La Banque centrale européenne (BCE) a fait une grosse bourde : on apprend par le média d’informations confidentielles La Lettre qu’elle détient un demi-milliard d’euros d’obligations d’Atos, ce qui en fait le premier créancier avec 20% de sa dette obligataire totale. Le groupe informatique français est endetté au total de 4,8 milliards d'euros dont environ la moitié sous forme d'obligations, le reste étant du crédit bancaire. Une société virtuellement en faillite, ce qui risque fort de représenter une perte sèche pour l’institution de Francfort.
En effet, pour faire tourner sa planche à billets, la BCE acquiert des obligations (et elle crée ex nihilo des euros pour cela, d’où le terme de planche à billets, et l’explosion de son bilan). Essentiellement des obligations souveraines, c’est-à-dire émises par les États de la zone euro, mais également des titres de grandes entreprises qui ont recours au marché obligataire. La BCE détiendrait encore 312 milliards d'euros d'obligations d'entreprise selon Les Echos, un montant énorme, et un sacré risque car si un État ne fait pas faillite (normalement, il y a eu la Grèce, et on verra à l’avenir…), les entreprises, elles, connaissent un destin plus aléatoire. Atos en est la preuve, mais combien de canards boiteux se trouvent dans le bilan de la banque centrale ?
La France est d’ailleurs le premier pays bénéficiaire du programme d'achats d’obligations d'entreprise (CSPP, corporate sector purchase programme) de la BCE, toujours selon Les Echos, avec 31% des obligations détenues (soit une centaine de milliards d’euros), suivi de l'Allemagne et de l'Espagne (22% et 10%). Pourquoi un tel favoritisme ?
Cela avait déjà beaucoup jazzé, notamment dans la presse allemande en 2020, quand on avait appris que la BCE avait acheté des obligations émises par le groupe de luxe LVMH, qui n’en a vraiment pas besoin tant son excellente santé financière suffit à convaincre les investisseurs privés, et que dans le même temps, photo à l’appui, on voyait Christine Lagarde sortir d’une boutique du groupe après y avoir fait ses emplettes.
Il y a aussi un petit problème de conflit d’intérêt dans cette affaire : Thierry Breton, l’ancien patron d’Atos qui a largement contribué à la faillite du groupe par une politique de croissance externe démesurée est, depuis 2019, Commissaire européen "chargé du marché intérieur, de la politique industrielle, du tourisme, du numérique, de l'audiovisuel, de la défense et de l'espace." Le puissant Commissaire ne pourrait-il pas demander à la BCE de traiter ce dossier dans la plus grande discrétion de façon à ne pas lui nuire ? Car avec une telle position, l'institution européenne aura son mot à dire dans le sauvetage de l'ex-fleuron français.
En attendant, la BCE devra certainement s’assoir sur sa créance car les deux repreneurs en compétition (le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky et le fondateur de Onepoint David Layani) ne veulent pas s’embarrasser de cette dette. On les comprend.
La planche à billets, ça ne fait pas que de l’inflation, ça fait aussi des trous dans le bilan de la BCE.
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