Vous avez sûrement entendu dire qu'il y a environ 200 fois plus d'or papier qui circule sur les marchés que d'or physique.

Cela signifie qu'un même gramme d'or serait utilisé pour garantir jusqu'à plus de 200 fois sa propre valeur à travers des contrats papier.

Ça vous parait complétement ahurissant ? Je vous propose de voir ensemble comment cela fonctionne, ces contrats or papier.

Attends une seconde! C'est quoi, l'or papier ?

Quand on parle d'or papier, on fait allusion à des contrats qui ont pour objet de répliquer la valeur de l'or.

Par exemple, Pierre pense que l'or va monter dans le temps. Il souhaite se placer sur l'or pour en profiter, mais pour autant il ne veut pas s'embêter avec des pièces ou des lingots physiques qu'il devra stocker, assurer etc ...

Pierre va donc voir sa banque, qui va lui vendre la part d'un contrat ETF répliquant le cours de l'or.

Houlà, c'est quoi ça un ETF ?

Les ETF font partie de la famille des trackers. Comme son nom anglais l'indique, un tracker est un instrument qui permet de suivre quelque chose. Le principe est simple :

Imaginons un fonds d'investissement qui veut créer un ETF pour que ses clients puissent se positionner sur la valeur de l'or.

1ère étape - Ils vont créer une société dont le seul objectif sera d'être découpée en une multitude de petites parts, qui seront ensuite ventilées sur les marchés pour tout ceux qui en veulent. On appelle ce type de société des Fonds négociés en bourse. En anglais, ça s'appelle des ETF.

2e étape - Si l'on veut que la valeur de la société réplique le cours de l'or, rien de plus simple : on va acheter de l'or et le mettre à l'actif du bilan de l'entreprise. Comme c'est le seul actif que possède l'entreprise, forcément sa valeur va varier en fonction du prix de l'or qu'elle possède.

Donc ce sont des sociétés qui achètent de l'or en fonction du nombre d'actions qu'elles émettent. Donc en gros, ce sont des sociétés qui gèrent tous les problèmes d'achat, de stockage et de vente pour leurs clients actionnaires.

C'est plutôt une bonne idée, non ?

Sur le principe oui, mais attends, l'histoire n’est pas finie. Car si on s'arrêtait là, les ETF ne rapporteraient pas grand chose, car on voit bien qu'il n'y a pas d'effet de levier à ce stade.

C'est là qu'il va y avoir de la créativité financière, c'est ça ?

Tout à fait.

Le premier problème de ces sociétés est qu'il faut acheter de l'or pour le mettre à l'actif du bilan. L'or est rare et cher. Donc des petits malins ont pensé à emprunter cet or à ceux qui en possèdent déjà, en leur tenant les propos suivants : "Prête-moi ton or pendant cinq ans et, pendant cette durée, je te verserai un petit loyer."

Du coup, tout le monde est content.

L'ETF a l'or, et le gars qui lui a prêté, soit il a diminué ses coûts de stockage grâce à la perception de ses loyers. Soit il a carremment transféré physiquement l'or vers cet ETF, et auquel cas il n'a même plus à payer des coûts de stockage, ni même a assurer cet or.

Ah, d'accord. Donc dans ta dernière vidéo sur l'or, quand les banques centrales déclarent qu'elles obtiennent un rendement sur leurs stocks d'or, c'est de ça dont elles parlent.

Ça, personne n'en sait rien. Mais on peut fortement imaginer que c'est ce type de montage financier qui se cache derrière ces fameux rendements.

Ok, mais attends. Notre ETF ne possède rien alors, si c'est un emprunt. Du coup, comment on fixe la valeur de cette société ?

Ce n’est pas grave. Regarde.

Admettons qu'un actionnaire souhaite échanger ses actions, les rendre à l'ETF, en contrepartie de son or. À ce moment-là, l'ETF lui donne sa quantité d'or, et il récupère les actions du vendeur en contrepartie. Maintenant qu'il a récupéré ce titre de propriété de l'entreprise, cette action, il va la revendre à un nouvel acheteur. Avec l'argent de ce nouvel acheteur, il va pouvoir réemprunter de l'or ailleurs et reconstituer son stock. Donc, la valeur de l'entreprise est bien indexée sur l'or.

L'ETF gagne de l'argent sur les commissions j'imagine. De l'autre côté, cela permet aux clients d'acheter et de vendre de l'or sans contraintes et très rapidement.

Du coup, tout ce bazar permet de générer un rendement sur l'or.

Mais là, on n’a toujours pas de levier...

Il manque quelque chose pour pouvoir réellement gagner de l'argent maintenant !

Dans notre ETF, ajoutons une clause dans le contrat qui dit la chose suivante :

Lorsqu'un actionnaire souhaite récupérer son or, l'ETF aura le choix de lui donner l'or physique OU de payer l'équivalent de son or au prix du marché.

Bah c'est pareil. Si je demande 100 grammes d'or ou si je reçois l'équivalent du prix de 100 grammes d'or en euros, ça revient au même pour l'actionnaire, non ?

Oui, c'est pour ça que ça ne choque personne.

Par contre, pour l'ETF, un nouveau monde plein de richesses s'offre à lui.

Ah bon ?

Admettons que la valeur totale de notre ETF soit de 1 000 000 €. Le patron de cet ETF se rend compte que chaque année, 20% des actions changent de mains. Autrement dit, il sait qu'il a besoin de 200 000 € dans ses tiroirs-caisses pour assurer la liquidité, la fluidité, de ses échanges. Lorsque les clients lui demandent de l'or ou de l'argent, il doit donner 200 000 € du coup. Ensuite il va récupérer cette somme en revendant les actions du fonds.

Donc il se dit qu'il a 800 000 € en or qui stagne dans son ETF. De l'or sous forme métallique qui ne bouge pas, qui ne sert à rien et prend la poussière.

Ça c'est triste...

Donc pour rendre tout cet argent plus mobile et productif, le patron de l'ETF décide d'émettre cinq fois plus d'actions qu'il n'a d'or dans ses coffres.

Comme il a 1 000 000 € d'or dans ses coffres, il va émettre pour 5 000 000 € d'actions sur les marchés. Avec les 20% de turnover annuel, le million € sous forme d'or qu'il a dans ses coffres sera constamment mobilisé. Mais la différence pour lui est qu'il pourra percevoir des commissions 5 fois plus importantes, puisque avec seulement 1 million € d'or, il va percevoir ses commissions sur un volume d'actions de 5 millions €.

Attends, une minute, c'est un système de réserve fractionnaire, ça. Ça ressemble vachement au système bancaire, non ?

C'est dans les vieux pots qu'on fait les bonnes soupes.

Mais attends. Au début de la vidéo, tu parlais d'un levier supérieur à 200. C'est gigantesque. Comment ça peut fonctionner ? Ça voudrait dire qu'il y a 200 fois plus d'or papier émis que d'or physique détenu ?

Là, c'est exactement pareil. L'exemple que l'on vient de voir illustre le principe de fonctionnement. Mais il faut savoir qu'un même lingot d'or peut être la contrepartie dans plusieurs fonds à la fois.

Tant que le système est stable, ça ne pose aucun problème.

Lorsque j'empile des Legos avec mes filles, par principe la hauteur de la tour n'a pas vraiment de limites en soi que les contraintes extérieures. Si on vitrifie tout ce qui se passe à coté de notre tour de Legos, elle peut monter très haut. Mais tout ceux qui ont fait des châteaux de cartes savent qu'à un moment, on est tellement haut, on se retient de respirer pour éviter l'effondrement de l'édifice.

Là c'est exactement pareil.

Dit comme ça, c'est un peu flippant. Heureusement que les choses sont bien séparées entre la valeur des ETF et de l'or physique. Comme ça, le jour où ça pète, ça ne touchera que ceux qui ont mis la main dans le pot de confiture.

Non, car beaucoup d'investisseurs font la confusion, et imaginent que c'est la même chose d'acheter de l'or physique et d'acheter un produit dérivé, comme un ETF, qui porte sur l'or. C'est compréhensible, puisque aujourd'hui le prix de l'or physique et des dérivés sur l'or est le même...

Donc ces ETF créent une offre d'or supplémentaire, qui n'existe pas réellement, puisqu'ils vendent du papier et non de l'or physique.

Le plus curieux dans cette histoire est que les personnes qui achètent de l'or papier le font pour profiter d'une hausse des prix de l'or physique.

Comme on l'a vu, les vendeurs d'or papier peuvent démultiplier leur offre à l'infini. Du coup, ils contribuent à augmenter le stock d'or virtuel qui entre en concurrence avec l'or physique.

Donc cette offre virtuelle d'or va détourner une partie de la demande qui serait allée vers l'or physique si elle n'existait pas.

Cette augmentation de la quantité de papier a pour conséquence de diminuer la rareté, et donc d'installer une pression à la baisse durable sur les prix de l'or physique…

On peut même se dire que cette histoire d'or papier est un excellent moyen de manipuler à la baisse les prix de l'or physique… Enfin moi, je dis ça, je ne dis rien…

C'est sioux comme mécanisme…

Mais le jour où il y a un problème majeur sur le château de carte de l'or papier et qu'une partie significative de cet argent se reportera sur l'or physique, ça risque d'être compliqué.

Compliqué comment ?

En une phrase : ce sera très agréable pour ceux qui possèdent de l'or physique, car le prix va exploser, mais ce sera très désagréable pour ceux qui ont de l'or papier, car les faillites risques de s'enchaîner aussi vite que le ratio entre or papier et or physique est élevé.

Donc, s'il y a 200 fois plus d'or papier que d'or physique, ça fait… Oh, grand bazar !

Ça craint rien pour l'industrie financière ?

Ces ETF doivent bien appartenir à quelqu'un d'autre ? Genre des banques, des fonds ? Du coup, si les ETF font faillite, les créanciers vont chercher à se récupérer sur les propriétaires de ces ETF, non ?

Là aussi ce sera la surprise. De nombreux articles posent la question de savoir qui possède quoi et qui doit quoi à qui.

Tu penses bien qu'avec des leviers astronomiques que l'on compte en multiples de 100, les questions lors des faillites risquent de pleuvoir par centaines aussi ...

Donc si j'achète de l'or, j'achète de l'or physique c'est certain, et je l'enterre à six pas du grand chêne en direction du soleil couchant, quoi…

Attends, on n'a pas fini avec notre série sur l'or.

La prochaine fois, on verra comment détenir de l'or physique sans pour autant l'avoir chez soi. Le monde est rempli de solutions...

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