Il ne fait plus aucun doute que l’actuel standard monétaire international basé sur le dollar américain, qui existe depuis l’effondrement des accords de Bretton Woods en 1971, vit ses derniers jours. Par quoi sera-t-il remplacé ?
Le 15 août 1971 le président des Etats-Unis, Richard Nixon, s’est adressé à la nation annonçant la suspension “temporaire” de la convertibilité du dollar en or. Dans son discours, il a aussi déclaré que “en pleine collaboration avec le Fond Monétaire International (FMI) et ceux qui font du commerce avec nous, nous allons faire pression pour les nécessaires réformes pour la mise en place urgente d’un nouveau système monétaire international.” Quarante ans plus tard, rien n’a été fait. La suspension “temporaire” est devenue permanente. Depuis 1971, le monde fonctionne sur un système dollar basé seulement sur l’intégrité de la dette américaine. L’endettement excessif, surtout des Etats-Unis mais aussi du monde entier, vient d’atteindre ses limites. La crise de 2008 a sonné le début de la fin.
Dans le graphique #1, on peut voir la composition des réserves de devises étrangères du FMI en 2013. On constate que le dollar américain, avec 64% du total, et l’euro, avec 25%, dominent largement. En 2000, le dollar avait atteint un maximum de 71% des réserves.
Graphique #1 : Composition de devises du FMI des réserves de devises étrangères (COFER)
Les droits de tirage spéciaux (DTS) ont été créés par le FMI en 1969. A l’origine, la valeur du DTS a été définie comme équivalente à 0,888671 grammes d’or fin (0,028571 onces) – qui, à ce moment-là, était aussi équivalente à un dollar américain (ou 1oz d’or = DTS 35 = US$ 35).
Tout de même, après l’effondrement du « Gold Exchange Standard », communément appelé Bretton Woods en 1973, le DTS a été redéfini comme un panier de devises, aujourd’hui composé d’euros, de yens japonais, de livres sterling et de dollars américains. Le taux du DTS équivalant en dollars américains est posté chaque jour sur le site internet du FMI. Il est calculé comme étant la somme d’un montant spécifique des quatre devises du panier, évalué en dollars américains sur la base du taux de change déterminé à midi, chaque jour, sur le marché de Londres.
Graphique #2 : Les droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI
Aujourd’hui (depuis décembre 2010), la valeur de 1 DTS est égale à la somme de 0,423 euro, 12,1 yen japonais, 0,111 livre sterling, et 0,66 dollar américain. Le 21 février 2014, 1 DTS valait US$ 1,542905 et 1oz d’or valait DTS 857,75 alors qu’elle valait US$ 1.323,25. Ceci montre bien la dévaluation des devises papier par rapport à l’or depuis 1971 (-2.450,71%).
Graphique #3: L’or vs les droits de tirage spéciaux - L’or en droits de tirage spéciaux
Conformément aux statuts du FMI, les pays membres sont interdits de lier la devise de leur pays à l’or. C’est notamment pour cette raison que la Suisse a été contrainte en 1992, quand elle est devenue membre du FMI, d’abandonner sa couverture en or de 40% inscrite jusqu’alors dans sa Constitution. Le DTS n’est ni une devise, ni une créance du FMI. Il est plutôt une créance potentielle sur les devises libres en circulation des membres du FMI. La Chine est la seule des six grandes économies du monde dont sa devise (yuan) n’a pas le statut de devise de réserve.
Il semble qu’il y a en ce moment des négociations secrètes sous les auspices du Fond Monétaire International (FMI) et de la Banque des Règlements Internationaux (BRI) pour préparer un nouveau système monétaire international. Plusieurs scénarios existent, qui vont de la création d’une devise internationale papier toujours basée sur un panier de devise comme le DTS (graphique #3), mais qui inclurait aussi le yuan chinois et d’autres devises de pays en voie de développement (rouble russe, rupai indien, real brésilien, rand sud-africain), et un DTS qui inclurait aussi un pourcentage d’or (graphiques #4 et #5). Robert Mundell, lauréat du prix Nobel d’économie, proposait en 1998 une devise internationale, l’INTOR, composée de 50% d’or et le reste de devises de papier (graphique #4), alors que la DIFC de Dubaï, dans une étude de 2010, proposait 20% en or.
Graphique #4: Le INTOR de Robert Mundell
Graphique #5: Les droits de tirage spéciaux "solides" du DIFC
Robert Zoellick, ancien président de la Banque Mondiale, dans un article du Financial Times en 2010, proposait lui aussi un DTS, mais lié à l’or. Ceci semble être similaire à ce qui existait quand le dollar était lié à l’or avant 1971. Le gouverneur Xiaochuan, de la banque de Chine, propose de développer le DTS en tant que devise de réserve "super souveraine" déconnectée de tout pays et capable de rester stable sur le long terme. Vu les récents achats massifs d’or de la Chine, il est évident qu’une connexion avec l’or fait partie de la stratégie chinoise.
Tous ces scénarios présupposent des préparatifs et une conférence internationale, avant qu’une crise monétaire majeure ne se produise. Il est évident que l’actuel système a été très profitable aux Etats-Unis et qu’ils n’ont pas du tout envie que cela change profondément. « Le dollar est peut-être notre devise, mais c’est votre problème » : La position américaine, si bien exprimée en 1973 par le secrétaire du trésor américain John Connally, en s’adressant aux Européens, semble encore être celle qui prédomine aujourd’hui.
Si une crise monétaire et un effondrement du système fiduciaire actuel basé sur la dette se produisent, alors les chances d’une solution négociée deviendront de plus en plus minces et un standard de facto s’imposera. Quel est ce standard ? C’est celui qui est là, dans l’ombre quand tout va bien et qui brille quand le désastre apparaît, et cela depuis plus de 5000 ans: l’or (ou l’or et l’argent).
Selon une étude de l’OMFIF “Le rôle de l’or va probablement être plus important dans la période de transition vers un système de monnaies de réserve multiples plutôt qu’une fois le système mis en place; dans les deux cas il sera plus important que maintenant.”(1) Aussi “l’histoire montre que la baisse de la valeur d’une devise de réserve ne se traduit pas nécessairement par une augmentation de la valeur des autre devises. Au contraire, les turbulences subies par une devise de réserve peuvent produire des turbulences pour toutes les autres, incitant les marchés à trouver un havre de paix dans autre chose qu’une devise. La réponse, d’habitude, est l’or.”(2)
Jim Rickards, auteur de Currency Wars, dit dans un article “Lorsque tout échoue, y compris éventuellement le nouveau plan DTS, l’or attend toujours en coulisses, comme un conservateur de valeur stable et largement accepté, et une monnaie universelle. Au final, une lutte totale entre l’or et le DTS pour devenir la “monnaie” suprême pourrait être le prochain grand choc qui s’additionnerait à la longue liste des chocs historiques du système monétaire international.”(3) Le rôle de l’or va être beaucoup plus important durant la transition vers un nouveau système monétaire international qu’après.
Quant à moi, je ne conçois pas, comme d’ailleurs le général de Gaulle, président de France (discours en 1965 à la fin du « Gold Exchange Standard »), qu’il “puisse y avoir de critère, d’étalon, autres que l’or. Eh! oui, l’or, qui ne change pas de nature, qui se met, indifféremment, en barres, en lingots ou en pièces, qui n’a pas de nationalité, qui est tenu, éternellement et universellement, comme la valeur inaltérable et fiduciaire par excellence.” (4)
L’or à travers des siècles, dans des pays avec des économies et histoires politiques très différentes et que le prix soit fixe ou libre, a maintenu sa valeur réelle et est resté constant en dépit de fluctuations significatives sur des périodes courtes.
L’étalon or – 1Kg – 51.9 cm³
“La chose la plus importante qu’il nous manque aujourd’hui est une monnaie universelle, un standard de valeur, le lien entre le passé et le futur et le ciment qui réunit ensemble des lieux lointains de la race humaine”(5) Le monde a besoin d’un étalon monétaire qui soit constant dans le temps et dans l’espace comme le mètre (distance), le litre (volume), le kilogramme (masse), l’heure (temps) ou le degré Celsius (température) et qui soit relié aux autres (ex. 1Kg /51.9 cm³ d’or).
Il est impossible actuellement de prévoir quel système va être choisi ou lequel va s’imposer, car le tout est dépendant de la suite des évènements qui vont déclencher la fin de l’actuel système “dollar” basé sur la dette (surtout celle des Etats-Unis). Les Etats-Unis seront le dernier pays à accepter une réforme qui éliminera ce “privilège exorbitant”(6) que le présent système lui offre, et ne fera aucune proposition qui s’éloigne de l’actuel système. Ce système maximise ses seigneuriages. Il est cependant certain que le prix de l’or va augmenter sensiblement jusqu’au moment où un nouveau système monétaire sera instauré.
Notes:
(1) OMFIF, Gold, the renminbi and the multi-currency reserve system
(2) OMFIF, Gold, the renminbi and the multi-currency reserve system
(3) James Rickards, Currency wars and a growing role for the International Monetary Fund (chapitre 7), Currencies after the crash, Sara Eisen, Editor
(4) Charles de Gaulle sur l’or et le système monétaire http://www.les-crises.fr/de-gaulle-smi-1/
(5) Citation de Robert Mundell dans The Power of Gold, Peter Bernstein
(6) Valéry Giscard d’Estaing, ministre des finances de la France
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