L’accélération d’évènements géopolitiques et macroéconomiques se confirme ces derniers mois; tous ont des implications à moyen terme sur le marché des métaux précieux et, plus globalement, sur l’avenir du système monétaire international.
Même si certains évènements peuvent paraître parfois isolés, des ponts peuvent être établis. C’est l’objet de mon analyse, qui reste toujours fidèle à une anticipation d’un effondrement du système monétaire fiduciaire, comme cela a toujours été le cas au cours de l’histoire, et d’un retour à terme à une ou des monnaies convertibles en actifs tangibles (dont l’or).
Ce Market Report comprendra plusieurs parties; commençons par analyser les implications potentielles de la fin du fixing de l’argent à Londres.
Partie 1 - LBMA : La fin du fixing de l’argent à Londres
Le fixing à Londres prendra fin en août 2014. Ce fixing sert de benchmark/proxy (miroir) pour le marché de l’argent physique, mais il sert surtout de base contractuelle pour la détermination de la valeur des contrats dérivés et des swaps sur l’argent, comme défini dans le document officiel de l’ISDA (International Swaps and Derivatives Association).
Voir également l’interview vidéo de Jeff Christian, qui confirme le lien entre le fixing de Londres et les contrats dérivés sur l’argent.
Ce qui signifie que, sans fixing, la valeur des contrats dérivés sur l’argent peut être remise en cause, du moins par les parties à perte sur certains de ces contrats. Les contrats dérivés devront être renégociés, mais sur quelle base ? Pourquoi, en effet, honorer un contrat alors que la base contractuelle, le fixing, n’existe plus ? Une partie souhaitera peut-être utiliser le closing sur le COMEX comme nouvelle base, mais contractuellement, ils ne pourront pas l’imposer; et les dérivés sur le COMEX représentent des contrats et options futures, pas une représentation du marché physique.
Donc, sauf rebondissement et détermination d’ici août d’un nouveau système de détermination du cours de l’argent (un nouveau fixing), ce dont je doute venant des pays occidentaux, étant donné la pression judiciaire qui commence à s’exercer autour des grandes banques, les contrats dérivés sur l’argent qui représentent, tout compris, environ 100 millliards d’onces d’argent « papier » qui risquent d’imploser. Imbroglios et batailles juridiques garantis entre les parties, et remise en cause de la capacité d’ « intervenir » sur le marché de l’argent via les dérivés.
Parenthèse : la Chine a affirmé en 2009 qu’elle se réservait le droit de faire défaut sur les contrats dérivés de type « matière première», donc valable pour l’argent, or il est possible, d’après Ted Butler, qu’elle soit derrière l’énorme position short sur l’argent détenue par l’intermédiaire de la JP Morgan afin de se couvrir (hedger) sur ses achats massifs d’argent phyisique. Utilisera-t-elle la fin du fixing pour faire défaut sur les contrats dérivés qu’elle détient sur l’argent ?
Comme me le confirmait Bill Murphy du GATA cette semaine, si le fixing de Londres prend fin et que des banques se retirent également du fixing de l’or, c’est qu’elles sentent la pression judiciaire et veulent quitter le navire avant des révélations plus globales sur la manipulation des cours. La récente condamnation officielle de la Barclays pour manipulation du cours de l’or ne fait que confirmer, certes en utilisant encore une fois la thèse du trader isolé, que le vent est en train de tourner et que les régulateurs, surtout la BAFIN en Allemagne, sont en train de passer à l’action. Sinon comment expliquer le retrait soudain de la Deutsche Bank du fixing de l’or en avril ?
Ou encore le départ du chef du département trading sur l’or de la Barclays ?
Une chaîne de télévision allemande vient également de diffuser un reportage sur la manipulation du cours de l’or.
Donc l’implication de la fin du fixing sur l’argent à Londres est potentiellement l’implosion et la fin pure et simple du marché des dérivés « argent », sous réserve bien entendu qu’un autre mécanisme de détermination du prix ne soit accepté d’ici août.
On sait que certaines banques sont massivement exposées sur les dérivés sur l’argent. Les banques commerciales américaines sont exposées à hauteur de 23 milliards de dollars sur les dérivés « argent ».
Le fixing sur l’or risque lui aussi d’être remis en cause dans les mois qui viennent, avec comme pour l’argent, des conséquences explosives pour le marché des dérivés, si aucun nouveau mécanisme de détermination du prix n’apparaît.
Etant donné la pression légale/judiciaire sur les grandes « bullion banks », le nouveau mécanisme de détermination du cours de l’or viendra certainement, à terme, d’Asie et sera beaucoup plus proche de la réalité du marché physique que celui de Londres. La Chine a une carte à jouer dans l’imposition d’un nouveau mécanisme de détermination du cours de l’argent.
En conclusion, sans dérivés, la manipulation peut certes toujours avoir lieu via le COMEX, mais elle devient beaucoup plus difficile. L’étau semble se resserrer. La fin du fixing sur l’argent à Londres est peut-être la première manifestation concrète de gros problèmes à venir pour les grandes banques, dont l’incapacité de contrôler les cours des métaux précieux, et le retour vers une détermination des cours beaucoup plus proche de la réalité du marché physique.
Les interventions sur les cours peuvent perdurer via le COMEX, mais la fin du fixing peut avoir des implications importantes sur le marché des dérivés. La question est donc de savoir si, et comment va se résoudre le problème de définition de la base légale des contrats dérivés sur l’argent.
Fabrice Drouin Ristori
Fondateur/Dirigeant Goldbroker.com
ceo@goldbroker.com - Twitter @fabricedrouin
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