On parle souvent de dédollarisation. On entend dire que la fin du Roi Dollar est proche, que ses jours sont comptés. Mais qu'en est-il réellement ? Le monde est-il prêt à se passer du dollar ? Qui pourrait prendre le relai ? Les conditions sont-elles réunies ?
Richard Détente : Ne sommes-nous pas en train d'assister à une rotation des centres de pouvoir ? On sent que le dollar devient un peu "has been" ? Dès l'instant que la Chine émerge… On sent bien que l'or est un peu le guide. L'or va vers la Chine et la Russie. La dédollarisation commence par ces pays.
Olivier Delamarche : Ne croyez pas pour autant que le dollar soit mort. Pourquoi ? Depuis quelques mois, vous n'arrêtez pas d'entendre parler de dédollarisation, des Russes qui liquident leurs bons du Trésor US, des Chinois qui sortent de l'obligataire américain etc.
RD : Ils vendent des obligations pour acheter de l'or…
OD : Vous avez remarqué un truc ? Le dollar n'arrête pas de monter contre l'euro, par exemple. D'accord ? Quand on a commencé à parler de cette histoire, on était à 1,25. On est à 1,15. Cherchez l'erreur. Ça veut dire que, malgré tout, aujourd'hui :
1) Le dollar est l'actif le plus liquide au monde. Si vous êtes une banque centrale ou un énorme fonds, et que vous avez un stress quelconque parce que les marchés partent en sucette, parce qu'il y a des bombes qui explosent partout etc, vous allez vous réfugier sur quoi ? Sur l'actif que vous pouvez acheter instantanément sans le faire rougir. Or, aujourd'hui quel est l'actif dont vous pouvez instantanément acheter plusieurs milliards sans le faire décaler du moindre centime ? Le dollar.
Essayez de faire ça avec le franc suisse, vous allez le satelliser. Si vous faites ça avec la couronne norvégienne, ou le dollar de Singapour, c'est pareil ! Vous n'en aurez pas. Donc, ça veut dire quoi ? Ça veut dire tout simplement que vous n'avez pas le choix.
Au-delà de l'Italie et des nombreuses questions qui se posent en Europe, susceptibles de faire baisser l'euro, ça n'empêche qu’aujourd'hui encore il y a une espèce de réflexe pavlovien : Vous avez peur ? Vous allez vous précipiter sur le dollar. Alors oui, vous allez aussi... Mais ce n'est pas instantané d'aller acheter de l'or. Physique.
RD : Puis ce n'est pas un marché très profond.
OD : Ce n'est pas un marché très profond. C'est surtout qu’il faut se déplacer pour acheter vos pièces d'or. Vous ne pouvez pas faire ça instantanément. Et quand vous devez acheter pour plusieurs milliards, vous ne pouvez pas non plus. Donc, qu'est-ce-que vous faites ? Vous parez au plus pressé, vous avez la trouille, il faut se réfugier quelque part : vous achetez du dollar.
Il faut se méfier du raisonnement qui dirait : "Bah, finalement, il faut se débarrasser des dollars et mieux vaut être sur d'autres devises". Pour l'instant, non.
RD : Mais la Chine prépare sa convertibilité justement. Le jour où ils déclarent que le yuan est convertible en or….
OD : Oui. À ce moment-là, je préférerais avoir du dollar que de l'euro. Car je pense que l’euro va avoir des grosses difficultés. Quand vous avez quelque chose de déjà bancal et fondamentalement mal fait, sur lequel il y a des distorsions, et que vous ajoutez un peu plus de bancal... il risque de péter. Le dollar baissera très probablement, et encore, je ne suis même pas sûr. Peut-être qu'il montera, d'ailleurs, parce qu'il y aura des gens qui ne pourront pas acheter du yuan et qui se précipiteront sur le dollar. À ce moment-là, je serai bien plus à l'aise sur du dollar que sur l'euro.
En plus, deuxième chose. Quand cela va-t-il se faire ? Vous avez des renseignements ? Si vous en avez, je suis preneur. Je ne connais pas de grands patrons chinois, donc je ne sais pas quoi vous dire.
RD : Qu'est ce qui les empêche de faire cette convertibilité que tout le monde attend, évidente comme le nez au milieu de la figure ?
OD : Je pense simplement qu'ils s'y préparent. Ce n'est pas si facile que ça.
RD : Quel est le risque pour les Chinois de mettre leur monnaie sur la scène internationale ?
OD : Il n'y a pas de risque pour les Chinois, c'est plutôt même un avantage, car ils ne dépendront plus du dollar américain. Mais le problème est que ça ne se fait pas en un claquement de doigts. Ont-ils amassé assez d'or physique pour pouvoir le faire ? Ont-ils les structures de paiement etc. ?
RD : Ils mettent les outils en place. Par exemple, depuis quelques mois, les marchés pétroliers sont cotés en yuans. J'ai fait une vidéo là-dessus. C'est un petit marché, c'est embryonnaire. J'ai l'impression qu'ils rodent les outils…
OD : Oui, je pense.
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