Idées clés :
- La Chine a lancé le 26 mars 2018 la cotation du pétrole en Yuan à Shanghaï. Dans quel but ?
- Allons-nous assister à la chute du Roi dollar ou à une montée en puissance ?
- Quels sont les alliés de la Chine dans cette nouvelle avancée pour dédollariser le monde ?
Tout le monde économique sait que les Chinois voudraient que leur monnaie, le yuan, devienne une monnaie internationale de réserve. Jusqu'au 26 mars 2018, le pétrole était coté en dollars exclusivement.
Nous avons vu dans le dernier flash actu que la bourse de Shanghai avait lancé des contrats futures sur le pétrole pour trader le pétrole en yuans.
Il faut également savoir que, depuis avril 2016, la Chine propose une cotation de l'or en yuans. Des rumeurs insistantes font état d'un pétro-yuan convertible en or.
La question que tout le monde se pose : grâce à son nouveau pétro-yuan convertible en or, la Chine va t-elle provoquer l'effondrement du dollar ?
La Chine est la civilisation la plus ancienne sur Terre. Ses racines remontent jusqu'à 3 000 ou 4 000 ans. Durant tout ce temps, la Chine n'a que rarement été à la remorque de l'histoire.
Notre vision moderne de la Chine est déformée, car les deux derniers siècles ne sont pas du tout représentatifs de sa longue histoire.
Après un KO technique qui a duré deux siècles, la Chine revient en force et il serait naïf de penser qu'elle n'en a pas les moyens.
Bien, cela étant dit, passons au pétrole.
Le pétrole est la première énergie utilisée dans le monde. Cela signifie que si le pétrole s'échange dans une certaine monnaie, alors le monde entier a également besoin de cette monnaie.
Comme tout le monde le sait, cette monnaie est aujourd'hui le dollar !
Lorsque les États-Unis achètent des choses à l'étranger, ils paient directement en dollars sans passer par un taux de change. Ils peuvent donc imprimer des dollars pour financer leurs déficits commerciaux extérieurs, sans que le taux de change du dollar ne soit affecté. C'est le fameux "privilège exorbitant" du roi dollar.
Le dollar est la monnaie de référence, car tout le monde en a besoin. Et ce, pour plusieurs raisons :
- La convertibilité du dollar en or, de 1944 à 1973, a fait du dollar la monnaie de référence, notamment pour les échanges de matières premières, dont le pétrole.
- Pour bien verrouiller les choses, les Américains ont signé le pacte du Quicy en 1945 avec l'Arabie saoudite. Le deal est le suivant : nous vous protégeons militairement et vous vous engagez à vendre le pétrole exclusivement en dollars.
Enfin, le pétrole étant la reine des matières premières, celui qui réussit à imposer sa monnaie pour le pétrole va rapidement en faire de même pour les échanges d'autres matières premières et du coup, par extension, il est fort probable que cette monnaie s'impose également pour les échanges d'à peu près tout dans le commerce international.
Ok, mais la Chine dans tout ça, alors ?
Remettons les choses dans leur contexte.
Les États-Unis ont su profiter du contexte post-Seconde guerre mondiale pour prendre une position dominante.
La Chine évolue dans le contexte de la mondialisation et de l'affaiblissement intrinsèque des États-Unis et du dollar, notamment à cause des déficits permanents et de leurs dettes devenues hors de contrôle.
Le problème de la Chine sera donc de prendre de l'ampleur petit à petit, sans pour autant provoquer les États-Unis pour plusieurs raisons :
- Les États-Unis restent la première puissance militaire mondiale. C'est déjà un bon argument en soi pour ne pas aller à une confrontation directe.
- La Chine possède de nombreux intérêts libellés en dollars. Au premier rang, 1 200 mds $ de dettes américaines et un montant total de réserves de change de 3 000 mds $. C'est colossal, et ils n'ont pas spécialement envie que cette richesse s'évapore.
- Enfin, les États-Unis sont le deuxième client de la Chine, après l'Europe. Le modèle de croissance de la Chine étant basé sur les exportations, un effondrement américain entraînerait également un effondrement chinois.
Donc, il faut que la Chine parvienne à procéder par étapes, sans provoquer un bazar dans les équilibres mondiaux.
C'est dans ce contexte que le pétro-yuan convertible en or doit être compris. Je reviendrai sur la convertibilité du yuan en or dans notre série de vidéos.
Restons aujourd'hui sur la possibilité nouvelle pour la Chine de payer ses importations de pétrole en yuans. Qui a besoin de yuans ?
Je dirais les pays qui achètent des choses à la Chine et qui ne paient pas en dollar ? Du coup, il doit y en avoir un petit paquet, quand même.
La deuxième question : à qui la Chine achète du pétrole ?
Attends, on en a parlé dans le flash actu de vendredi sur la vente de pétrole en yuans. De mémoire, je dirais la Russie, l'Arabie saoudite, Oman, l'Angola et l'Iran. Donc, des pays plus ou moins copains avec les États Unis.
Ça va des pays alliés comme l'Arabie saoudite, jusqu'aux pays en quasi-Guerre froide comme la Russie, en passant par l'Iran, qui est sous embargo américain.
C'est là qu'il faut regarder. D'années en années, la Chine élargit son approvisionnement auprès de pays en disgrâce avec les États-Unis. On suspecte même la Chine de vouloir acheter en yuans à l'Arabie saoudite.
Ça n'a pas l'air gagné d'avance.
Certes, mais la Chine est le premier consommateur de pétrole au monde. Comme d'habitude, patience ...
Pour les pays comme la Russie ou l'Iran qui sont en confilt direct avec les États-Unis, l'intérêt est immédiat.
Pour comprendre pourquoi il est vital pour la Russie et l'Iran de se détacher du dollar, il faudra que je vous explique la portée des lois extra-territoriales américaines qui s'appliquent lorsque vous utilisez le dollar. Un pays qui commerce en dollars s'expose à la loi américaine.
Ce n'est pas pour rien si les premiers accords d'échange entre du pétrole et des biens de consommations réalisés en yuans se font entre la Chine et la Russie.
Voici mon avis strictement personnel sur la façon dont pourraient se dérouler les choses.
Il faut garder à l'esprit que la Chine est un pays d'Asie. Les Chinois descendent du confucianisme, alors que les Américains sont plutôt héritiers d'une logique "conquête de l'ouest", de colon d'un Nouveau monde. Les deux approches sont donc radicalement différentes sur la forme et sur le fond, et auront un impact fondamental sur les futures stratégies.
Je pense que les Chinois vont avancer leurs pions et consolider leur position petit à petit, sur la durée, afin de ne pas entrer en confrontation.
En contrepartie de cette délicatesse envers les États-Unis et le dollar, il est fort probable que l'on laisse la Chine procéder et commercer librement en pétro-yuan avec ces pays dont les États-Unis ne veulent pas. La Chine ne subira pas le même sort que l'Irak, car les États-Unis savent que la Chine est une puissance, un empire émergent, et qu'elle n'acceptera pas de rester sur la touche éternellement. C'est un morceau trop gros pour que les Américains s'y opposent frontalement.
Je vais finir en faisant un peu d'économie-fiction pour le plaisir.
La prochaine crise financière et économique viendra probablement d'Europe ou des États-Unis. Face à cette rupture de confiance assez sévère, il n'est pas impossible que la Chine soit appelée à la rescousse.
La Chine n'aura pas besoin de s'affirmer comme première puissance mondiale. Elle sera simplement appelée par l'Occident à le devenir. À ce moment-là, les Chinois parleront probablement du yuan, de leur or, et du pétrole dont ils ont besoin.
La refonte du système monétaire international aura alors sonné, et c'est dans cette optique qu'il faut lire les informations qui viennent de Chine. C'est aussi dans cette optique que j'interprête les informations sur la part grandissante de la Chine dans le système des DTS du FMI.
Souvent présentés à tort comme la future monnaie mondiale, les Droits de tirage spéciaux émis par le FMI représentent pour autant un nouvel espace de dialogue entre les grandes puissances mondiales. Bien sûr, la Chine a déjà commencé à mettre en avant ses intérêts.
Bien sûr, tout ceci n'est que fiction. Il s'agit d'un scénario issu de mon esprit.
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