La semaine dernière restera dans l’histoire avec deux événements fondamentaux conditionnant l’avenir de l’euro : le QE de la Banque Centrale Européenne, jeudi 22 janvier, et la victoire de Syriza en Grèce dimanche. Il n’y a pas vraiment de nouveauté ici : la BCE pratique déjà l’assouplissement quantitatif (taux zéro, facilités de refinancement des banques), et la Grèce se débat depuis 2010 dans une crise d’endettement. Mais d’un coup l’histoire s’accélère car, dans les deux cas, la réalité a dépassé les prévisions.
Le plan d’assouplissement quantitatif était attendu, surtout depuis que la Cour de justice européenne avait validé, le 14 janvier, le programme de rachat de dette décidé en 2012 par la BCE en le jugeant "en principe" conforme au traité. L’Allemagne ne pouvait plus s’y opposer. Mais les marchés attendaient 500 milliards d’euros, Mario Draghi leur en a offert le double ! La BCE va en effet racheter pour 60 milliards d’euros de dette par mois jusqu’en septembre 2016, soit 1140 milliards d’euros au total. Un tel montant réjouit les marchés, et les bourses ont repris leur progression, mais il renferme également un vrai risque de bulle sur les actifs et de dépréciation de l’euro, deux maux qui pourraient devenir incontrôlables.
De son côté les Grecs ont offert une victoire écrasante et une quasi-majorité à la formation d’extrême-gauche Syriza, alors que peu d’observateurs considéraient que son leader Alexis Tsipras pourrait former aussi facilement un gouvernement. Renforcé d’un parti de droite, mais qui rejette en bloc la politique de la Troïka, le nouveau premier ministre peut instaurer un vrai rapport de force avec Bruxelles. Syriza a gagné avec un programme démagogique (embauche de fonctionnaires, relèvement du salaire minimum, santé gratuite, etc.) qui serait inapplicable même si le pays allait bien, alors ceux qui détiennent de la dette grecque peuvent réellement s’inquiéter (les pays européens pour 195 milliards, la BCE pour 27 milliards, le FMI pour 32 milliards, des investisseurs privés pour 53 milliards).
Que va-t-il se passer ? Le QE de la BCE va-t-il servir à absorber une restructuration de la dette grecque, et on en reste là ? Ce serait le scénario soft. Ce serait aussi une humiliation pour l’Allemagne et la BCE qui ne veulent pas entendre parler d’un nouvel effacement d’une partie de leurs créances. Tout autre scénario mènera à une crise : la Grèce menacera ou sera menacée de sortir de la zone euro, Berlin exigera le respect des engagements européens d’Athènes, les lignes de fractures se creuseront au sein de l’Europe, et Mario Draghi amplifiera ou prolongera son QE pour tenter de noyer ces conflits sous les liquidités. Au final c’est l’euro qui perdra de sa crédibilité et de sa valeur, autrement dit les Européens s’appauvriront, spécialement les épargnants.
Rappelons par ailleurs, cela n’est pas suffisamment su, que le QE de 1140 milliards d’euros sera pris en charge à 80% par les banques centrales nationales et à 20% seulement par la BCE. Chaque banque centrale pourra donc acquérir à discrétion des obligations souveraines et ainsi faciliter le financement du déficit de son Etat. Une situation ubuesque : normalement UNE monnaie est gérée par UNE banque centrale, mais pas dans la zone euro ou les banques centrales nationales disposent de larges marges de manœuvre ; Athènes pourra faire sa petite planche à billets dans son coin. A se demander si Mario Draghi n’anticipe pas déjà une explosion de la zone euro…
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