Paul Craig Roberts et Dave Kranzler

Comme nous l’avons détaillé dans de précédents articles, le prix de l’or est poussé à la baisse sur le marché papier des futures par des ventes à découvert à nu des banques d’affaires dépendantes de la Fed. Certains ont du mal à accepter ce fait, même s’il est connu que les grandes banques ont manipulé les taux d’intérêt du LIBOR (London Interbank Overnight Rate – l’équivalent londonien du taux directeur américain de la Fed) et le London Gold Fix, là où, deux fois par jour, sont établis les prix de l’or.

Presque chaque semaine, il est possible d’illustrer l’apparition d’un grand nombre de contrats short sur l’or, à des moments de la journée où il y a peu de transactions. Les ventes à découvert déclenchent des ordres stop et des appels de marge, et entraînent le prix de l’or vers le bas.

La Fed s’adonne à cette pratique pour protéger la valeur du dollar US du Quantitative Easing (QE).

Afin de soutenir efficacement le statut de réserve du dollar US en le faisant remonter lorsqu’il commence à baisser, la Fed doit aussi empêcher le prix de l’or de grimper. Ces interventions sur le marché de l’or ont lieu depuis longtemps. Cependant, ces dernières années, ces interventions sont devenues évidentes et désespérées, à mesure que des inquiétudes sur le dollar font que des pays comme la Chine et la Russie accumulent moins de dollars, et plus d’or.

Tout au long du mois de mars, la Fed et les grandes banques sont intervenues agressivement contre la hausse du prix de l’or et la chute de valeur du dollar US. Les événements en Ukraine ont surement stimulé la demande pour l’or physique et les ventes de dollars US, mais c’est surtout l’érosion continue de l’économie américaine, comme reflétée dans les mauvaises données économiques publiées en mars, qui a poussé l’or à la hausse et le dollar à la baisse.

Le dollar index est un « panier » de devises utilisé pour mesurer la valeur relative du dollar US. Ce panier est composé en majorité d’euros et de yens (il comprend aussi la livre sterling, le dollar canadien, la couronne suédoise et le franc suisse). En février et mars, le dollar a commencé à baisser en réaction aux données économiques de plus en plus négatives aux États-Unis, à l’impression monétaire de la Fed qui continue, et à la crise Ukrainienne.

Le dernier jour de février, le dollar index est passé sous les 80. 80 est un niveau technique clé et, si le dollar devait rester sous ce point de référence pour une période prolongée, les gros détenteurs de dollars pourraient commencer à le vendre, craignant qu’il ne baisse encore plus. La Fed et le Trésor américain ont dû intervenir pour ramener le dollar au-dessus de 80.

La Fed, pour intervenir sur les marchés de change et faire remonter le dollar au-dessus de 80, avait aussi besoin d’empêcher l’or de remonter au-dessus de $1,400, comme il était sur le point de faire, à la mi-mars. Tout comme le niveau de 80 est important, niveau sous lequel des ventes techniques du dollar sont enclenchées, le prix de $1,425 pour l’or constitue un niveau-clé pour enclencher de gros ordres d’achat et des couvertures de positions à découvert. En d’autres mots, afin de supporter tout mouvement à la hausse pour le dollar, la Fed se devait d’intervenir sur le marché de l’or pour influencer le prix à la baisse. 

Les graphiques ci-dessous illustrent les principaux points d’intervention sur le dollar et l’or en mars.

 

 

Comme nous l’avons rapporté précédemment, la Fed, en utilisant ses agents, des banques comme JP Morgan et Goldman Sachs, intervient sur le marché de l’or en « bombardant » le marché d’une grande quantité de contrats futures sur l’or. Et ils le font typiquement à des moments où le marché est très calme, quand il y a peu de transactions. Ces interventions sont communément appelées mini-flash crashes (mini-krachs instantanés).

Comme le dollar se consolidait sous 80 et que l’or se dirigeait vers les $1,400, ces flash crashes se sont produits plus fréquemment et avec plus d’intensité. Durant la première semaine de mars, l’or se dirigeait vers $1,350, et la Fed a utilisé deux flash crashes différents pour contenir l’or sous ce prix (les deux premiers cercles rouges sur le tableau).

Durant la semaine du 10 mars, le prix de l’or se mit à grimper rapidement vers les $1,400, avec la crise en Ukraine au coeur de l’actualité, et les investisseurs se tournèrent vers le refuge de l’or. La Fed utilisa plusieurs « mini-flash crashes pour essayer de contenir le mouvement. Les cercles rouges sur le tableau de l’or nous indiquent les moments où le marché des futures du COMEX fut « bombardé » de contrats afin de ralentir le mouvement à la hausse dans lequel le prix de l’or se trouvait dans la première moitié de mars.

Et alors, tôt le matin du 17 mars, avec les tensions diminuant quelque peu entre les États-Unis et la Russie après le vote de la Crimée pour intégrer la Russie et la guerre qui n’a pas éclaté, la Fed et ses agents se mirent au travail pour manipuler le prix de l’or à la baisse et pousser le dollar à la hausse. Les flèches rouges sur le tableau de l’or indiquent où la Fed largua ses « bombes » de futures d’or sur le marché pour pousser le prix de l’or à la baisse. Et ces explosions énormes des volumes de ventes arrivent presque toujours durant des périodes de faible activité.

Le 18 mars, le FOMC (Federal Reserve Open Market Committee) s’est réuni pour deux jours, et devait publier une déclaration de politique le 19 mars, à 14h. Une étude de la performance de l’or, la semaine où il y a une réunion du FOMC, montre que, en moyenne, l’or perd $37 lors de cette semaine. Et, les mois où il n’y a pas de réunion du FOMC, il n’y a pratiquement pas de changement. Comme vous pouvez le voir, ces mini-flash crashes ont été utilisés pour faire baisser l’or de plus de $72, la semaine de la réunion du FOMC. Le tableau du dollar indique la forte montée du dollar, qui l’amena au-dessus de 80, tout juste après la fin de la réunion du FOMC.

Les mini-flash crashes de la Fed ont continué la dernière semaine de mars. Le groupe de flèches rouges, du côté droit du tableau, indique les moments où, lundi (24 mars) et vendredi (28 mars), ces envolées soudaines de haut volume de vente sont arrivées, pour le contrat sur l’or expirant en avril. Le flash crash du lundi, pour commencer la semaine, a délesté 6,437 contrats sur le COMEX dès l’ouverture à 8h20. En guise de comparaison, seulement 855 contrats avaient été échangés dans la minute précédent l’ouverture du COMEX. Souvenez-vous – nous l’avons dit dans un de nos précédents articles – que l’or subit une attaque dès l’ouverture du COMEX au moins 85% du temps. Cela sert à installer un mouvement à la baisse pour la journée.

Le but du quantitative easing est de supporter les bilans de quelques banques surdimensionnées et de financer le déficit budgétaire fédéral à un taux d’intérêt artificiellement bas. En d’autres termes, le QE supporte les banques en faillite et l’irresponsabilité fiscale du gouvernement fédéral. Afin de réussir ce « tour de force » de mauvaise gestion publique, le prix de l’or, la vraie mesure de la valeur du dollar, doit être inhibé. Le manque d’intégrité de la Réserve fédérale en dit énormément sur la corruption au sein du gouvernement américain.

Source originale: Paulcraigroberts

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