La "grande rotation" est une idée à la mode depuis le début de l’année, c’est le grand mouvement de fond auquel on devrait assister sur les marchés : le déplacement des investisseurs des obligations vers les actions.

Pour comprendre ce mouvement il faut remonter à quelques années : les actions ont connu deux krachs majeurs, en 2000 (surtout les valeurs technologiques) et en 2008 (à l’occasion de la crise des subprimes). Dans le même temps le compartiment des obligations souveraines des grands pays (USA, Allemagne, UK, pays émergents) se portait bien, et la baisse régulière des taux assurait des gains significatifs à leurs détenteurs. Conséquence, les obligations sont surpondérées par rapport aux actions dans les portefeuilles des investisseurs.

Maintenant que les taux d’intérêt ont atteint un plancher, et commencent même à remonter, et que l’économie semble repartir, si l’on en croit les déclarations des dirigeants des Etats-Unis et d’Europe, il devrait s’amorcer un mouvement de rééquilibrage en faveur des actions, une sortie progressive des capitaux des obligations vers les entreprises cotées, soutenant ainsi leur croissance retrouvée, le tout sur fond de réduction du déficit budgétaire et donc de moindre sollicitation du compartiment obligataire… Voici en tout cas le rêve éveillé des autorités monétaires et des chefs d’Etat et de gouvernement.

Qu’en est-il réellement ? Il n’y a nulle reprise à l’horizon, nous l’avons déjà dit ici, l’Europe est en stagnation et les Etats-Unis demeurent sous les 2% de croissance annuelle malgré un déficit budgétaire abyssal et un Quantitative easing de 85 milliards de dollars par mois. Pourtant il semble que la "grande rotation" commence à s’engager !

Selon Thomson Reuters Lipper, les investisseurs ont retiré 3,27 milliards de dollars des fonds investis en obligations du Trésor américain lors des sept premiers jours d’août, il s'agit du montant le plus élevé jamais constaté par le cabinet d'études depuis 1992. Dans le même temps 6,28 milliards de dollars ont afflué en une semaine dans les portefeuilles des gérants actions américains. Ce mouvement se voit aussi en Europe et il profite même aux pays du Sud, au point que les indices des bourses de Milan et de Madrid affichent une progression mensuelle de 8% chacune, 3 points de mieux que Londres ou Paris, et 6 points de plus que le S&P 500 ! On rappelle pourtant que ces deux pays sont en récession !

La "grande rotation" semble donc s’amorcer, mais pour de mauvaises raisons : un éloignement des obligations suite à une remontée des taux, et un retour sur les actions sur la foi d’une reprise largement illusoire, et la croyance que la crise de la zone euro est terminée… Les déceptions risquent d’être cruelles quand les espoirs de redécollage économique s’évanouiront définitivement, et que chacun se rendra compte qu’il a surpayé ses actions. Par exemple le fonds souverain norvégien a indiqué que les actions représentent fin juin 63,4% de ses investissements totaux, un niveau record, et que sa part en obligations est tombée à 35,7%. Une prise de risque que l’on pourrait qualifier d’exorbitante.

Alors à quand une "grande rotation" vers l’or, ou d’une façon plus générale vers les actifs réels, ce qui serait tout de même plus raisonnable ? Il va certainement falloir attendre un autre krach pour que les financiers comprennent…

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