Transcription :
Max Keiser : Bienvenue dans Keiser Report. Ici Max Keiser, et c’est le moment de se tourner vers Egon von Greyerz, de GoldSwitzerland.com. Egon, bienvenue dans le Keiser Report.
Egon Von Greyerz : Je suis heureux d’être de retour, Max, juste avant Noël, tout juste avant l’annonce de la Fed…
Max Keiser : Oui, nous allons parler de la Fed dans quelques secondes… je veux d’abord vous demander quelque chose : Les gens achètent de l’or en période de crise et d’incertitude… Passons en revue une liste de choses qui devraient être des raisons d’acheter de l’or : il y a un krach énergétique dans le monde entier, le pétrole baisse, le gaz vient d’atteindre un nouveau bas, les prix des matières premières s’effondrent, vingt-sept bourses sont maintenant en correction, plusieurs d’entre d’elles ont chuté de 20%, 30% ou plus. Il y a de l’effondrement économique partout, le commerce mondial décline, l’Europe s’efforce d’absorber des millions de réfugiés, le terrorisme est en croissance, les intérêts sur les obligations pourries (junk bonds) montent en flèche, les détaillants sont en déclin, les prêts automobiles et les prêts étudiants sont au bord de l’effondrement, le secteur manufacturier américain est en récession, les hedge funds plongent, la bourse américaine n’est représentée, en fait, que par une dizaine de compagnies, les ventes des entreprises s’effondrent… Pourquoi l’or ne monte-t-il pas ?
Egon Von Greyerz : C’est une bonne question… pourquoi l’or ne grimpe-t-il pas ? Peut-être qu’il monte… il s’agit du dernier actif d’une longue liste d’actifs manipulés… ils ne pourront manipuler le prix de l’or que pendant une certaine période. Certains marchés sont si énormes qu’ils croulent sous leur propre poids. Prenez le marché des obligations – junk bonds en réalité – qui s’effondre, et les divers fonds qui mettent fin aux rachats… et toutes ces choses… vous savez, les pouvoirs en place ne peuvent manipuler les marchés réels et, malheureusement, le marché de l’or n’est pas un marché réel, il est manipulé car, comme vous le savez, le marché papier de l’or est beaucoup plus gros, environ 300 fois plus gros que le marché physique de l’or…
Max Keiser : Comme vous l’avez mentionné brièvement, nous sommes à la veille d’une possible hausse des taux d’intérêt, c’est l’évènement de cette semaine… parce que cela affectera le dollar US – l’ennemi de l’or – et tout ce qui y est associé. Qu’en pensez-vous ? Si les taux augmentent d’un quart de point, est-ce que cela aura un impact ? Qu’est-ce que cela peut signifier... qu’en pensez-vous?
Egon Von Greyerz : Ceci pourrait s’avérer être un événement du type « achetez lors de la rumeur et vendez lors de la nouvelle ». La Fed souhaite qu’il se passe quelque chose avant le 16 décembre, lorsque la décision sera prise, parce que, comme vous venez de le souligner, tous les facteurs économiques sont mauvais, et pas seulement aux États-Unis – vous avez mentionné les ventes au détail, l’industrie, les fonds qui s’effondrent, les niveaux de dette à travers le monde, nous savons à quel point sont endettés les marchés émergents, l’Extrême-Orient, le Japon, la Chine, l’Europe… et l’économie mondiale ne peut se permettre une augmentation des taux. La Fed le sait, et c’est pourquoi ils sont dans une impasse aujourd’hui. Ils ont dit qu’ils augmenteraient les taux et, pour sauver la face, ils doivent le faire. C’est pourquoi, j’en suis sûr, ils aimeraient qu’un évènement se passe d’ici le 16 décembre, le jour de l’annonce, qui les forcerait à ne pas hausser les taux. Car cette hausse n’est basée sur rien : la Fed n’a pas de stratégie qui tient la route. Ils regardent des faits économiques, des données économiques, mais même lorsque les données sautent aux yeux – et nous le savons depuis 2007-2008, avec les données sur la crise des subprimes – même en pleine crise, ils ne voyaient rien. Et c’est ce qui arrive aujourd’hui : ils ne voient rien, alors ils n’ont pas vraiment de programme… ils pensent que l’emploi s’améliore, mais ils savent bien que le chiffre de 5% de chômage n’a aucun sens, que le vrai taux se situe plutôt dans les 20%, et ils savent également que tous ces nouveaux emplois sont surtout dans les services, ou pour les gens de 55 ans et plus, et que les vrais emplois, pour le vrai monde, dans l’industrie ou ailleurs, des emplois qui produisent quelque chose, sont en déclin.
Max Keiser : Donc, tout cela est purement du maquillage, pour sauver la face… pas pour des raisons économiques ?
Egon Von Greyerz : Absolument, cela n’a aucune base économique. Une augmentation des taux sera un problème pour le monde entier – avec le dollar, pour la dette, pour les marchés émergents – donc, s’ils haussent les taux, on les verra redescendre très rapidement… on ne la verra même pas cette hausse.
Max Keiser : La banque centrale européenne (BCE) a poussé ses taux encore plus en territoire négatif, depuis notre dernière discussion. C’est étonnant, parce que les banques paient pour pouvoir confisquer de l’argent directement dans nos comptes, avec ces taux négatifs… et ils appellent cela une politique… mais n’est-ce pas de la confiscation de richesse… et cela n’apporte-t-il pas de l’eau au moulin de l’or ? Parce que si vous détenez de l’or dans un coffre, hors du système bancaire, il ne sera pas confisqué par le gouvernement, comme cela arrive avec les taux d’intérêt négatifs… comment ces taux peuvent-ils continuer à être ainsi négatifs ?
Egon Von Greyerz : Nous savons pourquoi : ils essaient de créer de l’inflation, car ils savent que, sans l’inflation, l’économie européenne ne pourra survivre…
Max Keiser : Comment créez-vous de l’inflation en détruisant la monnaie ?
Egon Von Greyerz : Cela ne fonctionne pas. Mais ils ne connaissent pas d’autres solutions, ils n’ont pas d’autres outils, ils ont tout essayé. Ils ont imprimé de la monnaie et en imprimeront encore… les taux d’intérêts sont maintenant en territoire négatifs, chose qui n’a jamais été testé auparavant. L’action de la BCE est une autre raison pour laquelle la Fed ne peut partir dans l’autre direction : dans une économie mondiale intégrée, vous ne pouvez pas avoir un côté qui va vers les taux négatifs et un autre qui les augmente…
Max Keiser : Un point intéressant ! Nous avons un système bancaire global, mondial, et les banques centrales sont toutes interconnectées…donc vous ne pouvez pas avoir la Fed qui hausse les taux d’un quart de point tandis que l’Europe applique des taux négatifs… cela ne fonctionne pas, n’est-ce pas ?
Egon Von Greyerz : Cela ne fonctionne pas, c’est ridicule.
Max Keiser : Dans l’actualité, l’Italie a sauvé quatre banques. Les actionnaires et les détenteurs de bons se sont fait lessiver… quelqu’un s’est même suicidé ! Envisagez-vous d’autres événements comme ceux-là en 2016 avec ces bail-in (sauvetage interne) par les déposants? En d’autres mots, est-ce une autre façon pour les banques de confisquer la richesse, avec ces supposés bail-in. S’agit-il d’une tendance que nous verrons en 2016 ?
Egon Von Greyerz : Nous verrons d’autres bail-in. Les déposants seront extrêmement inquiets en réalisant que leur argent n’est pas en sécurité à la banque. Mais il n’y a aucune raison de risquer de détenir des bons – parce que c’est très risqué, lorsque vous prêtez de l’argent à une banque… je souhaite obtenir de la sécurité, en contrepartie, si je prête de l’argent à une banque – ces banques exigent toujours une forme de sécurité de notre part… Mais les banques ne sont pas toutes sûres, à mon avis…
Max Keiser : Quand vous déposez de l’argent à la banque, vous lui prêtez…
Egon Von Greyerz : Exactement. Et vous devriez obtenir des garanties de la banque, car elle ne peut pas rembourser !
Max Keiser : Et elle impose des frais pour ce service !
Egon Von Greyerz : Exactement, oui, c’est ridicule.
Max Keiser : Vous êtes en Suisse… la Banque pour les règlements internationaux (BRI, ou BIS pour Bank for International Settlements) est en Suisse… et la BRI est la banque centrale des banques centrales. Est-ce exact ?
Egon Von Greyerz : Oui.
Max Keiser : D’accord. La BRI vient tout juste de publier un rapport dans lequel ils disent que le monde est au bord, encore, d’un autre effondrement dû à la dette. Il y a plus de 200 000 milliards de dollars de dette à travers le monde, et l’on ne peut créer qu’une certaine quantité de dette avant qu’il y ait saturation, ou pic de dette… et la Banque des règlements internationaux suggère que nous avons atteint ce point. Êtes-vous d’accord ?
Egon Von Greyerz : Absolument, oui. Cela fait plusieurs années que je le dis. Je suis vraiment surpris que personne ne se soit rendu compte encore que l’empereur est complètement nu. La BRI le sait, d’autres le savent aussi… et vous le savez. Cela arrivera, car le système est en banqueroute. Il n’y a aucune chance que le système survive avec des taux d’intérêt plus élevés, aucune chance. Et la BRI… vous savez, ce qui est drôle, c’est que le conseil d’administration de la BRI est composé de banquiers centraux, et lorsqu’ils se rencontrent, ils ont des discussions tout à fait différentes de celles qu’ils ont dans leurs pays car, lorsqu’ils retournent chez eux, il s’agit de politique… ils ne peuvent pas dire la vérité…
Max Keiser : C’est de la corruption… parce qu’ils disent une chose, à la Banque pour les règlements internationaux, et une autre, lorsqu’ils reviennent dans leurs pays, et encore une autre lorsqu’ils vont dans un autre pays…
Egon Von Greyerz : Absolument, parce qu’aussitôt qu’un banquier central retourne dans son pays, il met son chapeau de politicien et, alors, il ne peut plus dire la vérité.
Max Keiser : Parlons encore de la Suisse, là où vous nichez tous… je ne suis pas certain que ce soit le bon terme, de dire que vous « nichez » en Suisse, mais néanmoins… À partir du 1er janvier 2016, tous les « freeports » devront se plier à de nouvelles législations sur le contenu de leurs entrepôts. Vous êtes au courant de cette histoire, n’est-ce pas ? Que sont ces « freeports », et qu’est-ce que cela signifie ?
Egon Von Greyerz : Je crois que c’est Martin Armstrong qui a lancé cette rumeur, et il n’est pas vraiment au courant des faits. Il y a toujours un danger, lorsque vous répandez des rumeurs sur Internet, que tout le monde s’en empare et que cela devienne gros. Il existe une règle en place depuis très longtemps en Suisse qui fait que les entrepôts de stockage des douanes, généralement dans les aéroports, sont en zone franche (duty-free), hors du pays lui-même. Vous pouvez y importer ou exporter des biens sans avoir à payer la TVA. Et cette règle est en place depuis plusieurs années; les entrepôts de stockage doivent tenir un registre de tous leurs clients et de toutes les marchandises – il n’y a rien de neuf là-dedans. Il y a toujours eu un registre. À partir du 1er janvier, ils devront aussi tenir un registre électronique – c’est la seule différence. Et ce registre électronique est mis en place afin que les autorités douanières puissent être averties si elles pensent que quelque chose est anormal dans les entrepôts. Et un de ces grands entrepôts nous a confié que ce type d’inspection, ces cinq dernières années, n’est arrivé que deux fois. Alors, ces entrepôts ne font et n’envoient aucun rapport… ils sont seulement obligés de tenir un registre, ce qu’ils font déjà, de toute manière. Et, bien sûr, les inspecteurs pour la TVA peuvent toujours inspecter à leur guise. Donc ce n’est qu’un faux-fuyant, d’après moi. Non, ils ne font pas de rapports aux gouvernements, même pas au gouvernement suisse… mais ils sont toujours susceptibles d’être inspectés par les douanes suisses.
Max Keiser : Merci d’avoir éclairci cela pour nous. Donc, ces entrepôts, ils sont déjà sujets aux inspections, et il existe des procédures d’enregistrement… alors pourquoi… font-ils cela par commodité, pour que tout soit enregistré électroniquement, ou bien se passe-t-il quelque chose ? Parce que la Suisse, bien sûr, a perdu plusieurs de ses clients, des clients se croyant dans une situation bancaire privée… HSBC, ce vieux scandale… ils ont commencé à ouvrir leurs livres aux régulateurs américains… et maintenant, on dit que c’est au tour des entrepôts… et la Suisse a été sévèrement touchée, dernièrement, dans sa réputation de pays refuge. Mais ceci ne fait pas partie de cette tendance ?
Egon Von Greyerz : Non, pas du tout, parce que ce registre existe depuis longtemps. Vous savez que les autorités pour la TVA doivent, depuis toujours, être informées de ce qu’il y a dans les entrepôts, surtout ceux des douanes, et ce qui pourrait y être assujetti à la TVA. Ils doivent faire un rapport uniquement s’il y a quelque chose à inspecter, s’il y a un problème à régler.
Max Keiser : La banque nationale suisse défendait la stabilité de sa devise, si l’on peut dire, par rapport à l’euro, en achetant des euros. Ce programme fonctionne t-il, est-il toujours en cours, et que pensez-vous du franc suisse, à l’avenir ?
Egon Von Greyerz : C’est un désastre, bien sûr. Nous avons eu un référendum, le Swiss Gold Initiative, il y a un an, qui visait à donner à l’or une place plus importante dans la politique de la banque nationale, et cela a été un échec. À l’époque, j’avais dit que l’arrimage (à l’euro) ne tiendrait jamais, et j’ai été attaqué de toutes parts par les banques centrales, tout le monde. On m’a traité de théoricien du complot… et six semaines plus tard, ils ont abandonné l’arrimage. Malgré cela, leur bilan augmente, ils achètent encore plus d’euros… leur bilan approche 100% du PIB suisse, ce qui est plus gros que celui des banques centrales de tous les pays occidentaux. Alors ils doivent continuer à défendre… à faire baisser la valeur du franc suisse, parce qu’ils pensent ne pouvoir survivre avec un franc suisse fort, malgré le fait que durant des siècles, ou tout du moins des décennies, le franc suisse se soit renforcé vis-à-vis des autres devises mondiales, et que l’économie suisse ait été l’économie la plus forte au monde. Ce sont des managers de fonds spéculatif qui sont maintenant à la tête des banques centrales, et ils ne savent pas ce qu’ils font.
Max Keiser : Bien, merci d’avoir été avec nous au Keiser Report.
Egon Von Greyerz : Merci, le plaisir était pour moi.
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