La directive BRRD permet à une banque en situation de faillite de ponctionner les comptes de ses clients pour se renflouer, et elle entre en vigueur en France, nous l’avons dit. Mais au-delà de sa présentation générale, il faut se plonger dans le texte la directive pour mieux appréhender les risques qu’elle fait peser sur nos comptes bancaires. Qui est visé, quels produits financiers sont concernés, voici les informations à connaître à l’avance plutôt que de les découvrir le jour même.
Les mots clés à retenir, que l’on retrouve tout au long de ce texte, sont "comptes couverts" et "comptes éligibles". Ils sont explicités dans le considérant 111 : "Si les dépôts couverts sont protégés des pertes en cas de résolution, d’autres dépôts éligibles sont potentiellement disponibles aux fins de l’absorption des pertes." Les "comptes couverts" sont les comptes protégés de toute ponction, ceux comptant moins de 100.000 euros. Nous avons déjà expliqué ici l’aspect illusoire de cette garantie, n’y revenons pas. Les "comptes éligibles" sont précisément ceux dépassant cette somme et qui seront donc soumis à des ponctions plus ou moins importantes. Voici pour le vocabulaire.
Ensuite, quels types de placements sont concernés ? L’article 44 ("Champ d’application de l’instrument de renflouement interne"), dans son point 2, exclut, si on lit bien, les OPCVM. Cela semble logique : vendre massivement les portefeuilles d’actions ferait chuter les cours de bourse, ce n’est pas la peine de rajouter une crise à une autre ! De plus, vendre les actions de ses clients se révèle, pour une banque, une opération plus complexe qu’une simple ponction de leurs comptes, elle s’expose à des recours juridiques (il s’agit d’une vente forcée). Dans la même logique, même si nous n’en avons pas trouvé explicitement mention, l’assurance-vie semble exempte de cette menace. La vente massive de ce produit affecterait le marché des obligations souveraines, ce qui ne manquerait pas de mécontenter l’Etat. Ce sont donc bien les comptes courants et les livrets qui sont concernés.
Autre élément à prendre en compte : les entreprises n’y échapperont pas, enfin plus précisément les PME, même s’il est recommandé de ne pas les viser en premier. Le considérant 111 précise ainsi : "Afin d’assurer un certain niveau de protection aux personnes physiques et aux micro, petites et moyennes entreprises, les dépôts éligibles qu’ils détiennent au-delà des dépôts couverts devraient bénéficier d’un niveau de priorité plus élevé que les créances des créanciers ordinaires non garantis et non privilégiés en vertu du droit national régissant les procédures normales d’insolvabilité."
La formulation "micro, petites et moyennes entreprises" se retrouve à de nombreuses reprises dans le texte de la directive, elle désigne les entreprises de moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros selon la définition de l’UE ; elles ne passeront donc pas à travers les ponctions. Etonnement, la formule "grande entreprise", ou un synonyme, ne s’y trouve pas, elles semblent ainsi complètement protégées. Il est vrai que si leur trésorerie, qui se compte en millions ou en milliards d’euros, risquait de disparaître du jour au lendemain, elles chercheraient à s’installer ailleurs. On le voit, la directive protège les "gros" (l’Etat, les grandes entreprises, cotées ou non), et vise les "petits" (particuliers et TPE/PME). On nage en plein "capitalisme de connivence", faut-il s’en étonner ?
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