L’épisode tragicomique du "shutdown" est – temporairement – terminé, mais cela nous oblige à réévaluer en profondeur la dette américaine. Est-elle encore un actif sans risque, sous entendu la Fed sera toujours là pour payer, voilà une question que l’on doit se poser ?
Les médias ont souvent caricaturé les positions "extrémistes" du Tea Party, mais la situation du budget fédéral est vraiment inquiétante. Pour 100 dollars de dépenses, il n’y a que 65 dollars de recettes fiscales, et donc 35 dollars de déficit. C’est clairement un budget à la dérive. Même pour la monnaie internationale de réserve et de transaction, encore largement incontestée, un tel déséquilibre n’est pas tenable. Mais entre une présidence démocrate qui ne veut rien lâcher et un congrès républicain qui veut tailler dans les dépenses, aucun accord n’émerge. Les deux parties se sont seulement entendues pour reporter les échéances de quelques mois.
On n’est pas obligé de croire en son objectivité absolue, mais tout de même, l’agence de notation chinoise Dagong donne dans son communiqué du 17 octobre des éléments chiffrés qui font réfléchir. Entre le déclenchement de la crise en 2008 et la fin 2012, "la dette a augmenté de 60,7 %, tandis que le PIB nominal a augmenté de seulement 8,5 %, et que les recettes fiscales ont diminué de 2,9 %". Dagong en conclut que "les recettes fiscales ne peuvent plus être la principale source de remboursement de la dette". Ah bon, il reste quoi alors, le défaut ? La planche à billets ?
Il ne faudrait cependant pas s’inquiéter car la Fed pourra toujours fabriquer des dollars. Ce n’est pas l’opinion de Dagong qui évalue la perte de valeur que cela entraîne : "la dépréciation du dollar a entraîné une perte de 628,5 milliards de dollars aux créanciers étrangers entre 2008 et 2012". Voilà qui ne peut que les inciter à s’éloigner de la dette américaine. Conséquence logique, les acheteurs classiques se restreignant : la Fed ne pourra pas diminuer son programme de rachat de bons du Trésor, et risque même de devoir l’augmenter…
Il faut rajouter, explique Dagong, un risque lié à ces perpétuelles discussions et blocages institutionnels : "la vulnérabilité de la chaîne de la dette est telle que le défaut de paiement technique peut se produire à tout moment". Ce risque est renforcé par un élément que ne donne pas l’agence mais qu’il importe d’avoir à l’esprit : la durée moyenne de la dette américaine est de 4 ans seulement (7 ans pour la France ou l’Allemagne par comparaison). Cela signifie que d’ici quatre ans le Trésor devra renouveler la moitié du stock de dette actuel (près de 17.000 milliards de dollars), c'est-à-dire émettre plus de 8.000 milliards de dette, auxquels se rajouteront les déficits budgétaires à venir. Nous sommes dans une course folle.
La dette américaine devient ainsi un produit de plus en plus risqué pour ceux qui en détiennent ou envisagent de l’acquérir. Il ne suffit pas de dire que la Fed fera tourner ses rotatives en cas de problème : la valeur de cette dette baisse, l’appétit des clients habituels diminue, le risque de défaut technique n’est pas à écarter, aucune solution politique n’émerge pour revenir à l’équilibre budgétaire. Pour l’instant les marchés américains et européens demeurent largement confiants, toujours optimistes quant au règlement des conflits budgétaires entre Obama et les Républicains, mais un jour ou l’autre ce risque va se matérialiser, ce sera alors un tremblement de terre.
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