La Banque centrale européenne s'est déjà livrée à des stress-tests bancaires, et ils sont passés complètement à côté du sujet en prenant des hypothèses bien trop laxistes pour détecter quoi que ce soit. On se rappelle notamment que les banques irlandaises, ou Dexia, les avaient passés haut la main quelques mois avant d'être déclarées en faillite. Mais cette fois ça va changer, les critères retenus seront plus rigoureux, on n'hésitera pas à désigner les banques en difficulté, et la BCE et la EBA (European Banking Authority) ne feront pas de cadeaux, nous annoncent-elles.
Cependant, comme nous l'apprend cette note de Natixis (une banque qui a frôlé la faillite mais qui possède un bon service d'études), les créances douteuses seront examinées de près, certes, mais il ne sera tenu aucun compte des dettes souveraines ! Pourtant les banques en détiennent des montants importants et toute remontée des taux se traduirait par des pertes financières considérables. Eh bien, ce calcul ne sera pas effectué.
Déjà, au niveau des créances douteuses, il y a de quoi s'inquiéter. En Italie et en Espagne, le taux de défaut sur les crédits des ménages et des entreprises ne cesse d'augmenter depuis 2008, et rien ne vient ralentir cette tendance. Mais par surcroît, l'encours de la dette publique détenue par les banques est passé de 12% en 2008 à 28%, fin 2013, en Italie, et de 7% à 30% en Espagne sur la même période. Voici un risque qui, à lui seul, ferait sauter le système bancaire de ces pays si les taux remontaient de façon significative. Mais la BCE a décidé de fermer les yeux.
L'étude Natixis tente d'évaluer ce risque : une remontée des taux de 1% coûterait 28 milliards d'euros aux banques italiennes, soit 16% de leurs fonds propres, et 20 milliards aux banques espagnoles, soit 12% de leurs fonds propres. 1% seulement et c'est déjà l'alerte...
Pourquoi un tel déni de la part de la BCE ? Nous sommes ici au coeur du conflit d'intérêt que nous avons déjà dénoncé et qui consiste à faire de la banque centrale l'organisme de surveillance du secteur bancaire : la BCE est juge et partie. Car de qui dépend la bonne tenue des taux d'intérêt de la zone euro, sinon de la BCE ? Elle a mis son taux directeur au plus bas, à 0,25%, et accorde généreusement des liquidités aux banques en difficulté (les deux LTRO à 500 milliards chacun, et bien d'autres types d'aide). Une remontée des taux dans les pays d'Europe du Sud, ou en France, signerait son échec, elle refuse donc de l'envisager.
La BCE, comme la Fed et la BoJ, est coincée : soit elle reste indéfiniment acheteuse de dette gouvernementale (indirectement via les banques, pour la BCE, directement pour les autres), ce qui mène à l'hyperinflation, soit elle freine sa monétisation, ce qui conduit à la remontée des taux d'intérêt et qui entraînerait des faillites bancaires et une grave dépression. Dans les deux cas l'épargnant sera ruiné, chacun l'aura compris. Alors en attendant, tentons au moins de sauver les apparences, y compris avec des stress-tests bidonnés.
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