Nick Giambruno : Doug, vous avez prédit la chute de l’Union européenne il y a quelques années… qu’est-ce qui a changé depuis ?

Doug Casey : La situation s’est empirée. L’inévitable est maintenant devenu l’imminent.

Alors que l’Union européenne était, à la base, un accord de libre-échange entre quelques pays, elle est devenue une gigantesque bureaucratie dysfonctionnelle et tentaculaire. Le libre-échange est une excellente idée. Cependant, il n’est pas nécessaire de légiférer ce libre-échange – c’est presque une contradiction dans les termes. Un accord de libre-échange entre les différents gouvernements n’est pas indispensable pour commercer librement. Un pays intéressé par la prospérité et la liberté n’a qu’à éliminer toutes les taxes à l’import-export, ainsi que tous les quotas. Lorsqu’un pays impose des tarifs ou des quotas, il se met lui-même sous embargo et tire dans le pied de son économie. Les sociétés devraient pouvoir commercer avec qui elles veulent pour leur propre avantage.

Mais ce n’est pas ce qu’ont fait les Européens. Les eurocrates, au contraire, ont créé un accord de la taille d’un bottin téléphonique, en règlementant tout. C’est le problème de l’Union européenne : ils disent que c’est pour le libre-échange, mais en fait c’est pour l’idée arbitraire de "commerce juste et équitable", ce qui revient à tout règlementer. En plus des conséquences économiques désastreuses, cela crée de l’incompréhension et de la confusion dans l’esprit des gens. Bruxelles constitue une couche supplémentaire de bureaucratie par-dessus les couches nationales et locales avec lesquelles l’Européen moyen doit composer.

L’Union européenne à Bruxelles est composée d’une classe dirigeante de bureaucrates extrêmement bien rémunérés, jouissant de bénéfices extraordinaires, avec leur propre culture interne. C’est exactement le même type de personnes qui vivent dans leur bulle à Washington, D.C.

L’Union européenne a été construite sur du sable, et elle était vouée à l’échec dès le départ. L’idée ne pouvait faire long feu, étant donné que les Suédois et les Siciliens sont aussi différents les uns des autres que peuvent l’être les Polonais et les Irlandais. Il existe des différences linguistiques, religieuses et culturelles, et les niveaux de vie sont très divergents. Les constructions politiques artificielles ne durent jamais. L’Union européenne, c’est parfait pour "l’élite" de Bruxelles, mais pas si parfait pour les citoyens.

Dans le même temps, il y a une force centrifuge à l’intérieur de ces pays européens. En Espagne, les Basques et les Catalans veulent leur indépendance, et au Royaume-Uni, les Écossais voudraient que ce Royaume soit un peu moins uni. Il faut se souvenir qu’avant Garibaldi, l’Italie était composée d’un grand nombre de petits duchés et principautés où l’on parlait sa propre variante de la langue italienne. C’était également le cas pour ce qui est aujourd’hui l’Allemagne, avant Bismarck, en 1871.

En 2014, 89% des Vénitiens se sont dits favorables à une séparation avec l'Italie. La région du Tyrol du sud, où 70% des gens parlent l’allemand, a un fort mouvement indépendantiste. Il y a des mouvements similaires en Corse et dans une demi-douzaine de départements français. Même en Belgique, fief de l’Union européenne, la probabilité que les Flamants deviennent un jour indépendants est élevée.

Il y a fort à parier que, à l’avenir, les pays restants de l’Europe s’effondreront.

D’un point de vue strictement philosophique, l’idéal ne serait pas un gouvernement mondial, ce que "l’élite" préfèrerait, mais plutôt environ sept milliards de petits gouvernements individuels. Cela serait bien mieux pour la liberté et la prospérité.

 

Nick Giambruno : De quelle façon le Brexit affecte-t-il l’avenir de l’Union européenne ?

Doug Casey : C’est le début de la fin. L’inévitable est maintenant devenu l’imminent. La Grande-Bretagne a toujours été, peut-être, la culture la plus différente de toutes celles qui composent l’Union européenne. Les Anglais y ont adhéré tard et à contrecœur, et n’ont jamais songé sérieusement à abandonner la livre pour l’euro.

Vous allez voir d’autres pays quitter l’Union européenne. Le prochain pourrait bien être l’Italie. Toutes les banques italiennes sont en faillite. Qui pourrait arranger la situation ? Est-ce que le reste de l’Union européenne va débloquer des centaines de millions de dollars pour aider une nouvelle fois l’épargnant italien moyen ? Je ne pense pas. Il y a de fortes chances que l’Italie se débarrasse de l’euro et quitte l’Union européenne.

Si Marine Le Pen remporte les élections, la France sortira aussi. Ce qui serait une bonne chose. Mais là encore, Marine Le Pen ne fait pas exception : elle veut faire perdurer l’État-providence et augmenter la règlementation et les impôts. Les Français ne disposent d’aucune bonne alternative – du moins, si l’on se préoccupe de la liberté d’esprit ou de la liberté de commerce. C’est vrai partout en Europe. Le concept-même de liberté est mort en Europe.

 

Nick Giambruno : Pourquoi les Américains devraient-ils se préoccuper de cela ?

Doug Casey : Tour comme le démantèlement de l'Union soviétique a eu un effet positif sur le monde en général, et sur les Américains, l'éclatement de l’Union européenne devrait être vu de la même manière. La libéralisation de l'économie augmente la prospérité et les opportunités. Cela donne le bon exemple. Alors, les Américains devraient attendre l'éclatement de l’Union européenne avec autant d’impatience que les Européens eux-mêmes. Mais, malheureusement, la plupart des Américains sont insulaires. Les Européens sont tellement habitués au socialisme qu’ils comprennent encore moins bien l’économie que les Américains. Mais cela va arriver de toute manière.

 

Nick Giambruno : Quelles sont les conséquences en matière d'investissement ?

Doug Casey : Au début, il y aura un peu de chaos et certains inconvénients. Les investisseurs traditionnels n’aiment pas les marchés instables, mais les turbulences sont actuellement une bonne chose, du point de vue d’un spéculateur. Cela dépend de votre attitude psychologique. Comprendre la psychologie, c’est aussi important que de comprendre l’économie. Ce sont les deux choses qui font les marchés. En fait, la volatilité est votre amie dans le monde de l’investissement.

Les gens craignent les bouleversements. Ils ont peur de toutes sortes de crises. C’est naturel. Mais c’est seulement durant une crise que vous pouvez trouver de vraies aubaines. Il faut regarder le bon côté des choses et adopter une attitude différente de celle de la plupart des gens.

 

Nick Giambruno : Pensez-vous qu’en se positionnant du bon côté on peut profiter de l’effondrement de l’Union européenne ?

Doug Casey : Oui. L'éclatement de l’Union européenne donnera naissance à de nombreuses opportunités d’investissement. Les gens oublient comme les marchés peuvent devenir abordables. Au milieu des années 1980, je m’intéressais à trois marchés en particulier : Hong Kong, la Belgique et l’Espagne. Ces trois marchés avaient des caractéristiques similaires. Vous pouviez acheter des actions pour environ la moitié de la valeur comptable, et obtenir trois à quatre fois les bénéfices, avec des dividendes de 12-15% en moyenne - parfois beaucoup plus élevés pour certaines actions individuelles. Bien sûr, depuis ce temps, ces dividendes ont augmenté. Les prix des actions se sont envolés.

Je m’attends à ce que cela arrive à nouveau… dans un, quelques-uns, plusieurs, ou dans la majorité des 40 marchés où l’on peut investir. Cependant, nous sommes aujourd’hui dans une bulle mondiale des actions. Cela peut basculer dans la direction opposée. Les gens oublient à quel point les actions peuvent devenir abordables.

Je pense que nous nous dirigeons vers une période très difficile. Mais il y aura des opportunités incroyables. Les gens courent actuellement après des actions qui n’offrent que 1% de rendements en dividendes et qui sont à plus de 30 fois les bénéfices… et ils les veulent. À un moment donné, ces actions vont se vendre pour trois fois les bénéfices et généreront des dividendes de 5%, voire 10%. Mais, à ce moment-là, la plupart des gens auront peur de les acheter.

Je ne crois pas au market timing. Mais, cela étant dit, il me paraît sensé de garder ses munitions quand les marchés sont trop hauts.

Le chaos qui prend place en Europe peut être une bonne chose – si vous êtes bien positionné. Vous ne voulez pas couler avec le Titanic. Vous voulez survivre afin de pouvoir embarquer sur le prochain navire qui vous emmènera vers un paradis tropical.

Source originale: International Man

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