Par Frank Wiebe

On retrouve des échos des mythiques Nibelungen et de leur trésor enfoui dans l’exposition sur l’or qui s'ouvre cette semaine à la Bundesbank, la banque centrale de l’Allemagne. Le titre même du livret accompagnant l’exposition – "L’or des Allemands" – évoque une dévotion au métal jaune qui date de plusieurs siècles.

Le cycle d’opéras de Richard Wagner sur le trésor des Nibelungen témoigne de l’emprise tenace de l’or dans l’imaginaire allemand. Mais cela explique à peine pourquoi, aujourd’hui, la République fédérale possède la deuxième plus grande réserve d'or au monde, derrière les États-Unis. Cela n’explique pas non plus pourquoi la Bundesbank a décidé aussi récemment qu'en 2012 de rapatrier près de 700 tonnes de ses réserves d’or détenues à l’étranger, ce qui lui permet dorénavant de stocker la moitié de ses 3 400 tonnes de réserves totales à l'intérieur du pays. Aujourd'hui, 1.710 tonnes d'or sont conservées à Francfort, un peu plus de 1.200 tonnes à New York et environ 430 à Londres.

Près de 90 tonnes ont été transférées de la France vers Francfort dans le cadre de ce rapatriement controversé. Étant donné qu’une des fonctions des réserves d’or est d’être facilement disponible pour acheter des devises étrangères, il est logique d'avoir encore 37% de ses réserves à la Banque fédérale de New York et 13% à la Banque d’Angleterre. Mais cela n'a plus aucun sens de laisser de l’or à la Banque de France, puisque l’Allemagne et la France partagent une monnaie commune, l’euro.

 

L’or représente 70% des réserves de change de l’Allemagne

L’Allemagne ne possédait pas un seul gramme d’or après les réparations de la Seconde Guerre mondiale. Elle a accumulé de l’or en réalisant des excédents de la balance des paiements et en prenant livraison de l’or pour ceux-ci, comme le permettent les Accords de Bretton Woods régissant les réserves de change mondiales ainsi que l'Union européenne de paiements (UEP).

À ce jour, comme s’en est vanté avant l’exposition Carl-Ludwig Thiele, membre du directoire de la Bundesbank, l’Allemagne détient 1,8% de l’or mondial. L’or représente 70% des réserves de change du pays, contre seulement 2 % pour la Chine et 6 % pour la Suisse.

Cet amour pour l’or date d'avant l'hyperinflation des années Weimar, qui a renforcé le scepticisme à l'égard de la monnaie "papier". Cet amour va de pair avec la préférence des Allemands à utiliser le cash plutôt que le plastique (cartes de crédit) pour leurs achats courants, ainsi qu’avec une idéologie néolibérale, ou plutôt "ordolibérale", dominante dans l'économie. Lorsqu’il est question d’économie, les Allemands sont très conservateurs, voire réactionnaires.

De nos jours, les excédents de balance des paiements se traduisent par l'accumulation de réserves de change, ce qui fait que la Chine, par exemple, dispose d'énormes réserves de dollars provenant de ses années d'excédents avec les États-Unis. Mais au sein de la zone euro, les excédents et les déficits sont mesurés par les balances Target2 – en référence au système de paiement à règlement brut en temps réel utilisé par les banques centrales de l'UE. Les Allemands sont très sceptiques sur ces balances Target2. Après tout, quelle est la valeur d'une créance Target2 sur les passifs de la Grèce, si ce pays quitte la zone euro et déclare faillite ?

L’or physique semble beaucoup plus tangible. Il reste une "sphère de sécurité" ultime en période d'incertitude. Surtout si ces lingots d’or sont entreposés dans vos propres coffres. C'est évidemment ce que pensait la Bundesbank en 2012, lorsque le Contrôle fédéral des finances a déclaré aux officiels de la banque qu’ils se devaient de vérifier si les réserves d’or détenues à l’étranger existaient réellement. La banque centrale prit note et commença à rapatrier des tonnes de métal précieux.

En outre, la Bundesbank a eu du mal à être transparente sur ses réserves d’or et la façon dont elles étaient stockées. La nouvelle exposition fait partie de ses efforts de relations publiques.

"Nous faisons cela pour montrer aux citoyens que les lingots d'or sont là. Nous voulons qu'il y ait de la confiance dans la Banque fédérale et ses réserves" d'or. Et cela ne peut se gagner qu'avec de la transparence", a expliqué Carl-Ludwig Thiele.

Source originale: Handelsblatt Global Edition

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