En Allemagne, la colère monte contre la Banque Centrale Européenne et Mario Draghi. Le 10 avril, l’inamovible ministre des finances Wolfgang Schäuble a réclamé la fin de la politique d'assouplissement quantitatif et de taux bas de la BCE, et il a indiqué avoir cherché à convaincre le Secrétaire au Trésor des Etats-Unis, Jack Lew : "Vous devez encourager la Réserve fédérale et nous devons, de notre part, encourager la BCE à sortir de cette politique." Le Welt am Sonntag a publié une étude de la DZ Bank, qui regroupe la plupart des banques mutualistes, estimant que, depuis 2010, l'épargnant allemand a perdu 200 milliards d'euros en raison de la baisse des taux d’intérêt, soit "2.450 euros de moins dans les poches de chaque Allemand." La perte doit se situer au même niveau en France mais, comme c’est étonnant, personne ne réalise une étude comparable… Cette vérité serait-elle trop cruelle à reconnaître ?

Lors de sa création, l’euro a été vendu aux Allemands comme un "super deutsche mark" mais Mario Draghi est en train, consciencieusement, de le détruire. Après avoir mis le taux directeur à zéro, le président de la BCE fait désormais tourner la planche à billets (le "QE") au rythme de 80 milliards d’euros tous les mois. De l’argent créé ex nihilo qui sert à racheter de la dette d’Etats et de grandes entreprises aux banques, qui le réinvestissent ensuite dans les marchés boursiers et des actifs financiers, créant autant de bulles…

Et pendant ce temps-là, l’épargnant voit le rendement de son épargne tendre vers zéro. C’est même la double peine pour lui car il doit, plus qu’avant, craindre pour le principal, pour le placement lui-même. En effet les taux zéro, et même négatifs, atteignent en plein cœur le business model des banques qui collectent de l’argent à court terme sans le rémunérer (les comptes courants) pour le prêter moyennant un taux d’intérêt (crédit aux particuliers et aux entreprises). Cette marge d’intérêt est écrasée suite à l’aplatissement de la courbe des taux. La même menace pèse sur l’assurance-vie, qui rapporte de moins en moins, exposant les sociétés d’assurance à des retraits massifs les obligeant à vendre leurs actifs de façon précipitée et à perte. Si des banques ou des sociétés d’assurance venaient à tomber, le capital des épargnants serait évidemment touché de plein fouet.

Après une bulle sur les marchés actions (qui n’a certes pas éclaté, mais qui cède du terrain depuis l’été dernier), nous sommes en pleine bulle sur les obligations, les taux négatifs en font foi. Quelle sera la prochaine ? Une bulle des devises étrangères, autrement dit un effondrement de la devise nationale, selon Natixis, qui se produira lorsque les investisseurs se débarrasseront des obligations de la zone euro, dont le prix sera jugé trop élevé, pour basculer leurs avoirs en devises étrangères afin d’échapper à l’excès de création monétaire de la BCE. Ce type de mouvement est déjà à l’œuvre dans plusieurs pays émergents comme le Brésil ou la Chine (fuite des capitaux, baisse de la devise).

Après les taux nuls, une vague d’inflation, provoquée par la forte dépréciation de l’euro, viendrait sérieusement entamer le capital des épargnants. Leur colère ferait alors trembler les gouvernements de la zone euro. Mario Draghi l’entendra-t-elle ? Rien n’est moins sûr, il sera en conséquence plus prudent de privilégier les actifs réels, au premier rang desquels l’or physique, plutôt que de placer le moindre espoir dans une politique monétaire devenue ubuesque.

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