Par Ambrose Evans-Pritchard

La plupart des pays occidentaux auront besoin de faire défaut sur leur dette, d’une taxe sur les dépôts et d’une inflation plus élevée pour déblayer le chemin vers la reprise, alors que la dette occidentale atteint un sommet de 200 ans, selon un nouveau rapport du Fond Monétaire International.

Le document du FMI souligne que les niveaux de dette dans les pays développés sont extrêmes et qu’ils nécessiteront une vague de réduction, soit négociées comme en 1930, ou le mélange standard de mesures contenues dans la « boîte à outils » du FMI pour les explosions des marchés émergents.

« La taille du problème suggère que des restructurations seront nécessaires, par exemple, dans la périphérie de l’Europe, bien au-delà de ce qui a été discuté en public jusqu’à maintenant » dit le document rédigé par les professeurs de Harvard Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff.

Le document dit que les élites politiques de l’Occident s’accrochent encore à l’illusion que les pays riches sont différents des pays pauvres et qu’ils peuvent donc réduire leurs dettes par un mélange d’austérité, de croissance et de « bricolage ».

La présomption est que les économies avancées « n’utilisent pas de tels stratagèmes », comme la restructuration de la dette et la répression, qui « écorcheraient la crédibilité » et créerait un « cercle vicieux » dans l’économie.

Mais le document suggère que cette mantra démontre une « amnésie collective » de l’histoire de l’Europe et des États-Unis, et qu’elle est basée sur des suppositions « trop optimistes » qui risquent de détruire encore plus la crédibilité, finalement. Cela fait que la crise continue, tout en bloquant une solution durable. « Ce déni a mené à des politiques qui, dans certains cas, risquent d’exacerber le coût final, » selon le document.

Bien que la mise en commun de la dette dans la Zone euro puisse réduire la nécessité d’une restructuration ou d’un défaut, il n’est possible qu’au coût des charges plus élevées pour les contribuables du Nord. Cela pourrait faire glisser les principaux Etats de l’Union Monétaire Européenne dans une récession et aggraver leur endettement et accroître la crise. L’implication claire du document du FMI est que l’Allemagne et le noyau de créancier feraient mieux d'abandonner ces créances immédiatement, plutôt que d’acheter du temps avec une rampante mutualisation de la dette.

Le document dit que le fardeau de la dette occidentale est si élevé que les pays riches auront besoin du même cocktail d'annulations de dette, d’inflation plus élevée et de répression financière – définies comme des « taxes opaques sur les épargnants » – comme cela s’est fait lors des innombrables sauvetages des marchés émergents par le FMI.

« L’ampleur du problème de la dette globale auquel les économies développées sont confrontées est aujourd’hui difficile à ignorer. La dette courante des gouvernements centraux des économies développées approche un sommet de deux siècles » disent-ils.

La plupart des pays développés ont effacé de la dette dans les années ’30, mais pas de la même manière. Les prêts des États-Unis pour la Première Guerre furent effacés à l’expiration du Moratoire Hoover, en 1934, permettant un effacement de dette équivalant à 24% du PIB pour la France, 22% pour l'Angleterre et 19% pour l'Italie.

Cela arriva lors du grand chambardement qui faisait suite à l’effondrement du régime de réparations de guerre imposé à l’Allemagne par le Traité de Versailles. Les États-Unis imposèrent aussi une annulation d'une partie de leur propre dette à ses créanciers à hauteur de 16% de leur PIB en avril 1933, quand ils abandonnèrent le standard-or.

La répression financière peut revêtir plusieurs formes, incluant les contrôles de capitaux, les plafonds de taux d’intérêt ou encore l’obligation pour les fonds de retraite et les compagnies d’assurance, qui sont captifs, de gober de la dette gouvernementale. Quelques-unes de ces méthodes sont déjà à l’oeuvre, mais pas encore à l’échelle où elles furent utilisées, fin des années ’40, début ’50, quand les pays essayaient par tous les moyens de s’attaquer à leurs dettes de guerre.

Cela revient essentiellement à la confiscation des épargnes, partiellement réussie en encourageant l’inflation tout en trafiquant le système de manière à empêcher les marchés d’entreprendre toutes mesures d'évitement. Le Royaume-Uni et les États-Unis ont eu des taux réels d’inflation négatifs pour plusieurs années après la Seconde Guerre. Les taux réels, en Italie et en Autriche, étaient de -5%.

Les deux auteurs du document ont travaillé pour le FMI, le professeur Rogoff à titre d’économiste en chef. Ils ont été reconnus grâce à leur travail sur les crises de dette souveraine à travers les époques, dans un best-seller, This Time is Different : Eight Centuries of Financial Folly.

Ils furent plus tard impliqués dans une controverse à propos d’un essai qu’ils publièrent suggérant que la croissance ralentit fortement quand la dette publique dépasse 90% du PIB. Les critiques soutiennent qu’il n’est pas clair si c’est la dette plus élevée qui cause problème, ou bien si ce ne serait pas le contraire, avec une croissance faible qui ferait augmenter le ratio de la dette plus rapidement.

La question est devenue fortement politisé quand le ministre des finances de l’Allemagne, Wolfgang Schauble, et le Commissaire européen aux affaires économiques, Olli Rehn, commencèrent à citer ce document pour justifier les politiques d’austérité de la Zone euro, laissant de côté les aspects plus litigieux.

Les critiques disent que les mesures extrêmes d’austérité sans contrepartie de stimulus monétaire constituent la principale raison pour laquelle la dette est entrée dans une spirale à la hausse de façon encore plus rapide dans certaines parties de l’Europe du Sud.

Les pays plus faibles de la Zone euro sont particulièrement vulnérables à la faillite, car ils n’ont plus leur propre monnaie souveraine, ce qui les met dans la même position que les pays émergents qui devaient emprunter en dollars dans les années ’80 et ’90. Toutefois, à travers l’histoire, les pays ont fait faillite, même s’ils empruntaient dans leur propre devise.

Source: Telegraph

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