La gestion passive permet aux gérants de se dédouaner de tout risque de marché. Mais quelles sont les contreparties ? Quels sont les risques pour les clients ?

 

 



Depuis une dizaine d'années, la "gestion passive" prend une place de plus en plus importante dans les marchés actions. Trackers, ETF, et autres ETP, qui peuvent contenir des produits dérivés avec parfois des effets de levier pour démultiplier les résultats, ont rencontré un grand succès auprès des investisseurs.

Le principe est simple : au lieu de se casser la tête à choisir des actions pour leur qualité intrinsèque, vous achetez un produit financier qui se contente de répliquer les performances de la Bourse, sans faire mieux ni moins bien. Ça coûte moins cher en frais de gestion et c'est très simple, car vous n'avez pas besoin de vous demander si votre gestionnaire est bon ou non, puisqu'il n'y en a plus. Alors, convaincu ? Si vous trouvez cette idée formidable, il faut qu'on en parle.

Je me suis toujours demandé ce qu'est un ETF exactement. J'ai bien compris que cela servait à répliquer un indice boursier, mais comment ça marche ?

Pour bien comprendre les ETF, il faut comprendre ce qu'est un indice boursier. Un indice boursier, c'est simplement une liste d'actions qui sert de référence pour mesurer l'évolution d'un secteur. Par exemple, le CAC 40 est un indice composé des 40 plus grosses entreprises de France (en gros). Le S&P500, les 500 plus grosses entreprises des États-Unis, alors que le Next Biotech mesure la performance des entreprises biotechnologiques en Europe. Donc, quand on dit que la Bourse a monté ou a baissé, on parle de l'évolution de tel ou tel indice.

Du coup, pour répliquer la performance d'un indice, c'est facile. Par exemple, pour le CAC40, tu achètes toutes les entreprises du CAC40, et voilà.

Il faut aussi respecter le poids de chaque action dans l'indice, car toutes ne sont pas prises en compte de la même façon, mais c'est une première solution qui marche. Il y a des ETF qui font ça ; on les appelle les ETF physiques, car ils détiennent physiquement les actions des indices qu'ils répliquent.

Un ETF, c'est quoi exactement ?

Simple, c'est un fonds de gestion. C'est un produit financier. La société de gestion Tartampion décide de créer un ETF qui réplique le CAC40 alors elle crée l'ETF "CAC40 forever". À chaque fois qu'un client achète du "CAC40 forever" notre société de gestion achète toutes les actions du CAC40 pour répliquer l'indice et, en échange, le client se retrouve propriétaire de parts de cet ETF.

Ok, et quand j'en ai marre, je revends mes parts et la société revend des titres pour me rendre mon argent.

C'est le principe. Mais il n'y a pas que les ETF physiques. Il y a aussi les ETF synthétiques, qui utilisent des contrats à terme pour répliquer ce qu'ils veulent répliquer.

Synthétique, contrat à terme, fonds de gestion. C'est marrant mais on dirait le vocabulaire des produits dérivés.

Tout à fait. Les ETF synthétiques utilisent des produits dérivés et notamment les contrats d'échanges de performance.

Qu'est-ce-que c'est que ça ?

C'est un produit dérivé qui permet soit de faire levier, c'est-à-dire augmenter les gains ou les pertes, soit à obtenir un ETF qui colle mieux à des indices cibles, peu liquides. 

Tu peux préciser ce qu'est la liquidité d'un marché ?

On dit qu'un marché est liquide lorsque tu peux acheter et vendre facilement sans faire trop varier le prix. Le marché du dollar est très liquide, tandis que le marché des actions de PME est très peu liquide, car en achetant ou vendant des titres, tu fais immédiatement bouger le prix et il y a souvent peu d'actions qui s'échangent. Un ETF utilise des produits dérivés pour mieux répliquer les petits indices sur des marchés très peu liquides.

C'est plutôt une bonne idée, alors.

À la base, toutes les mauvaises idées étaient bonnes.

Allez, dis-nous ce qui ne va pas.

Quand on utilise des produits dérivés, tout devient très vite compliqué et, du coup, de moins en moins de gens comprennent réellement ce qu'il se passe. C'est dans ces moments-là que les horreurs ont lieu, comme ce fut le cas avec les subprimes. Si vous voulez en savoir plus, j'ai fait une vidéo sur les produits dérivés pour en comprendre le fonctionnement. 

Bref, ces ETF s'exposent rapidement à des risques de contrepartie. Dit autrement, si l'opérateur financier qui assure le produit dérivé fait faillite, alors votre ETF peut faire faillite avec. La maîtrise du risque vous échappe rapidement. Puis, les ETF posent un autre problème de fond. Puisqu'on cherche à répliquer la valeur d'une liste d'actions, on peut se demander comment est fixé le prix d'une action ?

Et bien, c'est la musique habituelle. Des vendeurs et des acheteurs proposent des prix et, lorsque leur analyse des choses se croise dans un prix commun sur lequel ils sont d'accord, il y a échange et ça détermine la cote d'un titre de bourse. C'est la valeur du dernier échange réalisé entre un vendeur et un acheteur.

Très bien. Du coup, pour trouver un prix, il est nécessaire de réfléchir à la valeur d'une entreprise pour savoir à combien tu vends ou achètes l'action de cette entreprise.

Ah oui, je vois. Si tout le monde utilise des ETF, qui va se poser la question de savoir combien vaut une action ? C'est embêtant.

Oui, plutôt. Si le prix de cette gestion dite "passive" est très économique, c'est parce qu'elle parasite le travail des gestionnaires actifs qui passent leur temps à découvrir la valeur des actions.

Parasite, tu y vas fort. Ils ne contribuent pas, c'est vrai, mais ils ne gênent personne non plus.

Pas si vite. Plus on utilise des ETF, plus cela a un impact significatif sur les marchés. Les ETF physiques vont faire augmenter les variations à la hausse ou à la baisse. Cette augmentation de la volatilité n'a pas d'utilité particulière. Les ETF synthétiques vont faire courir des risques de contrepartie, donc de faillite du système. Le système sera fragilisé dans son ensemble. C'est donc tout sauf neutre.

Systémique ? Carrément ?

Oui, tous ces ETF ne coûtent pas cher en gestion car ils sont gérés par des logiciels, des algorithmes, à grand coup d'intelligence artificielle. Cela veut dire des échanges de titres, ou de quoi que soit d'autre, à très grande vitesse et potentiellement dans de très gros volumes. Que se passera-t-il le jour où le S&P500 chutera subitement de 30% ? Comment réagiront tous ces robots ? Ils vont répliquer bêtement et rentrer en résonnance les uns avec les autres, jusqu'à faire couler le système ? Que se passera-t-il le jour où une grosse banque fera faillite et que l'on s'apercevra qu'elle était la contrepartie d'ETF synthétiques, dont elle ne peut plus honorer sa part du contrat ? Moins on comprend les instruments financiers et plus le risque augmente, car les marchés sont régulièrement soumis à des chocs de fortes variations, comme les krachs boursiers.

Puis, en termes de mandat de gestion, c'est déresponsabilisant. Lorsque les cours montent, tout le monde est content et, lorsque les cours baissent, le gérant répond à son client qu'il ne fait que répliquer le marché et que, du coup, ce n'est pas sa faute. C'est confortable pour le gestionnaire mais, dans cette histoire, personne ne se pose plus de questions.

Tu es sûr que ça se généralise ?

Le WSJ a publié une étude très instructive sur le sujet. Entre 2009 et 2018, il y a eu 2 500 mds $ supplémentaires investis dans les services de gestion passive et 2 000 mds $ en moins dans les services de gestion active. Donc oui, c'est un phénomène qui prend une ampleur significative, au point où les gendarmes de la Bourse commencent à s'inquiéter. Lorsqu'on apprend dans la presse que la SEC s'inquiète, c'est que c'est déjà vraiment inquiétant en général.

Alors, non, investir dans des ETF n'est ni moral ni responsable. C'est confortable tant que tout se passe bien. C'est très différent.

C'est pour cette raison que j'invite quelqu'un comme Guillaume Rouvier pour nous parler de la Bourse, la vraie, la Bourse à papa où l'on se demande combien vaut quoi. Celle où l'on cherche des gestionnaires compétents, qui ont fait leurs preuves, pour pouvoir leur faire confiance et trouver des valeurs qui seront meilleures que la moyenne.

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