Le 17 juillet 2015, la Chine a mis à jour le montant officiel de ses réserves d’or. Elles s'élèvent à 1.658,1 tonnes, soit une augmentation, depuis la dernière annonce en 2009, de seulement 604 tonnes (+57%). Ce chiffre est beaucoup plus faible que la plupart des spéculations, dont les miennes, qui prévoyaient entre 2.000 et 4.000 tonnes. Surpris ? Oui, je le suis. Si nous regardons la quantité d’or importée en Chine, surtout depuis la crise financière de 2008, il est estimé que la Chine aurait accumulé approximativement 14.573 tonnes d’or. Ce que nous ne savons pas, c’est combien de cet or est sous contrôle gouvernemental et combien est détenu par des entités privées.
La détention d’or en Chine était illégale jusqu’en 2002. Depuis, on estime que les investisseurs chinois ont acheté 1.530 tonnes d’or en lingots et en pièces. Durant la même période, les consommateurs chinois ont acheté 5.282 tonnes de joaillerie d’or, selon le World Gold Council. Cela représente environ 6.800 tonnes d’or acheté par les particuliers chinois. On estime aussi que les banques chinoises détiennent approximativement 2.000 tonnes d’or (toutes les banques chinoises sont sous contrôle de l’État).
Les autorités chinoises ont mis en place toutes sortes de mesures, comme légaliser la détention de lingots et de pièces d’or en 2002, jusqu’à ouvrir son marché de l’or via le Shanghai Gold Exchange, en 2014. Se pourrait-il que la plus grande partie de l’or soit entre des mains privées et qu’une infime portion seulement de ces 1.658 tonnes, sur 14.753 tonnes (seulement 11%), soit sous contrôle direct du gouvernement chinois ? Cela me semble improbable. Est-ce que, soudainement, la population chinoise aurait augmenté sa richesse au point qu’elle puisse se procurer environ 6.800 tonnes d’or ? Les chinois doivent, tout d’abord, utiliser leurs revenus pour améliorer leurs conditions de vie, et la distribution des revenus en Chine n’est pas très répandue, mais plutôt concentrée dans les villes importantes de l’Est du pays.
Julian D.W. Phillips (Gold/Silver Forecaster), estime que le gouvernement chinois peut obliger ses citoyens de donner leur or au gouvernement, dans l’intérêt du pays. J’estime que le gouvernement chinois possède, sous une autre entité légale que la Banque populaire de Chine (PBOC), 2.500 tonnes d’or qui pourraient être transférées vers le compte de la PBOC à un moment stratégique opportun. Selon le World Gold Council, la PBOC a réitéré sa position en indiquant récemment, qu’en plus de ses réserves directes, la Chine « possède de l’or via ses citoyens ». Pour ceux qui, comme moi, ont vécu sous un régime totalitaire marxiste, ces mots soulignés, en caractères gras, me touchent particulièrement. La Chine, clairement, a beaucoup plus d’or sous son contrôle qu’elle ne l’admet publiquement, de manière subtile.
Pourquoi 4.000 tonnes ? Afin de comprendre ce chiffre, j’en réfère à plusieurs déclarations d’officiels ou d’ex-officiels chinois. Song Xin, secrétaire du Parti et président de la China Gold Association, a écrit, sur Sina Finance, le 30 juillet 2014, que « pour que l’or remplisse la mission à laquelle il est destiné, nous devons augmenter sensiblement nos réserves d’or, et le faire à l’aide d’un plan solide. La première étape devrait nous permettre d'atteindre les 4.000 tonnes, plus que l’Allemagne, et de devenir le numéro deux mondial; ensuite, nous devrons augmenter pas à pas jusqu’à 8.500 tonnes, soit plus que les États-Unis. » Alors, une spéculation raisonnable, quoique toujours une spéculation, serait que la Chine a déjà environ 4.000 tonnes d’or en sa possession ou sous son contrôle.
Selon Willem Middelkoop, dans son livre The Big Reset, un “groupe de travail” d’experts monétaires avait suggéré, dès 2009, que les réserves d’or de la Chine soient augmentées à 6.000 tonnes aux alentours de 2013, et à 10.000 tonnes vers 2017. Ces 6.000 tonnes « mettraient le ratio or/PIB de la Chine à égalité avec celui des États-Unis et l’Europe ». Alors, il est évident que 4.000 / 6.000 tonnes est le premier objectif à atteindre aux alentours de 2015 et que 8.500 tonnes constitue l'objectif final.
Le Financial Times rapporte que la Banque populaire de Chine a écrit sur son site web : « En se basant sur la valeur de l’or et ses changements de prix, et en prenant soin de ne pas créer de perturbations sur le marché, nous avons accumulé de manière continue des réserves d’or à travers plusieurs canaux internationaux et domestiques. » La Banque populaire de Chine a aussi déclaré : « La capacité du marché de l’or est faible comparée aux réserves de devises étrangères de la Chine; si jamais les réserves de devises étrangères étaient utilisées pour acheter de grandes quantités d’or en un court laps de temps, le marché en serait facilement affecté. »
Ces déclarations sont une indication du désir de la Chine de ne pas influencer le prix de l’or, au moins jusqu’à ce qu’elle ait atteint son objectif final de 8.500 tonnes. Il semblerait qu’elle n’y soit pas encore. Cette annonce place la Chine devant la Russie, mais la laisse loin derrière les États-Unis et la zone euro. Elle est maintenant la plus grande détentrice de réserves d’or des pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Avec 4.000 tonnes, la Chine serait troisième mondiale, derrière les États-Unis et la zone euro.
En termes de pourcentage des réserves totales de devises étrangères, la Chine occupe le dernier rang des pays du BRICS, et demeure loin derrière les États-Unis et l’Union européenne. Avec 4.000 tonnes, elle serait toujours au dernier rang dans les BRICS.
En jetant un coup d’œil sur les réserves d’or en tant que pourcentage du PIB, cette annonce laisse toujours la Chine à 0,6%, en dernière position des pays du BRICS, et loin derrière le 1,8% des États-Unis et le 3,2% de la zone euro. De l’autre côté, avec 4.000 tonnes, la Chine serait proche de la moyenne des BRICS et des États-Unis (1,8%).
Pourquoi la Chine sous-estimerait-elle ses réserves d’or, et à de tels niveaux ? Nous sommes en pleine guerre des devises et, donc, en pleine guerre de l’or (l’or est une monnaie et la seule devise réelle). Le système monétaire actuel est fissuré, et ce depuis un bon bout de temps. En 1971, le président Richard Nixon mit un terme aux Accords de Bretton Woods, en déclarant : « J’ai avisé le Secrétaire Connally de suspendre temporairement la convertibilité du dollar américain en or, sauf pour des montants et conditions déterminés comme étant dans l’Intérêt des États-Unis. » À noter le mot ‘temporairement’, sur lequel j’ai mis l’accent : cela s’est passé il y a 45 ans ! Il a aussi déclaré : « En pleine coopération avec le Fond monétaire international et ceux qui font du commerce avec les États-Unis, nous nous efforcerons de pousser les réformes nécessaires devant mener à l’établissement d’un nouveau système monétaire international, dont l’avènement est urgent. » Encore une fois, j’ai souligné et mis en caractères gras les mots ‘nécessaires’ et ‘urgent’. Plus récemment, lors d’une conférence à Séoul, en Corée du Sud, Ben Bernanke, le précédent président de la Fed, a dit à l’auteur Jim Rickards, « Le système monétaire international n’est pas cohérent. » La crise financière de 2008 a donné le signal que nous sommes proches d’une « grande remise à zéro » (Big Reset) du système monétaire international.
Dans ce contexte, il me semble que cette annonce ne constitue qu’un geste ponctuel d’apaisement tandis que le FMI étudie l’inclusion possible du Yuan dans le panier de devises des DTS. Tout indique que ce n’est qu’une question de temps. Cependant, les États-Unis peuvent toujours retarder l'échéance, voire y apposer leur veto. La Chine semble s’être préparée à toutes les éventualités. Rien ne dit que la prochaine mise à jour aura lieu dans cinq ans. La Chine pourrait mettre à jour ses réserves à tout moment, même peu de temps après l’inclusion du Yuan dans les DTS d’ici la fin de l’année. Si le Yuan est désarrimé du dollar américain, ce qui arrivera si le Yuan est inclus dans les DTS, la Chine pourra faire des annonces régulières sur ses réserves d’or, comme le fait la Russie.
La Chine veut se joindre à la table des grands au FMI et ne souhaite certainement pas laisser aux États-Unis le « privilège exorbitant » du dollar américain. La Chine a indiqué à plusieurs reprises que son intention n’était pas de détruire le dollar américain, mais plutôt de le faire redescendre au niveau d’une devise étrangère comme les autres. Dans cette guerre, la Chine est bien soutenue par la Russie. La France, sous le président Charles de Gaulle, a essayé dans les années 70, sans succès. La France était effectivement isolée par les États-Unis au sein de la communauté internationale. La Chine et la Russie essaient aujourd’hui, et ils semblent avoir du support au niveau mondial et, donc, de meilleures chances. Depuis la crise financière de 2008, il est devenu de plus en plus évident que le présent système monétaire international, basé sur le dollar US, a besoin d’une remise à zéro, et cela est urgent.
Julian D.W. Phillips (Gold/Silver Forecaster), a écrit, dans un article récent de MarketWatch : « Afin d’arriver à un système mondial à plusieurs devises, on s’attend à ce que l’or joue un rôle clé, aux côtés du dollar américain, de la livre Sterling, du yen et du franc suisse – et oui, et cette année, du Yuan. » La Chine a régulièrement approuvé ce type de déclaration.
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