Les politiques de taux zéro et d’assouplissement quantitatif des banques centrales du Japon, des Etats-Unis et de l’Europe provoquent un déluge de liquidité, nous le savons, et celui-ci se manifeste par une hausse inconsidérée des indices boursiers et un écrasement des taux auxquels empruntent les grands pays. On peut parler de bulle, sur les marchés boursiers comme sur les emprunts obligataires. La France, l’Italie et l’Espagne empruntent à 10 ans à moins de 2%, alors que leur dette publique ne cesse d’augmenter et que la croissance demeure nulle, une situation intenable à long terme mais qu’importe, les investisseurs achètent ! Le QE de 60 milliards d’euros par mois qu’a lancé la BCE en mars accentuera encore cette euphorie trompeuse.
Pour les pays bien portants on assiste à des premières mondiales : la Suisse vient d’emprunter à 10 ans à un taux négatif, elle a levé 232,5 millions de francs suisses à -0,055 %. Les investisseurs payent pour que leur argent soit gardé, et ce pendant 10 ans… Bien sûr, si les taux suisses continuent de baisser, ces investisseurs pourront revendre leurs titres en réalisant une plus-value, idem si le franc suisse monte, ils pourront enregistrer un gain en termes de change. Cependant le placement en lui-même coûte de l’argent et il faut espérer un environnement favorable pour réaliser une plus-value.
Mais l’exemple le plus délirant de cette bulle obligataire nous vient du Mexique qui a émis un emprunt de 1,5 milliards d’euros à un taux de 4,2% sur une durée de 100 ans. On pourrait croire à un gag mais c’est bien sérieux. Examinons les aspects de cette folie peu ordinaire :
> Mexico n’emprunte pas dans sa monnaie, le peso, ni même en dollars, alors que son économie est largement connectée à celle de son puissant voisin, mais en euros. Le risque de change est donc sérieux : si la monnaie mexicaine perd la moitié de sa valeur par rapport à l’euro, le poids de cet emprunt dans les comptes publics sera multiplié par deux. Et le peso n’est pas une monnaie solide, loin s’en faut.
> Le Mexique connaît épisodiquement des crises monétaires (la dernière date de 1994), le risque de défaut n’est donc pas à écarter. Le taux (le prix du risque) de 4,2% semble bien faible en comparaison.
> Emprunter 100 euros pendant 100 ans à un taux annuel de 4,2%, cela revient à payer 420 euros d’intérêts, plus le principal qui est remboursé à l’échéance, soit 520 euros au total (les emprunts souverains sont in fine). Et même si les euros dans 100 ans vaudront moins que ceux d’aujourd’hui (enfin, à condition que l’inflation reparte, sinon en cas de déflation c’est le contraire), on mesure l’irresponsabilité du pouvoir mexicain et son mépris des générations futures.
> L’euro existera-t-il dans 100 ans ? On remercie les Mexicains, qui ont du faire appel au don de prophétie des anciennes civilisations aztèques, de nous apporter la réponse.
Ne riez pas, cet emprunt mexicain va peut être se retrouver dans votre assurance-vie, car 4,2% représente un rendement très enviable aujourd’hui dans la zone euro. Et si le Mexique ne rembourse pas ? Pas grave, dans un siècle nous ne serons plus là pour le voir. Alors soyons fous, soyons irresponsables et Viva Mexico ! On prend le pari que ce genre d’emprunt va se répandre…
Petite conseil tout de même : pour garantir un capital sur un siècle il n’existe qu’un seul actif, et c’est l’or physique bien entendu. Pour le Mexique, préférez sa gastronomie, et encore.
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