Points clés :
- Pour le capitalisme, les faillites sont essentielles pour l'évolution du tissu économique.
- En voulant "amortir les crises" et "sauver l'économie", les États et les banques centrales ont obtenu deux résultats :
1) Faire petit à petit disparaître la croissance en même temps que les taux d'intérêt.
2) Faire exploser le niveau des dettes souveraines.
Aujourd'hui, je vous explique pourquoi la crise actuelle est héritée de la crise de 2008 et des taux d'intérêt.
Enfin, quand je dis qu'elle remonte à 2008, disons que c'est à partir de ce moment-là qu'on a planté le dernier clou dans le cercueil. Mais, en réalité, la crise remonte au début des années 1980, comme on le voit sur le graphique de l'évolution du taux directeur de la Fed.
Pour bien comprendre ce graphique, il faut que je vous parle de cette période-là, où l'on voit que le système s'est emballé.
Dans l'épisode de la semaine dernière, je vous ai raconté comment notre économie pourrit sur pied à cause des taux d'intérêt négatifs ou presque. Aujourd'hui, je vous explique pourquoi on a détraqué les taux d'intérêt et quels sont les liens à faire avec l'endettement des États.
Je pense que notre problème actuel est inscrit dans les montants des dettes des pays riches.
Je vais prendre pour exemple la France, parce qu'on est assez représentatif en Europe. Puis, les États-Unis.
On commencera après la Seconde Guerre mondiale, car c'est un évènement qui a remis pas mal de compteurs à zéro.
Donc, en France, on s'aperçoit que nous avons une belle progression exponentielle sur les dettes dès 1950 et que cette progression a subi une accélération dans les années 70, pour faire large.
Du côté des États-Unis, c'est à peu près la même chose.
Depuis 1950, la dette progresse et le mouvement s’est accélèré vers la fin des années 1970, début des années 1980.
Attention, mes deux graphiques ne sont pas tout à fait comparables, car celui de la France présente les comptes publics et celui des États-Unis présente l'ensemble des différentes dettes du pays.
Mais on se rend bien compte que la tendance de fond est la même.
Alors oui, justement, elles viennent d'où ces dettes ? On entend plein d'explications différentes et rien ne semble se détacher du lot en étant vraiment convaincant.
Oui, c'est vrai, il y en a qui disent que les dettes se sont envolées lorsque la convertibilité en or a pris fin en 1973.
Il y en a d'autres qui disent que c'est au moment où les ressources énergétiques ont commencé à se tendre.
Il y en a d'autres qui accusent la financiarisation de l'économie et que sais-je encore.
Le point commun à tout cela est que nous n'avons pas été raisonnables.
Comment ça ? Tu vas nous faire la morale ?
Que l'on regarde la France, ou les États-Unis, sur le très long terme, l'histoire de la dette n'a jamais été raisonnable.
Guerres, escroqueries avec John Law et ses faux billets, ou encore répudiation de la dette pure et simple, l'histoire financière des États me fait penser à un couple dépensier et plutôt colérique.
La réponse à tous les problèmes qui se posent à un État est de manipuler la monnaie ou de faire de la dette, ce qui, au final, revient au même : cela casse la confiance dans la monnaie.
Ça, c'était avant. On est plus au temps des assignats de la Révolution ou des guerres avec les Prussiens. Maintenant c'est différent, tout de même !
Ah bon ? Ce n'est pas ce que les courbes sur les dettes disent.
Je pense que notre problème de fond est cette capacité ne pas faire face aux échecs et à fuir les problèmes en les repoussant à plus tard.
Dire ça c'est pas nous faire la morale, peut-être ?
Je reprends notre discussion avec Olivier Delamarche pour illustrer ça.
Alors pourquoi les taux d'intérêt ont baissé gentiment, mais sûrement pendant 50 ans ? Et, en même temps que la dette ait augmenté ?
Comme je sens que c'est un piège, je ne dirai rien pour ne pas passer pour un idiot...
Ce que je retiens de cette histoire est que les taux d'intérêt sont manipulés par les banques centrales pour éviter à l'économie de rentrer en récession.
Ah, ça y est Schumpeter ! Encore lui ! Quand on évite une récession, de quelque façon que ce soit, on casse la destruction créatrice et l'économie va moins bien ! Du coup, ça devrait se voir sur la croissance économique si on est bon, non ?
Voici l'évolution de la croissance depuis les années 1960. Ça baisse de façon continue. Pour les États-Unis, c'est globalement pareil, même si c'est moins marqué.
Enfin, aux États-Unis ils ont 4% de croissance en ce moment, alors ce n'est pas la chute brutale non plus.
Attention, les 4% de croissance de Trump sont largement achetés par la dette. Le déficit de l'État explose par la même occasion puisque cette croissance est achetée par des baisses d'impôts monumentales.
Enfin bref, tout ça, c'est du court terme et ce n'est, en l'état actuel des choses, pas soutenable.
Ok. Et la dette, du coup ?
À chaque fois, pour sauver les marrons du feu, il faut en général faire deux choses : manipuler les taux d'intérêts, mais aussi relancer la croissance. Les fameux plans de relance par la dépense publique.
Du coup, les dettes progressent dans le sens inverse de la baisse de la croissance. Dans cette logique, nous voilà pris entre le marteau et l'enclume de façon irrémédiable.
C'est assez convainquant, dit comme ça... Et les causes de fond : crise énergétique, financiarisation, etc., c'est de la flûte ?
Non, enfin, je ne sais pas quelle est la cause de premier ordre. D'ailleurs, il n'y en a pas forcément qu'une seule.
Par contre, je commence à sérieusement penser qu'à chaque fois que nous avons sauvé l'économie, nous avons évité de nous confronter aux problèmes. Alors, aujourd'hui, nous devons affronter tous ces problèmes quels qu'ils soient, en même temps, puisque nous les avons fuis. Nous n'avons plus de marge de manoeuvre pour le faire.
Nous sommes endettés comme jamais, nos taux d'intérêt sont à zéro et notre croissance économique est aussi à zéro, ou pas loin.
C'est pour toutes ces raisons que j'ai la conviction que la crise actuelle n'est pas une énième nouvelle crise cyclique, mais plutôt le résultat de ce long processus qui a démarré après la fin de la Seconde Guerre mondiale. C'est plutôt la fin d'un cycle d'inconséquence généralisée.
C'est pour cela que cette chaîne à maintenant trois objectifs bien définis :
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