Écoutez l'épisode 4 de notre podcast "À l'Orée de l'Éco" :

 

 

 

Pour la première fois depuis longtemps, il va être nécessaire de redéfinir la monnaie, de préciser que des titres obligataires ne sont pas de la monnaie scripturale. Les temps économiques mouvementés vont générer des occasions inédites sur le marché des changes. C’est de cela que je voudrais vous parler aujourd'hui.

En préambule d’une des grandes interrogations qui se posent actuellement – à savoir celle portant sur le caractère potentiellement refuge du dollar – il convient de rappeler que “tout le monde” détient de la monnaie américaine.

Je ne sais pas exactement si l’on peut parler d’instinct s’agissant de prévisions économiques ; toujours est-il que, même si l’on croit en Donald Trump – en sa capacité à diriger, en la prodigieuse et ”toute leur” résilience des Américains –, quelques corrections sur les marchés actions US ne s'inscrivent vraiment pas dans des scénarios qu’il faudrait exclure.

Le dollar américain peut-il être une valeur refuge, et être, en même temps, la propriété de tant ? Mon sentiment est que, quoi qu’il en soit, le marché des devises sera incomparablement plus volatil qu’il ne l’a été jusqu’à présent. C’est aussi pour cela qu’il ne faut jamais donner de conseils, simplement partager des impressions – car, au moment durant lequel les données arrivent à l’oreille de celui qui les entend, il est toujours un peu trop tard. La situation a changé, les vérités d’hier n’en étaient pas de fausses, mais elles sont obsolètes. Les réalités défraîchies ne peuvent être qu’illusions ou regrets ; pas des opportunités !

Précisément, à mon avis, durant les mois qui viennent, le dollar s’appréciera, et l’euro perdra de sa valeur. Cela n'empêche pas qu’une légère correction sur le dollar ait lieu d’ici environ un bon trimestre. Ne sous-estimons pas l'anticipation de l'instauration par Trump de droits de douanes, qui, finalement, pourraient être à chaque fois moins importants qu’annoncés. Il y en aura bien sûr, mais peut-être à des pourcentages inférieurs aux annonces qui auront été faites. Mon idée est : les barrières tarifaires stimuleront le dollar, sauf si elles sont trop attendues et inférieures aux estimations.

Trump veut que les taux baissent – on a cru comprendre – mais la Fed restera relativement prudente, et les taux directeurs de la BCE, de la Banque d’Angleterre et de la Banque de Chine seront davantage abaissés que ceux de la Fédéral réserve. Les économies européennes sont à l’agonie, pas l’économie des États-Unis, et il y a fort à parier pour que l’administration Trump et la Federal reserve prennent soin d'éviter que les Américains soient écrasés par l’inflation.

En effet, si les taux américains ne baissent pas significativement, il faut clairement s’attendre à une période de turbulences sur le marché actions. Dans ce cas, plus encore que lors de situations semblables observées par le passé, le cours de l’or montera en flèche – conforté par des facteurs multiples : de plus en plus d’investisseurs privés auront intellectualisé la projection d’une hausse dont le caractère pourra être qualifié de spéculatif – l’or a augmenté de 13,8% en 2023, puis de 30% en 2024. Par ailleurs, plus le temps passe, et plus les investisseurs ont connaissance d’une donnée contemporaine notable : les banques centrales se ruent littéralement sur l’or, elles s’en sont procuré pour plus de 1000 tonnes durant la dernière années écoulée. La Pologne a fait partie des plus gros acheteurs, avec une acquisition de 90 tonnes pour la simple année 2024, ce qui propulse le pays à la 13e place mondiale en termes de réserves d’or.

Ceux qui veulent répandre l’idée que les institutions ne perdront pas une once de leur pouvoir actuel font fausse route, et ceux qui croient que l’avenir de la finance se fera absolument sans le consentement des banques centrales et des États se trompent, ou fantasment – ce conduit à peu près aux même finalités.

L’avenir des architectures financières et monétaires – avec et sans le concours de la technologie blockchain – inclura l’or. Jusqu’à la fin des années 2000, les réserves de change détenues par les banques centrales, en dehors des parts représentées par l’or ou les droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international (FMI) étaient considérablement constituées de monnaie scripturale – presque du cash pour ainsi dire. Aujourd'hui, ce sont les titres obligataires qui représentent l’essentiel des réserves de change des banques centrales.

Ce qui a contribué à galvauder la projection que l’on se fait des réserves des banques centrales est surtout que nous avons changé d’outil mais pas de mot : nous avons continué, notamment dans les milieux d’affaires, à qualifier de monnaie ce qui n’en était plus. On parlait de monnaie pour faire référence à de la monnaie scripturale, puis on a persisté, alors que, dorénavant, nous parlions quasi-exclusivement de titres de dette émis par des États. À partir du moment où la banque centrale d’un pays détient, par exemple, 50 milliards de dette française libellée en euros, il est d’usage de déclarer que ledit pays détient 50 milliards €. Cela parce qu'il a été bien à la mode de considérer que des États comme la France ne pouvaient pas faire faillite, et que quoi qu’il puisse se produire dans le cours du monde, la dette émise finirait bien par se convertir en cash – pas en liquide, mais en monnaie scripturale).

La France n’a jamais fait défaut sur sa dette. Si, mais il y a si longtemps que ca n’incarne aucun sens particulier. En 1797, lorsque nous avions fait défaut, la situation était en effet bien différente : la dette était beaucoup plus localisée, c’était des prêteurs français qui avaient été perdants. Aujourd'hui, la structure de notre dette n’a plus rien de semblable. D'ailleurs, on ne rappellera jamais assez que la part de dette achetée par des privés est insignifiante. La dette publique est majoritairement achetée par des compagnie bancaires ou financières, dont les activités sont encadrées, pour des raisons plus ou moins opaques, par des organisations qui leur imposent de détenir de la dette high value – de la dette de première catégorie, des titres fort convenablement noté par les quelques agences de nidation.

En janvier 2025, il y a donc seulement quelques semaines, la France à émis environ 10 milliards de titres de dette sur les marchés financiers. Non seulement, tout a été placé, mais la demande a été environ 13 fois supérieure à l’offre. Avec cette simple communication par le biais des agences en charge de la manœuvre – notamment France-trésor – la France aurait donc été en capacité de lever 130 milliards € sans efforts particuliers. Acheter de la dette française rapporte tant que ça ? Où alors, est-elle vraiment si sûre ? Non plus ! Cependant, c’est encore ce que décrète les agences de notation comme Fitch, Moody's ou S&P.

Aujourd'hui, un foyer qui s'endette sur vingt années s'acquitte d’un taux d'intérêt légèrement inférieur à celui qui serait réglé par la France pour s’endetter sur la même durée. Cela pose un problème philosophico-économique considérable : d’une part, nous partons du principe que la dette de la France est un actif des plus sûrs, et par ailleurs, nous constatons que la prime de risque est inférieure lorsque de l’argent est prêté à un privé.

Alors, bien que je déclarais plus haut ne pas affectionner particulièrement les prédictions, je vais me permettre une supposition : ce dernier éléments, s’ajoutant aux autres allant vers la même direction, laisse surement présager que les principales notes de la dette françaises seront abaissées prochainement. Moody's avait bien précisé dernièrement, lorsqu'elle s’est contentée d’apporter une perspective négative à la note de la France, que son maintien était conforté par l’épargne abondante et la diversité de l’économie du pays.

Effectivement, la tradition veut que les États, même acculés, savent déployer des moyens inimaginables au préalable afin d’user de la richesse privée de leurs concitoyens, et ainsi, de ne pas faire défaut. Sauf que si ces plans semblaient bien être dans les tiroirs, leur application dépend beaucoup de la puissance de l’Union européenne, fabuleusement fragilisée par l’arrivée récente d’un Donald Trump en sur-régime. Là encore, il s’agit d’un facteur qui, contribuant à rendre la dette des États européens plus risquée et complexe, participera proportionnellement à solidifier les convictions faisant se tourner certains vers l’or.

Je note au passage que la puissance de l’euro n’a jamais été aussi artificiellement gonflée qu’à présent. L’euro tire sa valeur sur le marché des changes, en partie, du fait que des quantités massives de dettes sont émises libellées sous son blason par des États dont l’insolvabilité dans le temps ne laisse plus beaucoup planer de doutes.

Précisons également que, moins les diplomates européens seront disposés à dialoguer avec le reste du monde, moins les acteurs économiques de ce dernier et fameux “reste du monde” seront conduits à convertir leurs avoirs détenus en monnaie locale en euros – que ce soit pour investir dans des titres ou pour d’autres actions, ce qui automatiquement, fait monter la valeur de l’euro puisque celui ci est de facto demandé.

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