On lit régulièrement dans la presse, ou en entend de la part de responsables du monde bancaire ou politique, que la BCE ne rachète pas d'obligations souveraines contrairement à la Fed, sous-entendu "nous les Européens nous sommes plus vertueux que les Américains". C'est totalement faux.

La BCE finance une partie de la dette des Etats, comme la Fed, mais elle utilise une voie détournée : les banques. La BCE n'acquière pas directement de la dette étatique, effectivement, mais elle prête de grande quantité d'argent aux banques qui ensuite achètent de la dette de leur Etat. Ce qui revient exactement au même.

En avril dernier, l'Etat slovène devait absolument émettre 1,1 milliards d'euros pour se financer. Personne ne veut de ce papier vu la situation catastrophique du pays, les créances douteuses équivalent à 20% du PIB, le système bancaire est donc virtuellement en faillite. Qu'à cela ne tienne, la BCE prête ce 1,1 milliard aux banques slovènes qui s'empressent de souscrire à l'émission de dette de leur pays ! Quelle différence avec la Fed qui achète directement la dette de l'Etat fédéral ? Aucune. Et continuons : qu'apportent les banques slovènes à la BCE en garantie (en collatéral) du prêt qu'elle leur fait ? Les emprunts d'Etat qu'elles viennent d'acquérir, vu qu'elles n'ont que cela ! Et la BCE se retrouve ainsi avec des emprunts d'Etat slovènes dans son bilan, pas inscrits sur la même ligne que si elle les avait acquis directement, mais la différence est ténue (si les banques slovènes restructurent leur dette ou font faillite, la BCE en deviendra effectivement propriétaire... mais ça ne vaudra rien car l'Etat slovène sera également dans la panade).

Mais au-delà de ces prêts au coup par coup, la BCE fait des prêts géants "ouverts à toutes les banques qui le souhaitent et pour les montants qu'elles désirent" comme l'a expliqué Mario Draghi : ce sont les LTRO, deux pour l'instant, en décembre 2011 et en février 2012, de 500 milliards d'euros à chaque fois ! La mise en place de ces prêts a permis la détente des taux italiens et espagnols qui grimpaient alors dangereusement, preuve qu'une grande partie de cette somme a été recyclées par les banques italiennes et espagnoles dans la dette de leurs Etats. Le mécanisme est le même que celui qu'on vient de décrire pour la Slovénie.

Ces LTRO sont des prêts à 1% à 3 ans, ce qui veut dire qu'ils devront être remboursés dans moins d’un an et demi. Selon les derniers chiffres de la BCE, jusqu'ici seulement 352 milliards l'ont été, et il reste 666 milliards d'euros à rembourser. Et les banques qui en ont le plus profité sont bien sûr les plus en difficulté, conséquence : qui peut croire que les banques italiennes et espagnoles vont pouvoir rembourser cet argent ? Et justement, lors de sa dernière conférence de presse, Mario Draghi a émis l'hypothèse d'un nouveau LTRO... C'est ce qui s'appelle de la cavalerie, ou du Quantitative Easing en langage "banque centrale".

Si, il y a tout de même une petite différence entre la Fed et la BCE. Pour la première, au moins on connaît les chiffres (le QE3 c'est 85 milliards de dollars par mois, 45 pour acheter des bons du Trésor, 40 pour acheter des crédits hypothécaires aux banques, les MBS) alors qu'avec la BCE on ne sait pas précisément la part de ces 1.000 milliards d'euros de LTRO qui se sont investis en bons d'Etat, tout cela étant disséminé dans différentes banques européennes (et la BCE utilise d’autres outils que les LTRO, à l’exemple de la Slovénie). La BCE fait donc comme la Fed, et en plus elle rajoute l'opacité...

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