Le Baiser, Gustav Klimt (1909)

 

De tout temps, l’or n’a cessé d’interroger. Symbole de richesse et d’éternité (ce qui va souvent de pair), il permit de fabriquer les premières pièces de monnaie, avant de devenir une valeur refuge.

Sa couleur, semblable à celle de la lumière, est pour beaucoup source d’inspiration. Femmes et hommes utilisent l’or dans le monde de l’architecture, de la sculpture, et de l’art plus généralement. Du Château de Versailles au Dôme du Rocher de Jérusalem, nombreux sont les monuments qui ont été construits à partir d’or. Son caractère inaltérable n’a cessé de fasciner les esprits, en particulier les alchimistes qui cherchaient à atteindre la pureté en changeant le plomb en or, mais aussi les croyants. Outre sa représentation dans différents lieux saints sous forme d’objets divers, l’or alimente l’histoire de nombreuses traditions. Nous revenons ici brièvement sur sa place dans différentes civilisations et courants religieux.

L’Égypte antique

Il y a près de cinq millénaires, dans l’Égypte antique, l’or était assimilé au dieu du soleil Rê, du fait de leur couleur et brillance similaires. Dès lors divinisé, le métal jaune était synonyme d’immortalité. Certains pensaient d’ailleurs qu’accumuler de l’or permettrait d’accéder à une vie éternelle (comme le font aujourd’hui, en connaissance ou non, les plus riches avec la monnaie) et décidaient même de s’enterrer dans des sarcophages d’or massif. Ainsi notamment du tombeau de l’enfant roi Toutankhamon, peu connu à l’époque.

La région étant, d’après les archéologues, l’une des plus riches en or dans le monde antique, les Égyptiens en utilisaient abondamment pour fabriquer des masques, statues, bijoux, mais aussi des statues divines et des monuments. Le métal servait par ailleurs dans certains échanges avec les territoires voisins. Néanmoins, seule une minorité (noblesse et religieux en premier lieu) pouvait en posséder pour compte propre.

Le judaïsme

Dans la Torah, l’or est mentionné à plusieurs reprises, et souvent aux côtés de l’argent. D’après la Genèse, le patriarche Abraham est décrit comme possédant beaucoup d’or (13:2) : « Abram était très riche en troupeaux, en argent et en or. » On retrouve aussi la mention de l’or dans le verset suivant (4:35) : « L'Éternel a comblé de bénédictions mon seigneur, qui est devenu puissant. Il lui a donné des brebis et des bœufs, de l'argent et de l'or, des serviteurs et des servantes, des chameaux et des ânes. » Ainsi que dans le Livre des Psaumes (105:37) : « Il fit sortir son peuple avec de l'argent et de l'or, et nul ne chancela parmi ses tribus. » Le métal jaune accompagna le peuple hébreu, et permit l’élaboration de différentes constructions. Le Tabernacle par Moïse, tout comme le Temple de Jérusalem par le roi David, ont été édifiés à partir d’importantes quantités d’or. Et l’Arche d’Alliance – coffre qui, selon la Bible, contient les Tables de la Loi données à Moïse sur le mont Sinaï – est entièrement recouverte de métal jaune.

Le passage le plus connu mentionnant l’or reste toutefois celui du veau d’or. Alors que Moïse se rendait dans le Mont Sinaï pour recevoir les Tables de la Loi, le peuple hébreu impatient de le voir revenir, se tourna vers le frère de Moïse et grand prêtre Aaron pour confectionner une idole, qui leur commande de briser les boucles d’oreilles en or des femmes et enfants pour faire fondre un veau. Une fois Moïse revenu, celui-ci se mit en colère et brisa les Tables de la Loi sur un rocher. Ce symbole, plus que jamais d’actualité, démontre que la richesse ne peut-être une fin, au risque de tomber dans l’arrogance. Ce que certains passages du Deutéronome viennent appuyer (7 :25) : « Tu ne convoiteras point et tu ne prendras point pour toi l'argent et l'or qui sont sur elles, de peur que ces choses ne te deviennent un piège », ainsi que le verset suivant (17:17) : « Qu'il n'ait pas un grand nombre de femmes, afin que son cœur ne se détourne point ; et qu'il ne fasse pas de grands amas d'argent et d'or. » L’or est une richesse et un métal singulier, qui ne doit cependant jamais égarer celui qui en possède.

Grèce antique

Nous devons à la Grèce antique le développement des premières pièces de monnaie faites d’or (et d’argent), élargissant ainsi ce qu’avaient entamé les Égyptiens anciens : utiliser l’or comme moyen d’échange. Les tombeaux de l’Égypte antique ont aussi été source d’inspiration, avec pour même objectif d’accéder à l’immortalité. Le métal jaune prit, de fait, une place majeure dans la mythologie grecque et dans ses différents récits, dont celui de l’oracle de Delphes. Parmi ceux qui venaient se rendre pour consulter l’oracle de la ville de Delphes (centre du monde selon les Grecs), un marchant vint un jour accompagné d’une statue en or du dieu grec Apollon pour lui offrir en guise de respect. Touché par ce cadeau, l’oracle lui accorda le pouvoir de devenir une célébrité. Ce que fit le marchand. Depuis ce jour, tous les habitants du village et de ses alentours pensaient que l’or permettait d’accéder à des pouvoirs hors norme.

Le récit de Midas figure aussi parmi les plus célèbres, bien qu’il incarne un autre symbole, plus proche de celui des religions monothéistes. Ce roi grec, altruiste et chaleureux, décida d’accueillir dans son palais Silène, qui buvait plus que raison. Ce dernier profita pendant plusieurs jours de la qualité de vie du roi, avant que Midas décide de le ramener à son fils et dieu du vin Dionysos. Heureux de retrouver son père, ce dernier le remercie en lui accordant un vœu. Cupide au demeurant, Midas décide que tout ce qu’il touche se transforme en or, avant de finit désespérer s’apercevant qu’il ne pouvait plus manger ni boire…puis choisit de revenir en arrière.

Le christianisme

Dans le Nouveau Testament, et en particulier dans l’Apocalypse de Jean, l’or revient régulièrement. On retrouve dans l’Apocalypse (4 :4) : « Autour du trône je vis vingt-quatre trônes, et sur ces trônes vingt-quatre vieillards assis, revêtus de vêtements blancs, et sur leurs têtes des couronnes d'or. ». Au-delà des couronnes, l’or est présent sur de nombreux objets, dont les plus illustres sont la ceinture de Jésus et les sept chandeliers. Par ailleurs (et c’est certainement le fait le plus important), la Jérusalem céleste est représentée en or. Ce lieu éternel, qui verrait le jour dans un monde nouveau, et serait semblable au Jardin d’Éden avant le péché originel de la connaissance, est décrit dans le Livre de l’Apocalypse comme étant entièrement fait d’or (21:18) : « La muraille était construite en jaspe, et la ville était d'or pur, semblable à du verre pur. »

Le caractère inaltérable que détient l’or n’a cessé d’animer les chrétiens. Au cours des siècles derniers, les ruées vers l’or apparaissaient comme des révélations divines. Le célèbre Gold rush californien suivi de la déclaration de l'American Baptist Home Mission Society en est un exemple probant.

Dans la continuité de l’Ancien Testament, l’or ne doit toutefois pas être synonyme d’idolâtrie (l’un des plus graves péchés). Dans le Livre de l’Apocalypse, on retrouve au verset (9:20) : « Les autres hommes qui ne furent pas tués par ces fléaux ne se repentirent pas des œuvres de leurs mains, de manière à ne point adorer les démons, et les idoles d'or, d'argent, d'airain, de pierre et de bois, qui ne peuvent ni voir, ni entendre, ni marcher. »

 

La Jérusalem céleste, Tapisserie de l'Apocalypse (Château d’Angers)

 

L’hindouisme

Comment ne pas évoquer l’hindouisme lorsqu’il est question du rapport à l’or ? Dans ce courant religieux, l’un des plus vieux au monde, l’or est une véritable histoire d’amour qui traverse l’histoire. En Inde, premier pays hindouiste parfois surnommé « Oiseau d’or », les achats de métal jaune n’ont jamais cessé, tant d’un point de vue national qu’individuel. Les dieux étant régulièrement représentés en or, en posséder reviendrait à s’en rapprocher. L’ensemble des célébrations, dont notamment Akshaya Tritiya (3ème jour de prospérité sans fin) et Dhanteras (jour sacré où il est incité de créer, innover, et s’enrichir) encouragent les Indiens à acheter de l’or. Et les différents temples indiens possèderaient chacun près de 4 000 tonnes d’or.

Au cours des mariages, le métal jaune est omniprésent. Sa quantité témoigne du statut social des mariés, ainsi que de leur fidélité à la tradition hindouiste. Cette importance est telle que lors de la saison des mariages, qui a généralement lieu entre mai et juin ainsi qu’au cours de l’autonome, le cours mondial de l’or est amené à fluctuer.

Plus largement, il figure chez les hindouistes tout au long de leur vie et fait de l’Inde l’un des principaux importateurs d’or. D’ailleurs, les achats massifs du pays ont à plusieurs reprises engendré une dépréciation de la roupie. À tel point que la Fédération indienne des pierres précieuses et bijoux dût imposer une interdiction de vente aux particuliers.

 

Statue de Shiva

 

Le bouddhisme

La plus importante statue d’or au monde est celle du Bouddha d’or, située à Bangkok au sein du temple Wat Traimit. Dans la tradition bouddhiste, l’or est symbole d’éclat et d’éveil, souvent associé au Soleil (comme chez les Égyptiens). En Birmanie, des feuilles d’or sont fabriquées jours et nuits depuis des siècles et servent à orner les statues et les temples comme signe de bienveillance. La pagode Shwedagon, l’un des temples bouddhistes les plus prisés et situé en Birmanie, est recouverte de milliers de plaques d’or. Dans l’un des autres lieux saints du bouddhisme, à la rive sud du Lac Namtso au Tibet, le toit du monastère de Tsahi Dor fut construit à partir d’or.

 

La pagode Shwedagon, Birmanie

 

Ainsi et depuis des millénaires, l’or accompagne les civilisations, tout en conservant son mystère.

Parmi toutes les cultures influencées de près ou de loin par l’or, nous aurions pu en citer d’autres. Chez les Aztèques notamment, dont la maîtrise de la sculpture était remarquable pour l’époque, le métal jaune servait à fabriquer des statues et des temples. Dans l’Empire romain, où l’on en possédait des quantités inestimables grâce aux méthodes d’exploitations massives des mines, l’or était un métal au service de l’économie. Le métal jaune était aussi présent chez les Mayas, les Incas, mais aussi dans le monde musulman dans une moindre mesure.

Au cours de l’époque moderne, l’or continue de rimer avec excellence. Il est utilisé pour confectionner des trophées et des médailles, mais sert aussi les désirs consuméristes dans l’industrie du textile ou de l’alimentaire. Là où les traditions sont conservées, il continue d’être accumulé comme richesse ultime et transmis de génération en génération. Enfin, il connaît aussi et surtout un attrait en tant que valeur refuge dans un monde de plus en plus incertain.

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