Moody’s a donc décidé lundi soir de dégrader la France et de lui faire perdre son AAA. Ce n’est pas vraiment une surprise, l’agence ayant annoncé que la note était sous surveillance. Elle suit, à presque un an de distance, Standard & Poor’s qui avait dégradé la France en janvier 2012. Seul désormais Fitch continue d’accorder la meilleure note aux obligations françaises. Lorsque deux agences sur trois lui accordaient la meilleure note, la France était considérée de facto comme triple A par les investisseurs. Désormais, à une sur trois, ce n’est plus le cas. La chute de la plus haute marche est réelle, et cela va certainement signifier la fin de l’embellie sur les taux.
Déjà un certain nombre de clients habituels vont arrêter leurs achats, en particulier ceux qui ont l’obligation statutaire de n’acquérir que des actifs financiers bénéficiant de la meilleure note possible. Il s’agit essentiellement des fonds de pension (qui doivent verser des retraites sur le long terme et ne doivent donc pas prendre le moindre risque). D’autre part, les banques qui détiennent des emprunts français dans leurs comptes, ne devaient, jusqu’ici, pas couvrir ces investissements puisque considérés comme sûrs à 100%. Ce n’est plus le cas, ils deviennent un peu risqués, il faut donc mobiliser des liquidités pour couvrir ce risque, conformément à la réglementation bancaire de Bâle 2 et bientôt 3. Et geler du cash, cela représente un coût. La dette française sera donc moins recherchée.
Autre élément à prendre en compte, les fonds d’aide européens (FESF et MES) sont notés triple A parce qu’ils sont en grande partie garantis par l’Allemagne et la France. La dégradation de la France risque ainsi, par contrecoup, de concerner ces fonds, et c’est tout l’édifice des plans d’aide aux pays en difficulté qui deviendra plus fragile, plus coûteux. Le FESF vient d’ailleurs d’annuler une émission.
Au-delà de ces effets mécaniques, l’inquiétude plus globale va se renforcer. Une semaine après The Economist et son dossier spécial sur la France « bombe à retardement au cœur de l’Europe », la dégradation de Moody’s intervient comme une sévère confirmation. Pays charnière de la zone euro entre le Nord vertueux et proche de l’équilibre budgétaire et le Sud laxiste, la France ressemble de moins en moins aux premiers et de plus en plus aux seconds.
Une crise de la dette française mettrait en péril toute la zone euro. Et on y arrive inéluctablement pour une raison bien simple : les différents gouvernements se révèlent incapables de prendre les problèmes à bras le corps, de faire des réformes structurelles et de baisser la dépense publique. A coups de rafistolages budgétaires ici ou là, ils parvenaient à faire illusion, désormais c’est terminé. Jusqu’ici la glissade était progressive, elle risque de s’accélérer.
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