"Forward guidance", voici le nouveau terme à la mode chez les banques centrales. Il s'agit de rassurer le marché plusieurs années à l'avance, de façon à ce qu'il forme les "bonnes" anticipations. Le premier à l'avoir théorisé et mis en oeuvre fut Ben Bernanke, qui a annoncé le 13 septembre 2012 que la Fed ne relèvera pas ses taux avant l’année 2015. Mario Draghi lui a récemment emboité le pas, alors que jusqu'ici la BCE se refusait à s'engager au delà de quelques mois.
Les marchés ont donc l'assurance que les taux resteront bas, sauf en cas de véritable reprise de l'économie, ce que personne ne pense sérieusement. Parfait, les banques vont continuer à bénéficier d'argent gratuit auprès de leur banque centrale, la fête continue, les marchés boursiers sont satisfaits.
Mais après tout, n'est-ce pas un changement cosmétique ? Pas Vraiment, regardons de plus près. Car cela veut dire que les banques centrales soumettent leurs décisions à l'état des marchés, autrement dit qu'elles perdent l'initiative, leur capacité à créer la surprise. Un vrai changement car jusqu'alors elles étaient très fières de ce pouvoir, à cet effet rappelons-nous d'Alan Greenspan et de son côté showman (symbolisé par cette phrase : "si vous avez compris tout ce que je viens de dire, c'est que je me suis mal exprimé"). On en est loin désormais.
Plus fondamentalement, la "forward guidance" traduit une crainte, presque une peur panique des banques centrales : la remontée des taux longs. Ses effets seraient dévastateurs sur les bilans des banques et des assurances, ainsi que sur le financement des déficit publics. Déjà depuis quelques mois ils remontent, modérément pour l'instant, aux Etats-Unis et en Europe, Allemagne comprise. Une poursuite de cette hausse serait vite dangereuse. Les banques centrales peuvent agir sur le taux court, celui auquel elles refinancent les banques, et en maintenant celui-ci à zéro et en affirmant, en l'occurrence, vouloir continuer à le faire pour les prochaines années, elles cherchent à peser à la baisse sur les taux longs. Mais même si cette influence est réelle, elle s'avère limitée, et pèserait bien peu face au risque inflationniste ou à une montée générale des risques.
Cette nouvelle politique des banques centrales montrent qu'elles sont engagées dans une fuite en avant et qu'elles ne savent pas comment s'en sortir. La planche à billets et les taux bas ne ramènent pas la croissance, ils ne résolvent pas les problèmes de dette publique, n'améliorent qu'à la marge les bilans bancaires, et surtout créent des bulles encore plus dangereuses que celle des subprimes de 2008. Dans ce contexte, la "forward guidance" n'est qu'un expédient de plus, mais qui encore une fois ne règle rien sur le fond.
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