Par Ned Naylor-Leyland
Suite aux récents mouvements du prix de l’or, je vous présente trois graphiques permettant de clarifier ce qui s’est (et ne s’est pas) passé. Le premier graphique est sur le prix spot de l’or, le second illustre le volume quotidien des échanges d'or, et le troisième nous montre l’énorme flux de métal physique de l’Ouest vers l’Est, dans le contexte de l’offre minière mondiale. Il y a un combat entre l’offre « papier » et la demande physique; l’offre « papier » a gagné le dernier round, mais son objectif de satisfaire et de réduire la demande pour le métal physique n’a pas été atteint du tout.
Le graphique du prix spot est annoté avec des événements survenus depuis le troisième trimestre 2012. Tous ces événements (1-6) semblent pertinents pour évaluer cette baisse de l’or « papier », mais pas autant que l’entrée du marché de l’or en backwardation permanente, il y a environ un an (1). Avec "en théorie" des quantités importantes d'or et d'argent potentiellement "empruntables", les marchés de l'or et de l'argent ne devraient pas permettre de réaliser des opérations d'arbitrage sans aucun risque pour bien longtemps. Le fait est que le marché physique s’est considérablement resserré, comme le montrent les primes qui grimpent à Shanghai et à Delhi (à Delhi, les vendeurs paient plus de 25% de prime pour l’or fin NNS Bg, comparé à 2% au dernier trimestre 2012) et les délais qui augmentent pour la livraison de quantités importantes (deux tonnes ou plus).
• Pourquoi l’Allemagne a t-elle fait un énorme et très embarrassant demi-tour au sujet de ses réserves d’or détenues à New York?
• Pourquoi, alors, la Fed a-t-elle indiqué que cela prendrait sept ans pour rendre cet or?
• Le fait que les dépôts bancaires soient sujets à des sauvetages de type « bail-in » ne devrait-il pas être exceptionnellement haussier pour une forme de préservation de la richesse sans risques de contre-partie?
• Qu’est-ce que l’ampleur de l’intérêt pour l’achat physique en Asie peut signifier pour le prix à l’avenir? Est-ce soutenable quand toute la production d’or physique des mines a été acheminée via un petit marché des futures à Shanghai?
Ni les vendeurs de métaux précieux, ni ceux qui pensent que le marché va baisser (gold bears), qui n’ont d’yeux que pour le prix spot, sans référence aucune au mécanisme « spot », n’ont répondu de façon satisfaisante à ces questions. Peu d’entre eux comprennent les flux monétaires qui créent le prix spot de l’or. Mon graphique des volumes quotidiens montre le marché de l’investissement de l’or comme il est vraiment : un vaste et tentaculaire dark pool très peu réglementé où tout ce fait en OTC (over-the-counter, ou transactions de gré à gré).
Il me semble évident que, lorsque la backwardation commença à proprement prendre le contrôle du marché de l’or au milieu de l’année dernière (là où la portion ombragée du graphique commence), la stratégie pour gérer le prix de l’or prit de l’ampleur. À la lumière de la backwardation entre le prix spot et le prix future du mois suivant, il apparait que le prix spot a brisé sa tendance à la consolidation (voir l’annotation en violet). C'était un signal d'alerte pour le système des banques spécialisées dans le négoce de métaux précieux (bullion banks). J’ai écrit à ce sujet l’an passé, même si je croyais que la déconnexion inévitable surviendrait dans un contexte de prix à la hausse plutôt qu’à la baisse. Tout ce qui a suivi à partir du point 1 devrait être analysé en tenant compte de ce silence continu du canari en or dans la mine de charbon "fiduciaire".
Pour comprendre la signification de cela, voyons le marché de l’or dans le contexte des volumes quotidiens moyens dans les marchés de devises. Le marché de l’or est très grand et incompris. La plupart des investisseurs le voient comme une simple classe d’actifs et supposent généralement que, en-dehors des futures et des options, le marché est adossé 1 pour 1 sur du métal physique. Rien ne pourrait être plus loin de la vérité. Le marché des ETFs est nominalement adossé 1 pour 1 mais, en termes de volumes quotidiens, il ne représente qu’un faible 1-2% du marché. Le reste est divisé entre le marché des futures sur le COMEX et le marché des changes de Londres (opérations de gré à gré), où les banques et les investisseurs s’échangent de vastes sommes contre le prix de l’or, généralement sans posséder le métal en question. Si le LBMA décidait de sortir de derrière les rideaux et de parler des vrais inventaires d’or comparés aux volumes échangés, je tiendrais compte avec joie de cette information mais, à date, ils préfèrent rester très opaques, ce qui leur convient.
Les meilleures informations dont nous disposions nous proviennent de la Reserve Bank of India, un membre du LBMA, qui déclare que le marché OTC (over-the-counter, ou marché de gré à gré) et les futures et options sont 92 fois plus grands que le métal physique sous-jacent. Le ratio exprimé dans mon graphique « volumes quotidien » (Daily Volumes in Context) confirme assez bien les estimations de la Reserve Bank of India sur le ratio d'endettement. En sachant que la Banque d’Angleterre est inquiète du ratio d'endettement de la Barclay’s (qui a grimpé à un étourdissant 40 pour 1, avec un besoin de 8 milliard de livres de liquidités fraîches au plus vite), je trouve extraordinaire que les investisseurs ne se rendent pas compte que le prix de l’or est actuellement défini par un marché qui opère avec un ratio d'endettement autour de 90 pour 1. Cela ne peut finir, et ne finira pas bien pour les détenteurs d’or papier, ou pour le système bancaire en entier. Plutôt, les récents assauts sur les prix spot n’ont fait que rapprocher le jour où le le mécanisme de détermination des prix changera, en stimulant des baisses des inventaires physiques.
La plupart des achats d’or sur les marchés de change (symbole XAU) ne sont pas adossés à du métal physique (estimé à environ 90% d’or non alloué). Ceci est la nature du marché or/devises OTC. Considérant que la plupart des gens investissent dans l’or exactement parce qu’il craignent le système de réserve fractionnaire, cela est très bizarre et c’est, je crois, ce qui nous a amené à cette backwardation grandissante qui est maintenant vue comme la nouvelle « norme ». L'inévitable bank run sur le système des bullion banks, qui ont un effet de levier de 100 pour 1, est bien en cours.
Les bullion banks veulent que l’or revienne en contango (le contraire de backwardation) pour stopper la baisse des inventaires restants en poussant le marché à la baisse, en utilisant l’effet de levier « papier ». Cela n’a pas fonctionné. En effet, de plus en plus d’investisseurs demandent des métaux alloués ou la livraison, et préfèrent les métaux physiques aux dépens des produits synthétiques offerts par les banques. Le short squeeze que nous attendons se rapproche... "L'heure la plus sombre est celle qui vient juste avant le lever du soleil".
Source originale: Scribd
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