L'Inde a franchi une étape historique vers la remonétisation de l'argent, en autorisant officiellement le métal blanc à servir de garantie pour les prêts bancaires et non bancaires en vertu des nouvelles réglementations de la Banque centrale indienne (RBI) qui entreront en vigueur en avril 2026. Cette mesure établit de fait un ratio argent/or de 10 pour 1 dans les prêts garantis, marquant la première reconnaissance officielle du rôle monétaire de l’argent aux côtés de l’or dans une grande économie moderne.
L’argent rejoint l’or dans le système bancaire indien
Pendant des décennies, les ménages indiens ont utilisé les bijoux en or comme principale forme de garantie pour les prêts personnels ou commerciaux, en particulier dans les zones rurales où l'accès au crédit est limité.
Les nouvelles règles étendent ce privilège aux bijoux et ornements en argent, permettant aux emprunteurs de mettre en gage jusqu'à 10 kg d'argent ou 1 kg d'or comme garantie pour des prêts allant jusqu'à ₹2,5 lakhs (environ 3 000 USD).
Cette politique s’applique aux banques comme aux sociétés financières non bancaires (NBFC) — un secteur essentiel pour des millions de petits emprunteurs — et introduit des normes uniformes d’évaluation et de documentation pour renforcer la transparence.
Bien que le texte officiel n’ait pas encore été publié dans la circulaire d’avril de la RBI, plusieurs analystes financiers et experts en métaux précieux confirment que le cadre réglementaire a déjà été transmis aux principaux prêteurs en vue de sa mise en œuvre.
"L’Inde est en train de remonétiser l’argent", a déclaré Sanches. "Le nouveau système formalise le rôle monétaire de l’argent : une personne peut désormais mettre en gage jusqu'à 10 kilogrammes d'argent pour obtenir un prêt, contre seulement 1 kilogramme d'or. Il s'agit d'une réinitialisation involontaire mais significative du ratio or/argent."
Un tournant monétaire moderne
Si la mesure est mise en œuvre telle qu’annoncée, l’Inde deviendra le premier pays moderne à établir une référence monétaire structurée pour l’argent, le reconnaissant comme réserve de valeur parallèle à l’or.
La réglementation limite les garanties aux détentions physiques — excluant les ETF, les pièces au-delà d’un certain poids et les lingots non joailliers — ce qui renforce la demande pour le métal tangible détenu par les ménages et les petites entreprises.
Selon les experts du secteur, cette mesure pourrait stimuler la demande intérieure d'argent, en particulier chez les fabricants de bijoux et les petits fabricants indiens, tout en resserrant davantage une chaîne d'approvisionnement mondiale déjà tendue.
Pourquoi cela compte pour le prix de l’argent
L’utilisation de l’argent comme garantie ajoute une dimension financière à sa demande industrielle et d’investissement.
Ce métal est essentiel pour les panneaux solaires, batteries de véhicules électriques, instruments médicaux et équipements militaires, alors même que l’offre mondiale est déficitaire depuis plusieurs années.
Les analystes affirment que le changement de cap de l'Inde pourrait amplifier ces pressions en redirigeant davantage d'argent vers le stockage à long terme en tant qu'actif financier.
"C’est ainsi que commence la remonétisation — lentement, au niveau des ménages", explique Rajiv Mehta, économiste au Center for Precious Metals Studies de Mumbai.
"L’or est depuis longtemps un actif bancable en Inde. L’inclusion de l’argent démocratise cet accès et renforce son identité monétaire."
Contexte mondial : un réveil de l’argent
La décision de l’Inde s’inscrit dans une tendance mondiale de redécouverte du double rôle de l’argent, à la fois matière stratégique et réserve monétaire.
Des documents récents montrent que l’Arabie saoudite a acheté plus de 93 000 parts du iShares Silver Trust (SLV), ce qui témoigne de l'intérêt des institutions pour les placements adossés à des actifs physiques.
Parallèlement, la Russie aurait accru ses réserves d’argent au sein de sa banque centrale, dans le cadre d’une diversification hors des devises occidentales.
Si ces tendances se poursuivent, les marchés émergents pourraient établir un nouveau paradigme dans lequel l'argent retrouverait une partie de sa crédibilité monétaire, renouant ainsi avec son rôle séculaire de monnaie mondiale.
Le ratio de référence 10:1 et son effet d’entraînement
En plafonnant la garantie à 1 kg d’or et 10 kg d’argent, l’Inde établit de fait un ratio monétaire de 10:1, alors que le ratio des cours spot dépasse actuellement 70:1.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’un "arrimage" officiel, ce ratio pourrait influencer la perception de la juste valeur parmi les investisseurs et décideurs, surtout si les prêts adossés à l’argent rencontrent le succès.
Selon le stratège en métaux précieux David Kranzler, ce ratio crée une "gravité psychologique sur les marchés" — un symbole d’équilibre susceptible d’accélérer la réévaluation de l’argent si la demande mondiale continue de croître.
Vers un avenir adossé à l’argent
L’introduction de l’argent comme garantie officielle pourrait marquer le début d’un système de crédit adossé à l’argent dans les économies émergentes.
Elle favoriserait l’inclusion financière, la liquidité des ménages, et la confiance dans les actifs tangibles dans un contexte de scepticisme croissant à l'égard de la stabilité des monnaies fiduciaires.
Toutefois, une certaine prudence reste de mise. Les détails complets de la mise en œuvre par la RBI ne sont pas encore publics, et la réaction à long terme du marché dépendra de la clarté de la réglementation, de la performance des prêts et de la volatilité du prix du métal.
Malgré tout, le symbole est fort : longtemps relégué à un rôle industriel, l’argent retrouve son identité monétaire.
"L’argent n’a pas seulement obtenu une place à la table", conclut Sanches.
"L’Inde vient de lui attribuer un titre : métal monétaire."
Source originale: JPost.com
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