon marché, et qui offre la meilleure protection possible face aux désordres monétaires et financiers actuels et à venir. D’ailleurs pour l’anecdote, Goldman Sachs et JP Morgan – à qui on peut faire tous les reproches sauf celui de ne pas être très bien informés – viennent de lancer des produits pour parier sur une crise des banques européennes, d’après Bloomberg (un peu comme Goldman Sachs avait lancé un produit pour parier sur l’effondrement des subprimes juste avant septembre 2008). Un lingot d'or n'est pas un "signe extérieur de richesse", c'est un signe d'intelligence face au risque bancaire.

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