On connaît les trois principales agences de notation dans le monde, Standard & Poor's, Moody's et Fitch. Mais une autre s'est fait connaître plus récemment, comment ? En ayant plus de flair que les autres, ou moins de crainte, toujours est-il qu'elle a dégradé les Etats-Unis un mois avant S&P, et aussi la France, avant les autres agences, et l'Allemagne, encore triple A pour le trio historique. Il s’agit d’Egan Jones.
Arrogance du nouveau venu ? Coup de pub ? Peut être. Crime de lèse majesté ? Sûrement. C'est comme cela qu'il faut comprendre ce qui vient de lui arriver. Le retour de bâton est sévère puisque la SEC (Securities and Exchange Commission) vient de lui interdire de publier des notes sur les Etats pendant 18 mois (le communiqué de la SEC). Une décision stupéfiante.
La loi Dodd-Franck a enjoint la SEC d’encourager l’existence d’agences de notation plus indépendantes et plus nombreuses, de façon à renforcer la concurrence. On se rappelle en effet que les agences avaient noté triple A les subprimes jusqu’à la veille de l’effondrement de ce marché, elles portent ainsi une responsabilité évidente dans la crise. C’est le chemin inverse qui est prit ici.
Les raisons avancées par la SEC sont grotesques. Egan-Jones aurait révélé des manquements aux règles d’homologation pour éviter les conflits d’intérêt. Un bureaucrate a trouvé un formulaire mal rempli. Mais allons au fond du problème : l’agence ne fait pas payer les Etats pour leur notation, elle le fait gracieusement, au contraire des trois agences historiques. Ce sont plutôt ces dernières qui nagent en plein conflit d’intérêt !
Cette décision, qui est une première, révèle quelque chose de beaucoup plus grave. Lorsque les trois grandes agences avaient été mises en cause suite à la crise des subprimes, elles avaient expliqué que leurs notes étaient des opinions et, de ce fait, protégées par le premier amendement de la constitution américaine garantissant la liberté d’expression. Manifestement Egan-Jones n’en bénéficie pas.
Qu’est ce que cela signifie d’interdire à Egan-Jones de publier son avis sur des dettes souveraines sinon une limitation de sa liberté d’expression ? Est-ce que demain une banque ou un analyste subira la même sanction ? Une chaine de télévision ou un journal sera-t-il censuré sur ce sujet ?
L’agence gagne sa vie avec ses notations d’entreprise, mais l’impact de cette décision en termes d’image et de visibilité sera significatif. Et vaudra comme avertissement pour tout nouvel entrant. Le « crony capitalism », qui englobe donc des organismes de contrôle comme la SEC, vient de franchir une nouvelle étape en remettant en cause un droit fondamental.
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