Contrairement à ce qu’elle avait envisagé à plusieurs reprises, au point que les marchés considéraient la décision comme acquise, Janet Yellen a finalement décidé de ne pas relever les taux à court terme de la Fed. Ils resteront proches de zéro. Les marchés se sont trouvés un temps déstabilisés, les intervenants s’avouaient désarçonnés. Mais seuls ceux qui se fient exclusivement aux médias mainstream et aux déclarations officielles ont de quoi être surpris. En décortiquant un minimum les chiffres de la croissance et du chômage de l’économie américaine, chacun pouvait se rendre compte que la réalité n’était pas reluisante. La présidente de la Fed n’a cependant pas osé le reconnaître et a préféré utiliser le prétexte du ralentissement de l’économie chinoise…

Nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, il n’y a pas de vraie reprise autoentretenue (c'est-à-dire par les investissements) aux Etats-Unis, tandis la baisse du chômage s’explique plus par les sorties des statistiques des chômeurs découragés que par les créations nettes d’emplois. Nous voici condamnés au taux zéro, en attendant un éventuel nouveau QE si les choses venaient à se dégrader. La Fed ne peut rien faire d’autre. La problématique est identique pour la BCE, la BoE, la BoJ.

Tel est le paradoxe des banques centrales : elles sont puissantes, indépendantes des pouvoirs politiques, leurs paroles sont scrutées à la loupe, mais elles sont coincées, obligées de maintenir leurs taux à zéro et de fournir de la liquidité aux marchés à la moindre menace. Comme Gulliver enchaîné, elles ne peuvent rien faire : surtout ne pas bouger, surtout ne pas faire de vague. C’est bien la peine pour elles d’avoir obtenu leur indépendance… pour finalement demeurer immobiles, figées, sans liberté d’action.

Aux échecs, lorsque l’on se trouve dans ce genre de situation, le "mat" n’est plus très loin. En économie on parlera de crise. Mais pas tout de suite : les banques centrales gardent encore le magistère de la parole. Elles parlent pour ne pas dire grand-chose, mais on les écoute, mieux, on les croit. Enfin, les naïfs accordent du crédit à leurs déclarations, mais nous devons constater qu’ils sont encore clairement majoritaires. D’où les "troubles" que connaissent les marchés quand la parole souveraine du banquier central entre en contradiction avec le discours mainstream ("il y a une reprise… euh, mais en fait pas vraiment alors on n’augmente pas les taux").

Les choses vont sérieusement commencer à tanguer lorsque la parole des banques centrales sera remise en cause. Nul ne peut prévoir le moment mais il se rapproche au fur et à mesure que la "reprise" s’éloigne, que les marchés boursiers deviennent nerveux, que la Chine tousse ou qu’un "cygne noir" ne fasse son apparition. A ce moment-là, les banques centrales risquent de changer du tout au tout et d’entrer dans un activisme désordonné afin de reprendre la main. On risque fort, alors, de regretter leur immobilité.

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