"50 milliards d’économies", voici ce qu’a annoncé Manuel Valls, le nouveau Premier ministre, le 15 avril. L’annonce claque comme un drapeau au vent ; après tant de tergiversations, la France prend enfin conscience de sa situation difficile et décide d’agir vigoureusement. Jamais depuis 40 ans les dépenses publiques n’ont diminué et, pour la première fois, cela va se produire, la spirale du déficit et de la dette est désormais stoppée, bravo ! Enfin, voici surtout comment le gouvernement souhaiterait que cette annonce soit perçue, tout spécialement par ceux qui achètent de la dette française, en Europe et dans le monde. On est ici surtout dans la "communication".
Il faut le rappeler, les deux-tiers de la dette française sont détenus par des "non-résidents", c’est-à-dire des investisseurs étrangers ; il est donc crucial pour la France de garder leur confiance, sinon tout s’écroule. Si ceux-ci se limitent aux gros titres de la presse internationale, ils seront effectivement rassurés par cette annonce et croiront y lire une décrue de la dépense publique et un retour à l’équilibre budgétaire. S’ils creusent un peu le sujet, ce n’est pas certain…
Car que recouvre réellement cette déclaration ? Un pari tellement hasardeux qu’on pourrait parler de mensonge. En effet, contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’y aura aucune diminution de dépense : pas de suppression ou de diminution des prestations sociales, pas de coupes budgétaires, aucune réforme structurelle permettant de générer des économies, aucun grand chantier dispendieux stoppé (TGV Lyon-Turin, éoliennes en mer, métro du grand Paris, plusieurs dizaines de milliards d’euros à chaque fois pour une utilité douteuse), non rien de rien.
Alors d’où vient ce chiffre de 50 milliards ? Manuel Valls a seulement décidé de bloquer toute réévaluation des prestations sociales et des dépenses de l’Etat. Résultat, le chiffre des dépenses publiques en valeur absolue ne bougera pas. Dans le même temps, la faible inflation prévue (2%) et une croissance optimiste de l’ordre de 2% dans les prochaines années (exactement 1,7% en 2015, de 2% et 2,25 en 2016 et 2017) continueront de faire progresser les recettes fiscales de l’Etat de l’ordre de 2 à 3% par an. La différence entre cette stagnation des dépenses et cette légère hausse des recettes permettra de dégager 17 milliards d’économies sur les trois ans qui viennent, soit 50 milliards au total.
Car oui, bien sûr, ce n’est pas 50 milliards d’économies d’un coup, mais 17 milliards sur trois ans, autrement dit vraiment pas grand-chose, compte tenu du montant total de la dépense publique en France (1.150 milliards d’euros). Et cette économie est gagée sur des prévisions optimistes, car la France est touchée par une désinflation que l’on peut voir partout en Europe, et, d’autre part, les prévisions de croissance s’avèrent exagérément optimistes. Rien ne permet d’imaginer que la croissance ne redémarre prochainement (rentabilité des entreprises au plus bas, investissements faibles, niveau record des faillites). Le scénario largement le plus probable, c’est une croissance qui reste bloquée autour de zéro et, à ce moment-là, "au revoir" les 50 milliards d’économie.
Le président François Hollande est un adepte de la méthode Coué ; il a déclaré : "Sur le plan psychologique, il est très important que les Français se disent: "ça peut repartir", car la confiance ramènera la consommation et l'investissement." C’était l’année dernière et, depuis, rien n’a changé. Pas sûr que grand-chose ne s’améliore en 2014 et 2015. A force de jouer sur les mots et de vouloir tromper son monde, le gouvernement français s’expose à de violentes déconvenues. La chute n’en sera que plus brutale. La France est le pays pivot entre le sud et le nord de l’Europe ; une crise de confiance sur sa dette toucherait l’ensemble de la zone euro…
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