Selon une analyse très intéressante de Xerfi sur l'évolution du patrimoine des Français, l’héritage représente une part de plus en plus importante de la richesse des particuliers :

"La fortune héritée représente ainsi aujourd’hui 60% du patrimoine total, contre moins de 35% en moyenne au début des années 70. Bref, la richesse des individus est plus qu’auparavant déterminée par celle de leurs ascendants plutôt que par leur propre trajectoire de revenus."

L'Institut d'études ne s’interroge cependant pas sur les causes de ce basculement. On observe notamment une multiplication par presque deux en 50 ans du poids de l’héritage dans le patrimoine et corrélativement une division par deux de sa "propre trajectoire de revenus". Quelle désillusion ! Ce que l’on gagne par son travail compte de moins en moins, et ce que l’on reçoit de ses parents, à 51 ans en moyenne (l’âge moyen des héritiers), pèse de plus en plus… Cela témoigne d’une société bloquée, qui renouvelle nettement moins ses élites, mais aussi d’une économie trop figée, qui offre de moins en moins d’opportunités.

Pourquoi ? Parce que l’État pèse de plus en plus dans nos vies, avec ses impôts, ses taxes, sa bureaucratie, ses normes, etc. Résultat : l’activité économique étouffe, la création de richesse se fait plus difficilement (il suffit de voir notre désindustrialisation), et la croissance du PIB diminue par palier de décennie en décennie pour tendre vers 1% (l’accroissement démographique, donc zéro rapporté à la population).

De nos jours, qui peut sérieusement s’enrichir en France ? La forte progressivité de l’impôt sur le revenu ferme quasiment la porte aux salariés. Reste alors le rêve de la startup, une idée qui cartonne, bien qu'il y ait beaucoup de tentatives pour peu d’élus… Devenir patron d’une société cotée et être payé en actions, encore moins de chance au tirage. Il y a aussi – concomitamment au poids croissant de l’État – ce que les économistes libéraux ont nommé le "capitalisme de connivence", c’est-à-dire la collusion entre les élites économiques et politiques afin d'obtenir les bonnes informations en premier. Une forme de corruption douce. Cela nécessite les bons contacts, les bonnes relations, les retours d’ascenseur surtout, assez peu de créativité et le sens du risque. Mais, effectivement, des gens s’enrichissent en France avec les éoliennes, les autoroutes, les travaux publics, etc. Si vous ne faites pas partie de ceux-là, il va falloir bosser dur.

En conséquence de ce "rétrécissement des opportunités", on constate "une concentration toujours plus forte de la richesse. La moitié des ménages la moins bien lotie ne détient que 8% de l’ensemble du patrimoine des ménages, alors que les 10% les plus fortunés en détiennent quasiment la moitié et les 5% les mieux dotés plus du tiers." La société française devient plus inégalitaire pour de mauvaises raisons, ce qui ne peut que générer de la frustration, d’où le débat très acerbe sur la réforme des retraites, par exemple.

Un problème non soulevé par Xerfi est que ce patrimoine s’avère essentiellement constitué d’immobilier, la résidence principale le plus souvent. Et les prix ont considérablement grimpé depuis les années 1970, enfin surtout depuis le début des années 2000 quand les banques centrales ont commencé à faire marcher la planche à billets. Il y a aussi un pur effet comptable dans ce basculement héritage/travail. Mais il s’agit en grande partie d’une bulle : au bout d’un moment, si les revenus ne suivent pas, les prix de l’immobilier vont devoir s’ajuster à la baisse (on semble déjà le voir à Paris).

Toutes choses égales par ailleurs, mieux vaut faire confiance à l'or physique, un conseil en passant. Mais sur le fond, les marges de manœuvre se rétrécissent, l’économie se sclérose et la valeur même du patrimoine des Français est menacée.

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