Si un pays quittait la zone euro alors la question de son solde TARGET2 se poserait. Voyons comment cette question pourrait être résolu.

 

 

Idées clés :

- Les banques centrales ne font pas faillites. Donc il serait possible de cantonner ces déficits dans le bilan de la BCE et/ou de la BCN des pays sortant sans dégâts directs sur l'économie.

- Mais on peut très bien imaginer une sortie difficile dans le cadre d'un conflit entre la BCE le pays sortant. Dans ce cas, cela pourrait être douloureux pour les créanciers car le pays sortant pourrait payer avec une monnaie dévaluée. Ce qui pourrait avoir de nombreuses conséquences délétère.

- Dans les deux cas, la question de fonds qui se pose c'est la conservation de la confiance dans la monnaie.

 


Dans une lettre adressée le 18 janvier 2017 à deux députés italiens, Mario Draghi déclare : Si un pays quittait l'euro-système, sa banque centrale nationale devrait solder son compte auprès de la Banque centrale européenne.

Donc là, je suppose que l'on est censé avoir une réaction, mais je ne comprends pas laquelle...

Mario Draghi parle du solde de la balance des paiements TARGET2, dont on a expliqué le fonctionnement la semaine dernière. Si vous voulez voir cet épisode tourné avec Charles GAVE, cliquez-ici.

Ah oui, ça y est c'est la balance des paiements entre les pays de la zone euro. Le problème, c'est que les pays du nord cumule des excédents colossaux de l'ordre du millier de milliards € vis-à-vis des pays du sud. 

Du coup, je sens que c'est une menace déguisée, non ?

Je te propose de voir ensemble ce qui pourrait se passer si un pays sortait de l'euro par rapport à son solde TARGET2.

Tu ferais pas un petit récap de l'épisode précédent, juste pour que l'on raccroche les wagons ?

Ok. Pour faire simple, il y a 3 points clefs pour comprendre la balance TARGET2.

Le premier, c'est que les économies des pays du sud ne convergent pas avec celles des pays du nord. Du coup, elles sont structurellement importatrices. On dit que leur balance commerciale est déficitaire. Donc, ça signifie que des euros du sud quittent ces pays pour aller dans les pays du nord.

La deuxième chose importante, c'est que les pays du nord prêtent beaucoup aux pays du sud pour diverses raisons, dont des taux d'intérêt bas. Et ça, c'est un effet de la mise en place de l'euro. Du coup, le résultat, c'est que les pays du nord financent à crédit les importations des pays du sud. Cette politique permet de refinancer les banques commerciales par le rachat de dettes des pays de la zone euro.

Enfin, troisième facteur qui s'est ajouté à l'équation depuis 2014, c'est la politique d'assouplissement monétaire, que l'on appelle aussi Quantitative Easing ou QE.

Et, pour diverses raisons expliquées dans l'épisode précédent, cela a pour effet d'accroître le déficit TARGET2 des pays du sud en transférant les dettes des États détenues par les marchés aux banques centrales nationales qui les achètent.

Ce n’est que la version raccourci, ça pique un peu les neurones.

Du coup, si un pays sort de l'euro, comment ça se passe avec son solde TARGET2 ? Si quelqu'un doit payer, ce sera qui ?

Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la situation de déficit permanent des pays du sud pose un problème de fond. Avec 20 ans de recul, il faut accepter que les différents pays européens ne sont pas assez semblables pour converger naturellement, en dépit de tous les capitaux que l'on pourra injecter dans le système.

Une fois que l'on a accepté ça, il y a deux solutions parmi lesquelles il va falloir choisir.

Soit, on accepte que les Grecs ne seront jamais des Allemands, et on accepte que les pays du nord doivent financer les déficits des pays du sud. Cette idée, c'est celle de l'Europe fédérale accompagnée d'une union de transfert. Tout comme en France, Paris paie pour la Corse.

Soit on trouve que c'est une injustice et que cela ne peut pas durer comme ça, alors l'euro finira par exploser d'une façon ou d'une autre.

Mais les politiques d'austérités, alors ? C'était pas leur objectif, de faire ramener les économies des pays en difficultés dans la norme des autres pays ?

Si, tout à fait, mais soit cela a été un échec comme en Grèce, soit les pays comme la France ou l'Italie sont trop gros, et on n'arrive pas à leur imposer ces mesures d'austérité contre leur volonté. Donc, dans les deux cas, ça ne marche pas.

Bon, alors, qui paie si ça saute ?

Tout dépend de comment les choses se passent. Il y a plusieurs écoles.

Une possibilité, ce serait une sortie concertée, amiable d'un pays de la zone euro. Comme Mario Draghi a écrit à des députés italiens, prenons le cas fictif de l'Italie.

Dans ce cas où les choses se passent dans la paix et l'harmonie, si l'Italie quittait l'euro, elle pourrait très bien constater son solde TARGET2 dans ses comptes en faisant défaut. Elle raye la ligne et basta.

Ou alors, de façon un peu plus politiquement correcte, elle écrit quelque chose du style : "Montant à payer un jour si on a les sous", et puis c'est tout.

De son côté, la banque créditrice, comme la banque centrale allemande, pourrait faire la même chose. Soit elle constate une perte qui vient en diminution de ses fonds propres, soit elle écrit une ligne : "Argent que les Italiens nous rendrons un jour s'ils ont les sous".

Dans les deux cas les bilans sont équilibrés.

Mais attends, ce n’est pas si simple. Les fonds propres de la BCE tournent autour de 350 mds €. C'est un coup à effacer tous les fonds propres de la BCE d'un coup, voire même se retrouver avec des fonds propres négatifs. Et, dans ce cas, les traités prévoient que ce sont les États membres qui renflouent la BCE.

D'accord, c'est écrit dans les traités. Mais alors ? En cas de crise, les traités ne seront pas respectés. Comme l'a si bien dit Mario Draghi, les banques centrales ne font pas faillite, puisque ce sont elles qui ont la gestion de la monnaie.

Mais les gens n'accepteront jamais ça. La confiance va se volatiliser.

Alors, ça dépend. Effectivement, une telle opération ne provoquerait pas la joie et l'allégresse dans le système financier mondial. Mais, pour autant, les alternatives ne sont pas brillantes.

Du coup, faute de mieux, ça pourrait très bien passer, pour peu que les choses se fassent dans l'ordre et la bonne entente. Il faudrait montrer qu'il n'y a pas de problème, qu'il s'agit du règlement d'un problème grave entre gens responsables. Comme un divorce à l'amiable. C'est pas parfait, mais ça fera l'affaire.

L'Italie, pour continuer notre exemple, reprendrait la lire à la parité de 1:1 et ferait des dévaluations progressives sur plusieurs années, ce qui réduirait son déficit commercial progressivement. Fin de l'histoire.

Admettons, même si ça ne vend pas du rêve pour autant… Et c'est quoi, l'alternative pas cool ?

Le scénario noir, c'est un conflit ouvert ou une rupture de la confiance sur les marchés. 

Par exemple, la BCE et les pays membres de l'euro restants forcent le pays sortant à payer son solde TARGET2. Dans ce cas, l'Italie reprendrait sa monnaie avec une très forte dévaluation instantanée et rembourserait en monnaie de singe.

Dans ce cas-là, ce sont des centaines de mds € de pertes pour la BCE et, par rebond, c'est toute la dette déjà émise par l'Italie en circulation qui serait instantanément dévaluée. Donc un Krach obligatoire sur la dette italienne qui aurait de très grandes chances de déteindre sur les dettes des pays du sud et, au final, de vaporiser la finance mondiale dans une crise cataclysmique qui ferait passer 2008 pour une promenade de santé.

Ah oui, c'est pas cool.

Non, pas cool du tout. C'est pour ça que je pense que les mots de Mario Draghi étaient plus un coup de pression qu'une menace à prendre au sérieux.

Bon après, entre ces deux scénarios, il faut laisser la place à la créativité financière des marchés et de nos institutions, bien sûr...

Au final, le véritable risque est une panique ou une crise de confiance sur le marché obligataire.

Mais bon, le pire n'est jamais certain.

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