Le 17 juin 2025, des documents relatifs aux décisions d’une réunion du G7 ont été rendus publics (Commission Européenne, Japon, Canada, Reuters, etc.).

Cette réunion, qui s’est tenue au Canada le lundi 16 juin, a abouti à la mise en place de mesures visant à stimuler la production de terres rares et de minéraux stratégiques, à soutenir le développement des compagnies minières concernées, à améliorer leur rentabilité et, par conséquent, à faciliter leur financement.

Donald Trump avait déjà anticipé ces orientations par ses "Ordres Exécutifs" du 20 mars 2025.

Dans mon article du 10 juin 2025, j’exposais en détail les cycles de l’Industrie minière. Ces dernières années, de nombreuses mines spécialisées dans l’extraction d’argent pur ont dû fermer en raison de la baisse de la teneur en métal dans le minerai et de la rentabilité insuffisante des exploitations. Les investisseurs familiers du secteur savent que les cours des actions minières ont été encore plus sévèrement malmenés que celui de l’argent-métal, comme l’illustre ce graphique de First Majestic.

 

First Majestic Silver

 

Lors du krach de 2008-2009, l’action est tombée à 0,56 $, avant de s’envoler jusqu’à 28 $ avec la flambée de l’argent en 2011, puis de retomber autour de 4 $ dans les années suivantes. Une action minière n’est, en fin de compte, qu’un titre papier, dont la valeur évolue de façon extrêmement volatile selon l’actualité financière. En période de crise de liquidités, les investisseurs sont contraints de vendre leurs positions dans l’urgence pour répondre aux appels de marge. Aujourd’hui, la crise obligataire qui touche le Japon, le Royaume-Uni, la France et les États-Unis constitue une véritable épée de Damoclès suspendue au-dessus des marchés. Son aggravation pourrait survenir dès le mois prochain et provoquer un trou d’air brutal sur les actions, actuellement à des niveaux records.

Le 14 juillet 2025, mon article "La Chine et la ré-évaluation des métaux précieux" révélait un document publié par le gouvernement chinois le 23 juin 2025. Ce texte détaille les mesures à appliquer par les différents ministères en vue de promouvoir la recherche géologique, moderniser les anciennes mines, valoriser les minerais jusque-là jugés de teneur insuffisante, améliorer les techniques de raffinage pour en réduire l’impact environnemental, renforcer toutes les filières de la récupération, etc.

Le document chinois mentionne explicitement l’or et l’argent tout au long du texte.

La mise en œuvre de cette politique ne peut passer que par une libéralisation des prix des matériaux concernés, tels que l’or et l’argent, afin qu’ils évoluent librement selon le mécanisme de l’offre et de la demande, et qu’un véritable prix de marché puisse émerger. En ce qui concerne les terres rares, il serait envisagé d’instaurer un prix plancher destiné à garantir la rentabilité des compagnies minières du secteur.

Lors de ses visites au Japon en 1978 et 1979, Deng Xiaoping demanda à ses homologues quel était le secret de leur réussite économique.

En guise de réponse, les Japonais lui posèrent une question : "Combien de banques avez-vous ?"

- "Une seule, la People Bank of China."

- "Nous avons des milliers de banques. Il y en a partout, dans chaque quartier et dans chaque village, pour que leurs responsables soient toujours proches de leurs clients et connaissent leurs besoins, afin d’être toujours prêt à les aider pour s’agrandir."

Suivant cet exemple, Deng Xiaoping modifia en 1983 le statut de la PBoC. Ses filiales furent privatisées, afin que la Banque cesse toute activité strictement commerciale et se consacre exclusivement à son rôle de banque centrale de la Chine.

Dans le "Règlement de la République Populaire de Chine sur le contrôle de l’or et de l’argent" publié le 15 juin 1983, on trouve :

"Article 4. La Banque populaire de Chine est l'organisme d'État chargé du contrôle de l'or et de l'argent en République populaire de Chine.

Elle est chargée du contrôle des réserves d'or et d'argent de l'État ; de l'achat et de la vente d'or et d'argent ; de collaborer avec l'autorité responsable des prix des matières premières pour établir et gérer les prix d'achat et de vente de l'or et de l'argent ; de collaborer avec le service compétent pour examiner et approuver les opérations (y compris le traitement et la vente) des unités (ci-après dénommées "unités de gestion") négociant des produits d'or et d'argent, des produits chimiques contenant de l'or et de l'argent, et de la récupération de l'or et de l'argent à partir de déchets liquides et solides résiduels ; de contrôler et d'inspecter le marché de l'or et de l'argent et de superviser l'application du présent règlement."

Contrairement à l’Occident, qui a cherché à effacer de la mémoire collective le fait incontestable que l’argent est un métal rare et précieux — et qu’il a servi de monnaie pendant plus de 6 000 ans — le gouvernement chinois associe systématiquement l’or et l’argent. On le constate encore dans ce document officiel, daté du 23 juin 2025, mais dont les décisions paraissent avoir été arrêtées dès le début de 2024, moment qui correspond à la première impulsion haussière des métaux précieux.

 

Graphique mensuel du cours de l'argent

 

Avant 1978, la Chine avait une économie planifiée, et le gouvernement assurait lui-même l’approvisionnement de toutes les matières premières. Le ministère des Matières premières en détenait la responsabilité exclusive. L’État appliquait alors une politique unifiée d’achat et de vente des métaux précieux.

Avec la réforme et la politique d’ouverture, la Chine a progressivement abandonné le système stalinien d’économie planifiée pour introduire des mécanismes de marché inspirés de l’Occident. En 1993, lors de la réforme institutionnelle du Conseil d’État, le ministère des Matières premières fut supprimé et ses entreprises affiliées fusionnèrent pour donner naissance à Chengtong Holdings Group Ltd. Celui-ci hérita de l’ensemble des activités du ministère, y compris la gestion de la chaîne d’approvisionnement en métaux précieux.

Chengtong Precious Metals a travaillé en coopération avec la Banque populaire de Chine et d’autres institutions de haut niveau pour concevoir et mettre en place la Bourse de l’or de Shanghai. Elle a également joué un rôle central dans la réforme historique du marché de l’argent, en l’orientant vers un véritable système de marché, en organisant la cotation des produits argent et en participant à la conception des contrats silver au Shanghai Futures Exchange. Pionnière du marché chinois de l’argent, elle en est à la fois la fondatrice et l’auteure des règles commerciales ainsi que des politiques industrielles relatives à l’or et à l’argent.

Ses applications industrielles sont vastes : alliages électriques (premier utilisateur d’argent), pâte d’argent photovoltaïque, composants électroniques, impression de billets de banque, aérospatiale, 5G, semi-conducteurs, automobile, train à grande vitesse, produits pharmaceutiques, consommables de soudage, cibles et investissements. Parmi ses produits phares figure le célèbre Silver Panda chinois. L’entreprise revendique avec fierté que ses matériaux et produits de base sont utilisés dans les nouveaux chasseurs, radars, porte-avions à catapulte électromagnétique, le vaisseau spatial Shenzhou, la station spatiale Tiangong, et bien d’autres programmes stratégiques.

Chengtong PM est à la fois fournisseur, agent et prestataire de services. Ils gèrent tout ce qui concerne les métaux précieux en Chine !

La Chine achète de l'or et de l'argent sur le marché international par l'intermédiaire d'agents européens et américains — comme l’indiquent clairement les informations publiées sur le site officiel de Chengtong PM. Pour ses achats d’argent métal, Chengtong PM a utilisé les services de la HSBC (Hongkong and Shanghai Banking Corporation) afin de peser à la baisse sur les cours, probablement en coordination avec JPMorgan pour ses opérations à New York et à Londres.

En novembre 2024, Michael Lynch publia une étude particulièrement intéressante.

En examinant les données détaillées du COMEX, il avait constaté que la hausse de l’or s’expliquait par l’absence de véritables vendeurs.

On assistait ainsi à la formation d’un prix réel dans un marché enfin normalisé — une situation inédite, puisque ce marché était sous contrôle du cartel bancaire depuis les années 1970. La progression continue de l’or apparaît donc comme le résultat d’un consensus international.

En étudiant en détail les données du COMEX, Michael Lynch a également relevé qu’en 2024, le marché de l’argent n’avait en réalité qu’un seul véritable vendeur : un compte-client de la HSBC, responsable à lui seul de 94% des ventes d’argent sur cette place. Entre décembre 2023 et novembre 2024, ce même acteur a cédé 51,7 millions d’onces… sans jamais en acheter une seule.

Ce client avait manipulé à lui seul les cours de l'argent à New York.

En observant le graphique de HSBC, on constate que l’action de la banque avait fortement chuté en février-mars 2020, comme l’ensemble des marchés mondiaux à cause de la pandémie. Mais alors que la plupart des titres rebondissaient dès avril 2020, le cours de HSBC a continué de plonger pendant six mois supplémentaires et n’a retrouvé un niveau supérieur à son point bas de mars 2020 qu’après 21 mois. L’action était ainsi passée de 800 $ à 280 $, frôlant la faillite.

En 2019, 39% des 50 milliards $ de bénéfices de HSBC provenaient de ses opérations avec des entreprises chinoises. Mais en 2020, sa part de participation aux prêts destinés à ces entreprises a chuté de 55%, alors même que le marché progressait de 29%. Fin 2020, les activités liées à la Chine ne représentaient plus que 6% des bénéfices de la banque. (Source : Reuters)

À partir de fin 2019, la Chine a exercé des pressions sur HSBC en la plaçant sur liste noire et en lui retirant l’ensemble de la clientèle issue des entreprises publiques et semi-publiques. Or, ces sociétés représentaient alors un chiffre d’affaires cumulé de 9 800 milliards $.

 

HSBC, graphique mensuel

 

Pour éviter la faillite, HSBC a dû conclure des accords confidentiels avec les autorités chinoises. Certains de ces accords auraient porté, semble-t-il, sur la manipulation à la baisse des cours de l’argent.

Retour à l’actualité brulante

En 2024, la Chine est devenue le premier producteur mondial d’or et d’argent.

En juin 2025, le gouvernement chinois a pris des mesures pour encourager la production minière, son financement, le raffinage et la récupération.

Le levier le plus efficace pour atteindre ces objectifs consiste à réévaluer le cours des métaux précieux, afin de rendre chacune de ces activités hautement rentable et donc attractive pour les investisseurs.

C’est exactement ce qui s’est produit sur les bourses chinoises : toutes les actions liées aux métaux précieux ont connu de telles envolées qu’elles ont plusieurs fois atteint la limite quotidienne de hausse autorisée, fixée à 10%.

En Occident également, les titres des compagnies minières ont cassé leur tendance baissière et affichent une progression marquée.

Il convient toutefois de rester prudent : ces actions demeurent extrêmement sensibles aux chocs boursiers et pourraient être pénalisées par une hausse des coûts de l’énergie.

 

First Majestic Silver, graphique mensuel

 

Les différents ordres exécutifs de la Maison-Blanche encouragent explicitement la production minière de cuivre et de zinc. Or, près de 70% de la production mondiale d’argent provient de ces mêmes mines.

Quant aux récentes directives du G7: "Nous, dirigeants du G7, reconnaissons que les minéraux critiques sont essentiels aux économies numériques et énergétiques sûres de demain."

Elles ne font que reprendre les directives chinoises, enrobées dans la langue de bois des politiciens occidentaux.

L’argent est un élément absolument indispensable à toute forme d’électronique — y compris l’intelligence artificielle — mais aussi aux nouvelles énergies, comme le photovoltaïque. Or, les ressources connues s’amenuisent. La recherche géologique, trop coûteuse et non rentable ces dernières années, n’a pas permis la découverte de nouveaux gisements.

Les directives chinoises apparaissent infiniment plus claires que celles du G7. La hausse actuelle de l’argent doit permettre la remise en exploitation des filons résiduels dans des mines autrefois considérées comme épuisées. Ce qui est valable en Chine l’est tout autant en Occident : les vieilles mines abandonnées dès le XVIIIᵉ siècle, après l’afflux massif d’argent venu des Amériques, pourraient être réactivées, à condition que le prix du minerai en assure la rentabilité.

A quel prix devrait être l’once d’argent ?

En 2024, la production minière s’est élevée à 25 000 tonnes d’argent pour 3 300 tonnes d’or, soit un rapport de 8 pour 1.

Selon l’USGS, les réserves encore présentes dans le sous-sol atteignent 640 000 tonnes d’argent contre 64 000 tonnes d’or, soit un ratio de 10 pour 1.

Les statistiques de la B.I.S. relatives aux produits dérivés financiers liés aux métaux précieux confirment ce même rapport de 10 pour 1.

Cette logique devrait donc, en toute cohérence, se refléter dans le prix relatif de l’or et de l’argent.

La hausse actuelle de l’argent ne fait que commencer. Elle n’a rien de spéculatif : il s’agit de la réévaluation annoncée de longue date, notamment par Christine Lagarde en 2014 lorsqu’elle évoquait le "RESET".

L’once d’argent devrait atteindre rapidement un prix à trois chiffres, malgré d’éventuelles phases de consolidation au cours de cette progression historique.

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