Dénoncer l’évasion fiscale est louable, mais l'objectif des Panama Papers a peut-être un but moins noble, sur fond de guerre contre le cash et de menaces de bail-in massifs via la ponction des fonds des déposants.
La publication des « Panama Papers », qui ont fuité d’un cabinet d’avocats spécialisé dans les sociétés écrans, a eu l’effet d’une bombe et a déclenché à la fois l’indignation et le scepticisme. Dans un article du 3 avril intitulé "Corporate Media Gatekeepers Protect Western 1% From Panama Leak" (Les grands médias protègent le 1% d'occidentaux du scandale Panama Papers), le blogueur britannique Craig Murray écrit que le dénonciateur avait sans doute de bonnes intentions, mais qu’il avait commis l’erreur de transmettre les 11,5 millions de documents aux grands médias, contrôlés par les grands groupes, qui n’ont publié que les quelques documents incriminant des opposants aux intérêts financiers occidentaux. Murray écrit :
« Il ne faut pas s’attendre à une dénonciation manifeste du capitalisme occidental. Les sombres secrets des sociétés occidentales ne seront pas publiés. Il faut s’attendre à des attaques contre la Russie, l’Iran et la Syrie, ainsi qu’à un petit "équilibrage" avec un pays occidental comme l’Islande. »
L’Islande, bien sûr, fut le seul pays à refuser de sauver ses banques et à envoyer ses banquiers en prison.
Selon Pepe Escoba, les Panama Papers ont une « portée limitée ». La fuite concorde avec la tentative de Transparency International de créer un registre mondial public des avoirs (Global Public Beneficial Ownership Registry) qui permettrait de collecter des informations sur les actifs des gouvernements mondiaux, et avec le sommet mondial anti-corruption qui doit se tenir sous la gouverne du Premier ministre britannique David Cameron, le mois prochain. Selon The Economist, « les Panama Papers lui offrent la plateforme dont il a besoin pour persuader les autres gouvernements, et le sien, de passer de la parole aux actes. »
Le Daily Bell, quant à lui, soupçonne un effort coordonné, lié à la volonté d’abolir le cash. Il s’agit de savoir où se trouve l’argent, qui le possède, de façon à pouvoir le taxer, le réguler, le « sanctionner », ou le confisquer :
« Sans confidentialité, l’autoritarisme prospère, parce qu’il est impossible de construire et faire grandir des réseaux privés qui auraient un effet dissuasif… Un régime de transparence mondial garantit virtuellement des abus et de la corruption par ceux qui détiennent le pouvoir.
Ceci est une des raisons pour lesquelles l’idée d’une société sans cash est si mauvaise. Quand plus personne ne pourra utiliser du cash, les historiques financiers seront facilement accessibles via les registres électroniques des transactions. »
Michael Snyder, d’InvestmentWatchBlog.com, lie aussi les Panama Papers avec la volonté d’abolir le cash :
« … avec la révélation des Panama Papers et tout ce préconditionnement contre les paradis fiscaux, les gens ne réalisent pas encore que très bientôt, alors que les taux d’intérêt négatifs et les bail-in sont ouvertement discutés et prêts à être mis en place, tout ce battage médiatique au sujet des paradis fiscaux, de l’évasion fiscale, des milliardaires corrompus et des sociétés écrans à l’autre bout du monde sera balayé par quelque chose qui nous touche de bien plus près…
Je crois fermement que tout cela fait partie d'une guerre pour le contrôle des capitaux, qui est directement liée à une transition prochaine vers une devise numérique biométrique, à la mise en place des taux d’intérêt négatifs, aux bail-in à grande échelle, et à la diabolisation et éventuelle criminalisation d’actifs physiques qui sont hors de la taxation directe (qui se ferait, encore une fois, en se servant du préconditionnement contre les "paradis fiscaux", avec les métaux précieux physiques et le cash comme principales cibles). »
Guerre à la corruption ou guerre aux épargnants ?
Ce qu’il semble se produire est que les 1% s’attaque aux 10% de gens qui, selon la chercheuse allemande Margrit Kennedy, n’ont pas besoin d’emprunter mais qui sont des épargnants « net ». Aujourd’hui, les 90% restants ont emprunté tout ce qu’ils pouvaient. Soit ils ne désirent pas emprunter plus, soit les banques ne veulent pas leur prêter, puisqu’ils présentent des risques élevés d'insolvabilité. Qui reste, alors, pour alimenter la machine qui nourrit les 1% et, plus spécifiquement, les 0,001% ? Cette puissante élite semble tout vouloir s’accaparer, et cela veut dire s’attaquer à ceux juste au-dessous d’elle dans la chaîne alimentaire financière. Le défi consiste à aller chercher de l’argent chez ceux qui n’ont pas besoin d’emprunter. Comment confisquer légalement leurs épargnes ?
Réponse : les bail-in, intérêts négatifs, devises numériques et l’élimination des « paradis fiscaux ».
Les bail-in permettent aux plus grandes banques de jouer en toute impunité avec l’argent de leurs déposants. Si les banques font de mauvais paris et deviennent insolvables, elles peuvent légalement confisquer les dépôts pour équilibrer leurs bilans, en utilisant une « résolution ordonnée » du type mandaté par la loi Dodd-Frank. (Lire nos articles sur la directive BRRD)
Les taux d’intérêt négatifs constituent des frais ou une taxe privée sur la détention de fonds à la banque.
L’élimination du cash prévient les éventuels bank run qui seraient déclenchés par cette attaque à l'épargne. De la monnaie qui n’existe que numériquement ne peut être retirée et cachée sous un matelas.
La dénonciation des paradis fiscaux montre aux prédateurs où se trouve l’argent et qui le possède, facilitant ainsi sa confiscation, tout en empêchant le financement de rébellions massives contre la confiscation.
Orchestré à Davos
Cela pourrait aider à expliquer les développements coordonnés auxquels nous avons assisté dans ce monde contrôlé par les banques centrales, particulièrement après le sommet de janvier du Forum économique mondial de Davos, en Suisse, où l’élite mondiale se donne rendez-vous pour discuter des enjeux économiques importants du moment.
Selon un participant de Morgan Stanley, un sujet notable à l’ordre du jour était le besoin d’une « introduction rapide d’une société sans cash, afin de pouvoir introduire des taux d’intérêt sur les dépôts encore plus négatifs en Europe, pour contrebalancer une stagnation peut-être séculaire. » Si la Banque centrale européenne parvenait à réduire l’usage du cash physique, selon JP Morgan, elle pourrait alors faire baisser les taux à -4,5%.
« Stagnation séculaire », la justification officielle pour les taux négatifs, signifie une baisse chronique de la demande, puisqu’il n’y a pas assez d’argent disponible pour les biens et services. Aujourd’hui, presque toute la monnaie est créée par les banques lorsqu’elles consentent des prêts; et, lorsque de vieux prêts sont remboursés, de nouveaux prêts doivent être consentis pour maintenir la quantité de monnaie en circulation. Traditionnellement, les banques centrales ont baissé les taux d’intérêt pour stimuler ces emprunts continus, mais ces taux d’intérêt ont effectivement étaient poussés à zéro. L’argument est qu’ils peuvent être poussés sous zéro… mais seulement si les retraits de cash, donc les bank run, ne sont pas une option.
Voilà l’argument, mais comme l'observe Paul Craig Roberts, ancien secrétaire adjoint au Trésor américain pour les politiques économiques :
« On essaie de faire croire que la mauvaise performance de l’économie n’est pas due à l’échec des politiques économiques, mais plutôt à ceux qui accumulent leur argent. La Réserve fédérale et sa coterie d’économistes et de presse-tituées ("presstitutes" : jeu de mot avec 'press' et 'prostitutes') maintiennent cette fiction, que les gens épargnent trop, malgré la publication d'un rapport de la Réserve fédérale démontrant que 52% des Américains ne peuvent obtenir 400 $ sans vendre des objets personnels ou emprunter. »
Dans un article intitulé "Exposing the Hidden Agenda of Davos 2016" (Dénonciation de l’agenda caché de Davos 2016), ZeroHedge rapporte toute une série d’activités durant et après Davos en relation avec la volonté de bannir le cash. Mais stimuler la demande pourrait n’être qu'une couverture pour cacher quelque chose de plus sinistre.
Sauver l’économie ou les banques ?
Ce qui était plus préoccupant à Davos que la « stagnation séculaire » était l’insolvabilité imminente de quelques grandes banques. Ambrose Evans-Pritchard, écrivant en janvier depuis Davos, avait cité William White, ancien économiste en chef de la Banque des règlements internationaux, qui sonnait l’alarme :
« La situation est pire qu’elle ne l’était en 2007. Notre arsenal macroéconomique pour s’attaquer aux faiblesses du système est essentiellement réduit à néant.
Les banques européennes, qui ont déjà admis qu’elles avaient 1000 milliards de dollars de créances en souffrance dans leurs bilans, seront particulièrement vulnérables, et devront accepter des abandons de créance importants. Elles sont beaucoup exposées aux marchés émergents, et n’ont probablement pas révélé l’ampleur réelle de leurs créances à risque.
Le système bancaire européen devra sans doute être recapitalisé à une échelle inimaginable, et les nouvelles règles de bail-in signifient que tout déposant possédant plus que les 100 000 euros garantis aura à en payer le prix. »
Il semble bien que la guerre au cash est menée, non pas pour stimuler l’économie, mais bien pour sauver à tout prix les banques et leurs manigances lucratives. Étouffer les émeutes qu'engendreraient la confiscation massive des dépôts pourrait aussi donner un nouveau souffle à l’idée d’un « État sécuritaire » mondial et à ces mesures « anti-corruption », conçues pour déterminer où se trouve l’argent et qui le possède.
Post-scriptum : Les bail-in, sous la nouvelle directive européenne (2016 European Recovery and Resolution Directive), ont officiellement débuté aujourd’hui, le 10 avril, en Autriche. Rappel sinistre : c’était en Autriche qu’une faillite majeure d’une banque déclencha la Grande dépression en 1931.
Source originale: WEB OF DEBT BLOG
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