La révolte des "Gilets jaunes" ne se limite pas aux nouvelles taxes sur l’essence, elle vient de loin ; elle s’explique par une baisse régulière du pouvoir d’achat, par un étranglement progressif des salariés ayant de faibles revenus. Elle remonte en grande partie au début des années 2000, marquées par la hausse des matières premières et de l’immobilier, qui ont sérieusement entamé le revenu disponible. Cette détérioration n’a pas été perçue par l’INSEE et son indice des prix trafiqué, comme nous l’avons montré dans notre livre, ce qui a provoqué l’exaspération des ménages autant que l’aveuglement des responsables politiques. Est venue se rajouter une explosion des impôts et des taxes pesant sur les ménages depuis 2008. Celles sur le carburant ont finalement déclenché une fronde nationale.

La manifestation du 24 novembre sur les Champs-Elysées, les violences qui l’ont accompagnée, et qui sont essentiellement le fait de groupes extérieurs aux Gilets jaunes, ainsi que les milliers de barrages filtrants sur le territoire national, donnent l’image d’un pays en insurrection, ce qui n’est pas sans évoquer la crise grecque de 2010-2012.

Mais le scénario est différent, bien entendu : la Grèce a d’abord été confrontée au mur de la dette publique, avant de devoir s’engager dans une politique d’austérité, à destination des ménages essentiellement, tandis qu’en France, la situation pourrait prendre le chemin inverse : un appauvrissement des salariés conduit au fléchissement des recettes fiscales, ce qui entraîne une peur des marchés sur la dette française.

Dans les deux cas, précisons-le, le secteur public n’a pas beaucoup souffert. En France, les dépenses publiques n’ont jamais diminué, le nombre de fonctionnaires continue d’augmenter ; ce sont les ménages qui payent toujours plus d’impôts et de taxes pour permettre à l’État de boucler ses fins de mois et de rassurer les investisseurs sur la qualité de ses bons du Trésor.

Mais cela risque de changer, justement. La crise est profonde. L’État s’interdit toute marge de manœuvre en ne baissant pas drastiquement les dépenses publiques. La fronde va continuer. En janvier, le prélèvement à la source sera lancé, avec tous les risques de bugs possibles et imaginables, sans compter l’effet psychologique d’une feuille de paye amputée de l’impôt que l’on payait jusqu’ici plus tard. Viendra ensuite la réforme des retraites, un sujet hautement inflammable et qui réveillera les syndicats !

C’est la capacité à contenir les troubles et à maintenir le niveau des rentrées fiscales qui risque d’être bientôt mis en cause par les marchés. À l’heure où l’Italie revient à un projet de budget plus raisonnable, la France devient "l’homme malade de l’Europe"… L’air de rien, le service des études de la Banque Natixis montre que la France peut faire défaut sur sa dette parce que la pression fiscale atteint un maximum et qu’elle ne peut pas utiliser la planche à billets, la Banque de France ayant abandonné ce pouvoir à la Banque centrale européenne lors de la création de l’euro. Cette étude sonne comme un avertissement.

La France, future Grèce ? Bientôt le musée du Louvre vendu à un fonds d’investissement, comme les sites archéologiques des îles grecques ? Peut-être plus vite qu’on ne le pense.

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