L’or est le plus incompris des « instruments d’investissement », non seulement par le public, mais également  les analystes financiers. Encore récemment, j’ai entendu un analyste de CNBC dire que l’or n’a aucune valeur, puisqu’il ne déclare pas de dividendes et ne produit aucun revenu. J’entendais ce type d’argument dans les années ’90, non pas sur l’or, mais sur des entreprises technologiques. Je comprenais pas comment une personne pouvait regarder une société comme Intel ou Microsoft et dire une telle chose. Il ne s’agissait pas d’investisseurs mal informés, mais bien de professionnels de l’investissement diplômés en finance ou en économie, agréés, qui possédaient un MBA. Cela n'avait aucun sens pour moi. Les deux sociétés engrangeaient déjà pas mal de revenus. Finalement, un jour, un de ces analystes compléta sa phrase en disant que l’or ne collait pas avec le modèle d’évaluation des dividendes utilisé par les professionnels pour calculer la valeur.

 

 

Vu que cette équation intègre des dividendes, sa valeur est de zéro sans ces dividendes. Plutôt que de reprendre leurs travaux et de trouver une autre équation adaptée au monde réel, ils ont choisi de prétendre que tout ce qui ne versait pas de dividendes était sans valeur. C’est de cette manière qu’ils peuvent déclarer que l’or, que des gens de toutes les cultures, quel que soit leur niveau d’éducation, partout dans le monde, ont échangé depuis au moins 5,000 ans, n’a aucune valeur. J’imagine que, si vous ignorez la réalité et vivez dans un monde imaginaire « nominal », c’est possible. Mais, dans le monde réel, l’or a de la valeur, dans le temps et dans l’espace. Toutefois, je ne considère pas l’or comme un investissement, mais plutôt comme une monnaie solide comparé à la monnaie fiduciaire (dollar US, euro, yen, etc.), et comme un outil de préservation de richesse. Par contre, je considère les compagnies aurifères comme des investissements.

Une autre fausse idée souvent utilisée par les détracteurs de l’or est qu’il est surtout utilisé en joaillerie, uniquement dans la mode ou la beauté. L’or a deux principales utilisations, soit la joaillerie, mais aussi la monnaie solide. On dit que l'or a deux métiers: le commerce de l'amour (bijouterie) et le commerce de la peur (monnaie solide), ou une combinaison des deux. Il faut dire, en effet, que l’usage industriel de l’or est assez insignifiant, avec seulement 8% de la demande totale.

 

Graphique #1: Demande mondiale d’or

 

Si on regarde la demande mondiale d’or, nous voyons qu’elle est à peu près divisée en deux : demande d’investissement et demande de joaillerie. Mais cela dépeint-il correctement la demande d’or ? Pas vraiment, non. La demande de joaillerie n’est pas ce qu’elle semble être, idem pour la demande d’investissement. Les deux graphiques suivants montrent que, dans les deux marchés principaux de l’or, soit l’Inde et la Chine, la demande de joaillerie représente une moyenne de 84,5%. L’Inde et la Chine représentent 54% de la demande totale d’or et, si l’on ajoute le reste de l’Asie et le Moyen-Orient, on atteint 73%. Cependant, dans tous ces pays, les gens achètent des bijoux en or en vue de préserver leur richesse (monnaie solide) plutôt que pour la beauté ou la mode. Dans le langage financier occidental, nous parlons de demande d’investissement, mais cela n’est pas tout à fait juste. Il y a une différence entre un investissement dont on attend un profit et une monnaie que l’on espère voir conserver sa valeur dans le temps et l’espace. Une grande part de la demande de joaillerie dans le monde est destinée à la préservation de richesse.

Selon le World Gold Council (WGC), dans la dernière décennie, 75% de la demande en Inde a pris la forme de bijoux. Aussi, selon le WGC : « Faire une distinction entre la demande d’investissement et celle de joaillerie équivaut à mal comprendre l’attitude des Indiens; les deux demandes sont souvent la même chose. » (1) Cela est vrai, non seulement en Inde, mais aussi en Chine, dans le reste de l’Asie et au Moyen-Orient. La majorité de la demande de joaillerie en Inde l’est pour de l’or de 22 carats (pureté de 91,6%), tandis que la demande pour l’or de 18 carats (pureté de 75%) ne constitue qu’un phénomène récent qui représente moins de 10% de la demande domestique totale.(2) Cela est aussi le cas pour les autres pays d’Asie et du Moyen-Orient. Le très haut degré de pureté démontre que cet or est d'avantage accumulé pour préserver la richesse que pour l’amour des bijoux. Les bijoux en or au-dessus de 20 carats ne sont pas très durables, à cause de leur grande malléabilité. Mais si vous ne faites que les entreposer, sans les porter, il est logique de détenir de l’or sous sa forme la plus pure possible.

 

Graphique #2: Demande d’or de l’Inde

 

Graphique #3: Demande d’or de la Chine

 

Du point de vue d’un analyste, il est quasiment impossible de déterminer quelle part de la joaillerie d’or est dédiée à de l’investissement/préservation de richesse (fear trade) et quelle part est dédiée aux bijoux (love trade). J’aurais tendance à fortement croire qu’en Inde, en Chine, en Asie et au Moyen-Orient, plus de 80% de la demande de joaillerie est pour la préservation de richesse et que presque tout l’or au-dessus de 22 carats l’est également. Ce n’est pas le cas en Europe ou en Amérique du Nord où la majeure partie, voir l’intégralité, de la demande de joaillerie est pour le « love trade ».

En Amérique du Nord, nous achetons de l’or surtout pour investir et spéculer, tandis qu’en Asie et au Moyen-Orient, les gens le font pour préserver leur richesse. La mentalité Européenne s'est rapproché de la mentalité nord-américain, mais pas jusqu’au même point. L’aspect 'préservation de richesse' de l’or fait encore partie de la mentalité européenne, car les guerres, révolutions, nationalisations et dévaluations des devises sont encore fraîches dans leur mémoire.

Comme vous pouvez le voir, catégoriser la demande de l’or en investissement ou en joaillerie facilite le travail d’un comptable, mais cela déforme l’information. La demande d’investissement ne fait pas la distinction entre l’or acheté pour préserver la richesse et celui acheté pour investir ou spéculer. De plus en plus de gens, mais aussi de banques centrales, qui craignent l’effondrement de l'actuel système monétaire, accumulent de l’or pour préserver la richesse plutôt que pour investir ou spéculer.

Si vous croyez, comme moi, que la majorité de la demande de joaillerie est dédiée à la préservation de richesse, vous devriez allouer une grande part de la demande de joaillerie (love trade) à la demande d’investissement (fear trade). Souvenez-vous également que la demande d’investissement en dehors de l’Amérique du Nord est surtout pour préserver la richesse, et non pour de l’investissement ou de la spéculation. Si vous faites cela, vous comprendrez mieux l’avenir de la demande d’or.

 

Sources:

  1. The Role of Gold in India - Natalie Dempster, World Gold Council

  2. India Heart of Gold - Strategic Outlook – World Gold Council

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