Ca y est, le cours de l’or libellé en euros a dépassé son plus haut historique du 4 octobre 2012 ! Au cas où vous l’auriez raté, les 1380,923 € ont été largement dépassés les 25 et 26 août, avant de rejoindre les 1390 € à l’heure où j’écris ces lignes.

 

 

Médias français et or en euros : pourquoi tant de haine ?

"Au cas où vous l’auriez raté" en effet car une fois de plus, les médias français sont restés les yeux rivés sur le cours de l’or en dollars

 

 

 

 

… et, en ce début de semaine, on n’en trouve pas un pour rapporter qu’un record historique (ce qui n’est toujours pas le cas de l’or exprimé en dollars) vient d’être atteint dans notre devise nationale.

Avez-vous remarqué que neuf fois sur dix, quand vous êtes sur un site financier, que vous écoutez la radio ou même que vous regardez la télé, et qu’un journaliste commente le cours de l’or, il parle… en dollars !

Comme nous y sommes habitués, ce tropisme américain ne nous choque presque plus. Cependant, quand on y réfléchit, cela n’a aucun sens. Lorsqu’un observateur commente le cours de l’action Vinci ou Saint-Gobin, s’exprime-t-il en dollars ou en euros ? En euros, évidemment… 

J’aimerais prendre quelques instants pour développer certains points que j’ai eu récemment eu l’occasion d’aborder lors d’une interview avec Sicavonline.

 

 

Pourquoi diable tout le monde parle-t-il du cours de l’or en dollars ?

Pour expliquer cette étrangeté, il nous faut remonter une quinzaine d’années en arrière. Jusqu’en août 2004, la Bourse de Paris proposait une cotation officielle du cours de l’or en euros. Puis, elle a fermé le marché de l’or, comme je l’ai expliqué en détails dans ce livre.

Depuis, nous, épargnants français, en sommes réduits au même sort que les autres. Pour connaître le cours officiel de l’or, nous devons nous reporter à ce qui fait office de référence mondiale, à savoir le fixing de la LBMA (London Bullion Market Association). Ce cours, fixé deux fois par jour, est exprimé en onces, libellé en dollars, et ensuite seulement converti en euros.

Parler de l’or en dollars, ça trompe énormément

Le problème, c’est qu’un cours en dollars ou un cours en euros, ce n’est pas tout à fait la même chose.

Par exemple, si je vous donne la performance de l’or en 2018 et que je m’exprime en dollars, alors vous avez perdu de l’argent : vous avez fait -2%. Par contre, si je m’exprime en euros, alors dans ce cas vous avez gagné de l’argent : vous avez fait presque 3%. 

Si l’on considère les 5 dernières années, là aussi, c’est assez gênant puisque l’or a enregistré de bien meilleures performances vis-à-vis de l’euro que ce n’a été le cas vis-à-vis du dollar, et ce à 4 reprises sur 5 (à l’exception notable de 2017). Idem pour 2019 avec +20% en dollars et +22% en euros (au 27 août).

 

 

Il convient cependant de nuancer ce propos. Comme nous allons le voir, il pourrait en effet y avoir bien pire comme comparaison. En moyenne, sur la longue durée, on s’y retrouve plus ou moins lorsque l’on compare la performance de l’or en euros et celle de l’or en dollars. 

Par exemple, entre 2001 et juin 2019, l’or a fait en moyenne chaque année +8,6% en euros et +9,6% en dollars. Il n’y a donc qu’1 point de pourcentage de différence. : c’est certes assez proche comme résultat, mais ce n’est pas tout à fait la même chose. Et surtout, rien ne garantit que le cours de l’or continuera à évoluer dans des proportions similaires dans les deux devises au cours des années à venir.

Là où cela devient plus gênant, c’est lorsque l’on s’intéresse au timing des hausses et des baisses de l’or, ainsi qu’à leur ampleuren dollars et en euros.

Si vous superposez les deux courbes, vous vous rendez compte que depuis 2014, elles n’ont plus tout à fait la même allure.

 

Cours de l’or en dollars US (mauve) et en euros (vert) entre 2000 et le 23 août 2019

 

Vous vous souvenez sans doute qu’en 2013, l’or a très fortement chuté. En euros comme en dollars, on a enregistré grosso modo -30%. 

Cependant, en dollars, il a fallu attendre fin 2015 pour que le cours reparte à la hausse, c’est-à-dire que les investisseurs ont subi 3 ans de baisse durant lesquels ils étaient complètement déprimés. Depuis, l’or est remonté à 1530 $, c’est-à-dire qu’il manque encore 370 $ de hausse pour que l’or revienne à son plus haut de septembre 2011, à 1900 $.

En euros, la baisse n’a au contraire duré qu’un an avant que le cours ne reparte à la hausse pour atteindre un nouveau record historique il y a quelques heures. 

Au final, le rattrapage n’a pas du tout été le même d’un côté et de l’autre de l’Atlantique, ce qui change beaucoup de choses du point de vue de l’épargnant, notamment en termes de psychologie d’investissement.

Espérons pour les Japonais, les Argentins et les autres qu’ils suivent le cours de l’or dans leur devise locale

Si l’on se penche sur ce qu’il s’est passé sur la même période au Japon, on constate qu’en 2013, les investisseurs n’ont pas eu à paniquer en se demandant si c’était la fin des haricots pour le métal jaune. Exprimé en yens, l’or a en effet seulement baissé de 12%, et il les avait déjà regagnés 1 an plus tard.

 

Cours de l’or en dollars US (bleu) et en yens (mauve) entre 2000 et le 23 août 2019

 

États-Unis, Zone euro, Japon : nous nous sommes jusqu’à présent bornés à comparer des pays ou des groupes de pays relativement "proches" économiquement les uns des autres (avec tous les guillemets du monde, bien sûr). 

Mais là où les courbes n’ont vraiment plus rien à voir les unes avec les autres, c’est lorsque l’on compare la courbe de l’or en dollars, en euros ou en yens avec celle de l’or exprimé dans la devise d’un pays qui est déjà en crise.

Si l’on se penche par exemple sur le cours de l’or exprimé en pesos argentins, on tombe sur une courbe de prix qui prend peu à peu une allure exponentielle. Dans ce genre de pays, la fuite devant la monnaie n’est pas une vue de l’esprit.

 

 

En parlant d’exponentielles, j’en profite pour vous inviter à surveiller de très près la courbe qui représente le stock mondial de dettes à taux négatifs, lequel était quasi inexistant en 2014. Comme le relevait l’IIF (Institute for International Finance) dans une note publiée le 22 août, le cours de l’or a tendance enlacer cette courbe depuis 2016.

 

Les indices jumeaux de la peur : or et dette à taux négatif

 

Et les auteurs de ce Weekly Insight de commenter : "L’univers en expansion des obligations à taux négatif dénote le peu de confiance dans le fait que des taux plus bas aideront beaucoup."

 

Les banques centrales coordonnent la diminution de leurs taux directeurs

 

Or, la perte de confiance dans la capacité d’action des banques centrales pourrait justement être le déclencheur de la prochaine crise, comme l’ont évoqué Ronald Stoeferle et Mark Valek dans la dernière édition de leur rapport In Gold We Trust.

Rappelons une évidence : il faut suivre le cours de tout actif dans sa devise locale !

Résumons ce qu’il s’est passé depuis la correction qui a débuté en 2013 : aux États-Unis, les investisseurs ont eu chaud aux miches pendant 3 ans avant que l’or ne touche son plus bas en dollars ; en Zone euro, nous avons nous aussi bien mouillé la chemise mais au bout d’un an, le plus bas avait été atteint ; au Japon, il ne s’est quasiment rien passé sur le front de l’or en 2013 : enfin, dans des pays où la situation économique est extrêmement détériorée, la courbe de prix de l’or a pris une allure exponentielle.

Commenter le cours de l’or dans une devise plutôt qu’une autre n’est donc pas neutre et il est capital d’en avoir conscience. Cela est d’ailleurs vrai quel que soit l’actif considéré. Pour un épargnant qui habite dans la zone euro et qui a l’essentiel de son patrimoine libellé en euros, ce sont évidemment les statistiques en euros qu’il faut prendre en compte.

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