"Le secteur bancaire européen est surdimensionné et pourrait avoir besoin d'une cure d'amaigrissement, probablement à travers des fusions ou des fermetures […] de nombreuses banques dans la zone euro ne gagnent pas leurs coûts du capital". Autrement dit, ce sont des banques-zombies, en faillite, maintenues en vie grâce aux liquidités offertes par la BCE. "Il semble que beaucoup trop de banques se font concurrence pour attirer des clients. […] Il y a de bonnes chances que la taille du secteur bancaire doive en effet diminuer."
Qui fait ces déclarations incendiaires, qui paniqueraient des millions d’épargnants à travers l’Europe, si elles étaient diffusées dans les grands médias ? Un prophète de malheur en mal de publicité ? Un éditorialiste qui force le trait pour se faire entendre ? Pas du tout, au contraire même, puisqu’il s’agit d’une personne discrète, parfaitement informée et occupant une position institutionnelle très élevée : Danièle Nouy, qui n’est autre que la responsable de la supervision bancaire au sein de la Banque centrale européenne.
La personne chargée de contrôler la situation financière des banques européennes, et qui possède un accès direct à leurs comptes, puisqu’elle travaille à la BCE, nous annonce tranquillement que le secteur bancaire est surdimensionné et qu’il faut s’attendre à des fermetures et à des fusions... Les "fermetures" de banques, sans pertes ni fracas, étant plutôt rarissimes, il faut lire ici le mot faillite, nettement plus inquiétant.
Ces déclarations parfaitement explicites et puisées à la meilleure source possible permettent de comprendre pourquoi la directive BRRD et la loi Sapin 2 ont été mises en place : il faut organiser ces faillites de façon à limiter les dégâts sur le système bancaire et sur l’économie. La directive BRRD, on le rappelle, permet à une banque en situation de faillite de ponctionner les comptes de ses clients, tandis que la loi Sapin 2 permet de bloquer les comptes d’assurance-vie. Le projet de gel des comptes bancaires s’inscrit également dans cette logique. Ces nouvelles législations sont mises en place en parfaite connaissance de cause : le secteur bancaire européen va devoir se restructurer en profondeur, nombre de banques-zombies vont sombrer, l’épargnant devra payer et le contribuable sera sollicité. Chacun est prévenu.
Une opération récente en témoigne d’ailleurs : le 29 septembre, le Crédit Agricole annonçait le rachat de trois caisses d’épargne italiennes pour un montant de 130 millions d’euros. Auparavant, le Fonds interbancaire de garantie des dépôts italien (FITD) décidait de prendre à sa charge 3 milliards d’euros de créances douteuses de ces établissements financiers. Ici, l’épargnant n’a pas été touché, mais l’ensemble du système bancaire italien, par l’intermédiaire du Fonds de garantie, voit sa dette augmenter de plusieurs milliards d’euros, ce qui n’est guère rassurant. Au passage, quelle bonne idée d’acheter aujourd’hui des banques italiennes… manifestement, l’expérience catastrophique de la Grèce n’a pas servi de leçon à la banque française… Il ne faudrait pas parler ici de restructuration, mais plutôt de fuite en avant dans la dette.
Les fusions, restructurations et faillites bancaires vont augmenter dans les années à venir en Europe ; cela se fera à coup de dette, mais aussi de cris et de larmes. Décidément, nous vivons une époque captivante.
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