Écoutez l'épisode 2 de notre podcast "À l'Orée de l'Éco" :

 

 

Aujourd'hui, je voudrais vous parler de la Chine et de la récente envolée sur les marchés. La semaine passée, l’activité boursière, à Shanghai, Hong Kong, a été tellement favorable, que les ordres parfois ne pouvaient même plus être traités dans les délais impartis. Les sociétés de courtage étaient dépassées. Alors que s’est-il passé ? La bourse chinoise va-t-elle et peut-elle devenir une vraie bourse à l’américaine ? L’immobilier chinois va-t-il repartir ? Le luxe aussi ?

Cette dernière semaine, l’indice CSI 300, qui réunit 300 des plus grandes capitalisations boursières chinoises, a fait un bond de 15,7%, un record qui n’avait plus été observé depuis au moins une quinzaine d'années.

Du côté de Hong-Kong, la météo a été tout aussi exceptionnelle. Le vendredi 27 septembre, le Hang Seng clôturait en hausse de 3,55%. L’indice phare de la bourse de Hong-Kong a d'ailleurs signé sa meilleure performance hebdomadaire depuis 1998, avec une hausse de 13%. Pourtant, depuis plusieurs mois, les actions chinoises semblaient quelque peu patiner.

La cause de ce soudain lever de soleil est sans nul doute l’annonce du plan de relance que le gouvernement chinois a communiqué il y a quelques jours. Disons qu’il s'agit sûrement là de l'élément déclencheur d’une si rapide embellie. Par ailleurs, nombre d’analyses permettent de constater que les actions chinoises sont largement sous-valorisées.

La question qui se pose réellement consiste donc à s'interroger sur l’avenir, à long terme de la bourse chinoise, et surtout, sur l’architecture de celle-ci, puisqu’elle est en train de changer, d’évoluer, presque, pourrait-on dire, de s’occidentaliser, de s’americaniser.

Les dirigeants chinois multiplient en effet les signaux laissant comprendre qu’ils aimeraient entrevoir, en Chine, un écosystème boursier aussi efficace que celui des États-Unis.

Encore cette semaine, l’Autorité chinoise de régulation des marchés financiers faisait savoir qu’une procédure rapide d'approbation pour les ETF (les fameux fonds indiciels cotés) allait être déployée.

Ce n'est donc pas seulement la promesse de distribution de cash qui crée un climat favorable sur les marchés. Même si, bien sûr, la déclaration mardi dernier de Pan Gongsheng, le Gouverneur de la Banque populaire de Chine, annonçant l’injection au total de 1.000 milliards de yuans dans l’économie, l'équivalent d’environ un peu plus de 140 milliards de dollars, compte pour beaucoup.

Notons d'ailleurs que la trajectoire des décideurs chinois penche assez massivement vers le peuple. L’idée n’est pas de lancer une série de mesures qui seraient déconnectées de la population, des secteurs et des marchées auxquels celle-ci est rattachée. Non, il faut relancer l’immobiler, en crise, et représentant environ 25% du PIB de la Chine, et aussi générer de l’activité dans tous les secteurs qui, jusqu’alors étaient florissants, le luxe par exemple.

Bonne nouvelle pour LVMH, et autres géants du commerce du “statut social” car effectivement, la Chine reste la deuxième clientèle mondiale du secteur du luxe. Si l’on considère qu’en 2023 ce secteur a représenté environ 360 milliards de dépenses globales, 16% d'entre elles venaient de la Chine.

C’est donc tout naturellement que durant les heures qui suivirent les premières annonces du plan de relance, le cours de l’action LVMH s’est mis à grimper. De quoi rassurer sûrement Bernard Arnault, dont la fortune dépend considérablement des fluctuations de LVMH, et qui observait silencieusement depuis plusieurs mois une agaçante érosion de l’action qui, entre le mois de mars et ces derniers jours, était passée d'un plus haut de 872 euros à seulement 590 euros. Bloomberg indiquait il y quelques semaines que la fortune du milliardaire, qui était il n’y a pas si longtemps l’homme le plus riche du monde, s’était contractée de 28 milliards de dollars. Pour autant, il fallait bien que l’ascension ralentisse, LVMH n’a cessé de monter depuis le milieu des années 2010, parfois pendant que d’autres grands groupes de luxe ne parvenaient même pas à rester dans la course. Et aujourd‘hui, l’entreprise est encore très solide et bien organisée.

Au-delà de la nécessité de voir de la liquidité circuler, l’avenir de la physionomie du secteur du luxe dépend principalement de trois facteurs :

  • Sur l’aspect financier, on retrouve la réorganisation probable des marchés boursiers et du système monétaire.
  • Puis il y a la dimension politique, l’économie du luxe moderne étant très mondialisée, les bouleversements répétés causé par l’augmentation du champs normatif et des droits de douanes pourraient avoir un impact négatif.
  • Pour terminer, il y a une nouvelle forme de concurrence qui fait son apparition, qui vient challenger les grands groupes de luxe. Celle-ci se traduit par des produits manufacturés plus qualitatifs et dont la commercialisation ne dépend pas de l'image d’une marque. L’Italie, qui fait à nouveau partie des quatre plus gros exportateurs du monde, s’inscrit régulièrement dans ce dernier type de modèles, en exportant différentes catégories de produits hautement qualitatifs et proposé à des tarifs largement inférieurs à ceux qui sont présentés par des grands groupes de luxe.

Pour relancer l'octroi de prêts bancaires, et donc favoriser l’économie, la Banque centrale de Chine a abaissé plusieurs taux d'intérêts. Classique. Il y a fort à parier pour qu’à ce niveau, les décisions oscillent sans arrêt dans un sens puis dans celui opposé durant les mois et les années qui viennent. Je m’explique, les dirigeants chinois ont sans nul doute deux objectifs, les meilleurs, mais dont les chemins ne vont pas dans les mêmes directions : relancer l’activité, et par ailleurs, à terme, disposer d’un yuan sinon fort, mais pour le moins respectable vis-à-vis des autres devises.

Pour le moment, les autorités se concentrent sur la première des priorités en prévoyant une injection de capital dans six grandes banques commerciales. Il y a aussi le taux d'intérêt des emprunts immobiliers qui va baisser de 0,5 point, puis quelques mesures visant à motiver les ménages chinois à s'endetter pour investir dans l'immobilier. L’apport personnel pour l'acquisition d’une résidence secondaire ne sera par exemple plus que de 15% du montant total contre 25% jusqu’à présent.

Aussi, toujours dans un cheminement "d’occidentalisation" de la bourse chinoise, la Banque populaire de Chine va directement prêter à des acteurs des marchés financiers d’envergure pour que ceux-ci achètent des actions. On parle ici d’un soutien en liquidité s'élevant au départ à 500 milliards de yuan, et qui pourrait même atteindre le triple à termes. En outre, beaucoup des opérations qui sont réalisables aux États-Unis ou en Europe, mais compliquées à entreprendre ou interdites en Chine, vont faire l’objet de réflexions. Très prochainement, un plan ayant pour objet de faire se multiplier le nombre de fusion-acquisition doit être communiqué.

L’État chinois envisage aussi d’augmenter son endettement. Ne nous y trompons pas, la situation n’a rien à voir avec celle de la France, qui croule sous les dettes mais sans avoir aucune perspective crédible de création de valeur. Ce que veut apparemment éviter à tout prix Xi Jinping, c’est que la croissance de son pays revienne à des niveaux ordinaires et passe en-dessous du seuil symbolique de 5%. Et pour ça, tous les leviers sont bons, et surtout, bien des leviers sont disponibles. C’est aussi en cela que la situation est bien différente de celle que nous connaissons ici.

Parmi les paramètres d’ordre géopolitiques qui devraient influencer les prochaines décisions des dirigeants chinois, il y a évidemment la relation avec l’Union européenne. Je parle ici des dissonances ou accords avec la Commission européenne - et surtout de l'élection américaine, dont l’issue est attendue avec impatience par Pékin. D’autre part, le degré d’accentuation de la marginalisation de la Russie du monde occidental, ou sa diminution, aura une incidence directe sur l’économie et l’industrie chinoise, que cela soit au niveau des importations d’énergie, des restructurations bancaires, obligataires et monétaires au sein des BRICS, ou encore concernant de potentielles coopérations industrielles et de défense. 

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