Points clés :
- La livre Turque accélère sa chute cet été.
- Trump donne un grand coup de pied dans le dos de la Turquie, déjà au bord du gouffre.
- Pour la suite, nous attendons une contagion de cette crise au système bancaire européen.
Depuis le mois d'août nous assistons à l'effondrement de la Turquie et de sa monnaie, la livre turque, à l'occasion des guerres commerciales de Donald Trump qui ont provoqué ce que l'on appelle déjà la "crise turque".
Évidemment, le gouvernement dirigiste du président Erdogan ne veut pas se montrer faible et fait monter les enchères.
Si vous voulez en savoir plus, je vous propose de décortiquer tout ça en moins de dix minutes.
Attends une minute ! Tu pars au quart de tour,mais c'est quoi,cette histoire de Turquie ? J'étais en vacances, moi ! Il s'est passé quelque chose ?
Oui, la situation explosive que la Turquie connaît depuis bientôt deuxans vient tout simplement d'exploser.
Mais on en avait déjà un peu parlé. Un peu seulement, car en général, la Turquie, ça ne passionne pas les foules.
Ah, oui. C'était dans la vidéo sur la crise du dollar, il me semble. Le message était que la quantité de dollars était en baisse dans le monde et que cela allait provoquer des crises un peu partout. Mais attends, on a parlé de la Turquie dans cette vidéo… On disait que ce serait les pays émergents qui seraient touchés en premier, non ? Ce n’est pas marrant, mais ça tombe bien pour nous.
En fait, pour être honnête, on voit arriver la chute de la Turquie depuis près de deux ans. Ce n’était donc pas bien compliqué. Mais oui, intellectuellement, c'est toujours sympa. Après, ça reste une crise qui touche des millions de pauvres gens...
Bref, voici la situation :
Aujourd'hui la livre turque vaut à peu près 0,16 dollar, quand en 2011, elle en valait presque 1. Donc, en sept ans, son cours a été divisé par six, à peu près.
Les ennuis ne font que commencer puisque, dans l'année qui vient, la Turquie doit rembourser 230 mds $ en dollars, justement, et elle ne les a pas.
Donc la livre turque va continuer à s'effondrer en provoquant une très forte inflation, très sûrement entreren récession et entraîner très probablement le système bancaire avec elle.
Quand tu dis système bancaire, tu penses aux banques turques ...
Oui, mais surtout les banques européennes qui ont prêté à la Turquie, et là on parle de la modique somme de 450 mds $ qui peuvent se retrouver dans les comptes des banques européennes, dont la ... Deutsche Bank.
Mais attends, Il n’y a pas que la DB qui baisse, il y en a plein d'autres en Europe.
Oui, mais la DB a une place bien particulière, car elle est largement trop grosse pour faire faillite, et que personne ne sait précisément pourquoi son cours est aussi bas. On finira bien par le savoir, et c'est ce genre de crise qui nous donne des indications.
Ok, mais j'ai lu que tout ça, c'était la faute de Trump avec ses guerres commerciales, qui n'en finissent plus. D'ailleurs on avait parlé des pays émergents aussi, dans cette vidéo...
Oui, Trump est impliqué, mais revenons un peu sur le pourquoi du comment de cette crise avant de faire de "l'anti-trumpisme" primaire.
La Turquie, depuis les années 2000, c'est le retour de l'islamisme au pouvoir, incarné en la personne du Président Erdogan. À partir de cette période, la livre turque voit sa valeur baisser régulièrement contre le dollar au même rythme que son expansion monétaire. Pour le dire simplement, la Turquie utilise la planche à billets, ce qui a pour conséquence la baisse du cours de sa monnaie.
Rien de nouveau.
Alors la Turquie doit être endettée, non ?
Oui, mais pas comme chez nous, car la dette de la Turquie en elle-même est d'environ 42% du PIB. Cette fois, ce n'est pas l'État qui s'est endetté, mais les entreprises et les ménages. Et comme le dollar n'était pas cher avec des taux d'intérêts artificiellement bas, les Turcs ont eu l'idée géniale d'emprunter des dollars. Beaucoup de dollars. Environ 450 mds, et par l'intermédiaire de banques européennes...
Mais, attends ; puisque c'est un pays émergent, la quantité de dettes ne va pas baisser. Ils sont en phase de croissance. Mais du coup, si la dette reste la même, mais la valeur de leur monnaie baisse, et que le taux d'intérêt du dollar remonte, comme on en a parlé ici, alors la dette en dollars va coûter de plus en plus cher aux Turcs, non ?
Exactement. C'est pour ça que depuis deux ans, tout le monde s'inquiète de la Turquie comme étant le pays le plus fragile. Donnons un exemple imagé pour bien comprendre le problème.
Admettons que je sois une entreprise turque en 2010. J'emprunte 10 000 $ à 1%, pour faire simple.
Avec un taux de change à 1,3,je les convertis en 13 000 £ turques que je place à 8% en Turquie sans me fatiguer.
On ne va pas bosser non plus...
En 2010, je vais donc gagner 1 040 £ turques et, à la fin de l'année, je vais devoir payer 1% d'intérêts en $, soit 100 $.
Donc je dois convertir 130 livres turques pour faire 100 $. Il me reste donc 910 £ turques moins les commissions de change ; disons qu'il m'en reste 900. Tout va bien.
Refaisons le même calcul aujourd'hui.
Le taux d'intérêt en dollars est d'environ 3%. Le taux d'intérêt turc est d'environ 17%, faisons simple.
Du coup, à la fin de l'année, mes 13 000 £ ont toujours produit 2 200 £ d'intérêts. Youpi, ça monte !
Mais les taux d'intérêt en dollars me demandent 300 $ au lieu de 100 et le taux de change à 6,25£/$ me demande de convertir 1 900 £ pour payer les intérêts.
Du coup, sur les 2 200 £ que je gagne, je dois en donner 1 900, plus les commissions de change, soit environ 2 000.
Il me reste donc 200 £ aujourd'hui, là où j'en gagnais 900 en 2015.
Tu vois le problème ?
C'est assez évident. Pourtant on gagne encore un peu d'argent dans cet exemple.
Non, avec une inflation en Turquie à plus de 15% et une confiance dans la livre turque qui s'effondre, la question aujourd'hui pour un investisseur est de savoir comment elle va ne couler d’ici pas longtemps, car le grand écart entre le dollar et la livre continue. Pour la peine, Trump y a mis du sien pour accélérer les choses.
Dans cette longue histoire conflictuelle entre les USA et la Turquie, Trump s'est pris le bec autour du cas d'un pasteur américain détenu en Turquie. Pour faire court, comme la Turquie a refusé de le libérer, Trump a doublé les sanctions économiques sur l'acier et l'aluminium. Du coup, la livre turque a accéléré sa chute.
Bon, de toute façon, à long terme la Turquie va inéluctablement au tapis comme beaucoup de pays émergents. Mais c'est un coup de pied dans le dos alors que la Turquie est au bord de la falaise. Ce n’est pas très fair-play ...
Mais le pasteur dans cette histoire... En fait,on s'en fiche un peu, au mieux c'est de la géopolitique, mais ça ne change rien au fond du problème... Du coup, ça se passe comment pour la suite ?
En un mot : mal. Globalement, le dollar poursuit sa remontée et va terminer le travail. La Turquie ne sera très probablement pas capable de rembourser ses dollars empruntés et, du coup, ce sont les banques qui ont financé qui vont devoir passer des pertes. C'est là que nos banques risquent de très mal le vivre. Pour rappel, c'est exactement pour cette raison que le kit anti crise financière, qui est téléchargeable gratuitement ici, commence par donner des solutions pour se dé-bancariser et acheter de l'or...
En cas d'une secousse importante ou si une grosse banque devait sauter, vous pouvez tout à fait mettre en lien cette vidéo avec celle que j'ai faite sur la crise italienne. Car le gouvernement italien, eurosceptique s'il en est, attend la moindre occasion de dénoncer cette Europe économique qui fonctionne de travers et de demander d’en sortir.
Puis il faudra que je vous parle du Brexit qui se passe très mal pour l'instant. Nos amis anglais seraient heureux de trouver des partenaires dans cette aventure de la fin de l'euro et de l'Europe technocratique telle qu'elle existe aujourd'hui.
Bref, la Turquie c'est peu de chose, seulement 1% du PIB mondial, mais quand on cherche la goutte d'eau qui fera déborder le vase, elle peut en être une candidate.
Enfin, même si les choses venaient à se tasser avec la Turquie, il y a de grands risques pour qu'il se passe à peu près la même chose pour les autres pays émergents. Nous aurons malheureusement l'occasion de reparler de tout ça.
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