Le décret anti-immigrés de Donald Trump, qui interdit l'entrée sur le territoire américain aux ressortissants de sept pays à prédominance musulmane, soulève un tollé mondial.
Mais une autre interdiction, avec des implications bien plus larges, fut discrètement proposée la semaine dernière : l’interdiction de l'argent liquide (cash).
La principale autorité exécutive de l’Union européenne, la Commission européenne, a émis une "feuille de route", la semaine dernière, en vue d’initier des lois contre le cash à l'échelle du continent.
Plusieurs mesures législatives anti-cash ont déjà été votées dans des pays membres de l’Union.
En France, par exemple, il est illégal de faire des achats de plus de 1 000 euros en argent liquide.
Tout dépôt en cash ou retrait dans/d’une banque française excédant 10 000 euros en un seul mois doit être rapporté aux autorités. (Voir l'interview de Egon von Greyerz à ce sujet)
L’Italie a interdit les paiements en cash dépassant 1 000 euros en 2011; l’Espagne, quant à elle, a interdit les paiements en cash au-delà de 2 500 euros.
La Banque centrale européenne a annoncé, l’an dernier, qu’elle cesserait la production des billets de 500 euros, ce qui va entraîner leur disparition.
Mais, apparemment, ces règlements disparates ne vont pas assez loin.
Selon la Commission, la présence de contrôles de mouvements d'argent liquide dans certains pays de l’UE combinée au manque de contrôles dans d’autres pays de l’UE crée des échappatoires pour les criminels et les terroristes.
Ce serait la raison pour laquelle la Commission européenne va intensifier ses efforts pour uniformiser l’interdiction du cash, ou du moins imposer de sévères restrictions et l'élaboration de rapports dans l'ensemble de l’Union européenne.
La feuille de route de la Commission indique que des législations seront mises en place dès l’année prochaine.
Tout cela se passe en ce moment. C'est un cas d’étude parfait pour le reste du monde.
Un nombre grandissant d’intellectuels et de responsables politiques d’autres pays, incluant les États-Unis, l’Angleterre, l’Australie, etc., sont favorables à l'interdiction de l'argent liquide.
On nous chante toujours la même chanson : le cash est un outil pour les criminels et les terroristes.
L’économiste de Harvard, Kenneth Rogoff, est à l’avant-garde de cette guerre contre le cash. Son nouveau livre, The Curse of Cash, prétend que la monnaie physique rend le monde moins sûr.
Rogoff déclare même que "tout ce cash" est utilisé pour "l’évasion fiscale, la corruption, le terrorisme, le trafic de stupéfiants, le trafic humain…".
Oh, la-la ! C'est un portrait plutôt sombre.
Apparemment, verser un pourboire de 5$ à votre voiturier fait de vous un membre de l’États islamique !
Bien sûr, il s’agit d’un non-sens total.
Un récent sondage de Gallup, réalisé l’an dernier, montre qu’au moins 24% des Américains utilisent encore l'argent liquide pour effectuer la totalité ou la majeure partie de leurs achats, aux dépens d'autres options comme les cartes de débit, cartes de crédit, transferts bancaires, PayPal, etc.
La Réserve fédérale de San Francisco a publié une tonne de données à la fin de l’année dernière démontrant que :
- 52% des achats d’épicerie et de produits personnels sont effectués en cash
- 62% des achats jusqu’à 10 $ se font en cash
- Mais même à des montants bien plus élevés, au-dessus de 100 $, un achat sur cinq se fait en argent liquide
Cela ne ressemble pas à de l’activité criminelle dangereuse.
Il semblerait que des citoyens tout à fait normaux, respectueux de la loi, utilisent toujours du cash de façon régulière.
Mais cela semble sans importance.
Une bande de professeurs d’université qui ne se sont probablement jamais retrouvés à moins de 1 000 kilomètres de l’EI pensent qu’une interdiction du cash nous mettrait davantage à l'abri des attaques terroristes.
Vous vous rappelez certainement de l’horrible attaque de Noël à Berlin, dans laquelle un individu a écrasé une foule de piétons, tuant douze personnes.
Et bien, on a trouvé 1 000 euros en cash sur le terroriste.
La logique voudrait donc que l’on interdise le cash.
Je suis certain qu'il portait également un pantalon… pourquoi ne pas les interdire, alors ?
Cette idée selon laquelle les criminels et les terroristes ne font affaire qu’avec des liasses d’argent est un fantasme pathétique régurgité par les mal-informés en série.
J’ai appris cela sur le terrain, il y a plusieurs années, alors que j’étais agent de renseignement au Moyen-Orient : les criminels et les terroristes n’ont pas besoin du cash.
Ceux qui ont perpétré l’attaque du 11 septembre ont vécu durant des mois aux États-Unis, et ils ont régulièrement utilisé des comptes en banque, des cartes de crédit et des chèques de voyage pour se financer.
Les organisations criminelles, ainsi que les réseaux terroristes, ont accès à une multitude d’options de financement, provenants de sociétés légitimes ou d'associations caritatives, ainsi que d'un système interne de crédit sophistiqué.
Une interdiction du cash n’aurait pas empêché les attaques du 11 septembre, ni celle de Berlin à Noël.
Cela dit, les contrôles d'argent liquide affectent les options financières des gens respectueux des lois.
Ces décideurs politiques et ces intellectuels admettent que l’interdiction du cash réduirait la vie privée financière, et c’est vrai.
Mais ils manquent le point essentiel : ce n’est pas que cela.
Le cash est une des seules options dans un système financier devenu complètement fou.
Surtout en Europe, où les taux d’intérêt sont négatifs et plusieurs banques sont sur le point de s’effondrer, le cash constitue un refuge pour se protéger du chaos.
Pensez à ceci : chaque fois que vous faites un dépôt à votre banque, cet argent ne vous appartient plus. Il appartient désormais à la banque. C'est leur actif, et non le vôtre.
Vous devenez un créancier non-garanti de la banque avec rien de plus qu’une réclamation sur leur bilan, à la merci de la stupidité et des manigances des banques.
Les banques ne manquent jamais une opportunité de prouver qu’elles ne méritent pas la confiance que nous leur accordons.
En ce moment, quiconque veut se prémunir contre des répercussions négatives peut tout simplement retirer une part de son épargne et détenir du cash.
Interdire l'argent liquide, pour quelque raison que ce soit, détruit cette option et rend chaque consommateur sujet aux caprices d’un système financier qui va à notre encontre.
Source originale: Sovereign Man
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