Entretien avec Charles Gave sur TARGET2, la balance des paiements de la zone euro. Un sujet qui a beacoup fait parler, surtout depuis que Alan Greenspan et Mario Draghi ont laissé entendre que TARGET2 pourrait être un indicateur clé dans la stabilité de l'euro.
Après l'interview, je vous donne les clefs pour décrypter ce sujet épineux.
À voir également, la conversation entre Charles Gave et Fabrice Drouin Ristori sur l'or, l'euro, les risques pour les épargnants et investisseurs.
TARGET2 est un sujet qui fait beaucoup parler sur Internet, surtout depuis qu’Alan Greenspan, ancien président de la Banque fédérale américaine, et Mario Draghi, actuel président de la Banque centrale européenne, se sont largement exprimés sur le sujet en laissant entendre que TARGET2 est un indicateur essentiel pour la stabilité de l'euro.
Et pour aujourd'hui ce n'est pas tout, car cette vidéo est la première d'une série d'épisodes réalisés avec la participation de Charles GAVE, que j'ai eu la chance d'interviewer longuement.
Pour cette première, je vous passe un extrait de 2mn de l'interview et je vous donne les explications juste après.
[EXTRAIT VIDÉO]
Bien, maintenant, regardons ensemble ce que c'est que ce TARGET2, et comment il a évolué dans le temps.
Comme on vient de le voir, TARGET2 est une comptabilité des paiements entre les pays de la zone euro. Lorsque le solde allemand TARGET2 est excédentaire, en 2017 par exemple, cela signifie qu'il y a plus d'euros qui sont entrés dans les comptes des Allemands que d'euros qui n'en sont sortis.
Ah oui, mais attends ; si les euros de la zone euro convergent toujours vers quelques pays du nord, Allemagne en tête, cela veut dire que bientôt il n'y aura plus d'euros dans les autres pays ?
C'est un peu plus compliqué que ça, mais l'idée est là. Pour que la zone euro fonctionne, il faut que l'argent circule et, donc, que les euros qui arrivent en Allemagne repartent d'une façon ou d'une autre pour alimenter les autres pays.
Au final, l'objectif dans la zone euro, c'est d'équilibrer les balances des paiements.
Et c'est toute l'histoire de TARGET2.
Regardons ça en détail.
Entre la création de l'euro en 2000 et 2008, on observe que TARGET2 était globalement équilibré. Que s'est-il passé ?
Attends ; si je m'appuie sur la vidéo sur la crise de l'euro entre 2000 et 2008, les pays du sud ont profité de taux d'intérêt bas pour augmenter leur endettement. Du coup, en contrepartie de cet endettement, ils ont importé plein de choses, comme des voitures allemandes.
Donc là, on a un déficit pour les pays du sud et un excédent pour les pays du nord.
Mais d'où vient l'équilibre TARGET2 de cette période ?
Qu'est-ce que les pays du sud on vendu au nord pour équilibrer la balance des paiements ?
De la dette.
Ah oui, je comprends… je vais tenter de le reformuler.
Comme les taux d'intérêt des pays de la zone euro se sont arrimés au taux d'intérêt le plus faible de la zone, le taux d'intérêt allemand, alors la capacité à emprunter des pays du sud a augmenté.
Comme les pays du sud étaient moins développés, ils ont acheté plein de choses aux pays du nord.
Donc, ce qui vient contrebalancer le déficit lié aux importations des pays du sud, c'est un flux d'argent du nord qui vient alimenter les prêts réalisés par les pays du sud.
Euh … donc en gros, les pays du sud ont financé leurs importations à crédit...
Bravo, tout pile dans le mille Émile !
Effectivement, les soldes équilibrés de TARGET2 traduisent le financement à crédit des importations réalisées par les pays du sud.
Mais c'est très bien tout ça, car les pays du sud avaient besoin d'argent pour se développer et rattraper les pays du nord. Où est le problème ?
Le problème, c'est que dans le même temps, l'industrialisation des pays du sud n'a pas suivi. Les déficits structurels sont devenus la norme.
Et c'est pour ça que Charles GAVE dit que les Allemands auraient tout aussi bien fait de mettre leur voiture sur un bateau pour le couler au large.
Il explique que la dette qui a financé ces achats ne sera jamais remboursée.
Ok, donc cette histoire tourne mal. Mais c'est quoi, le déclencheur ?
De 2008 à 2012, entre la crise des subprimes et la crise de l'euro, les investisseurs se rendent comptent que la zone euro n'est peut-être pas aussi unie qu'ils ne le pensaient. Les rumeurs de sortie de la Grèce de la zone euro finissent de mettre la panique sur un secteur bancaire déjà bien mal en point.
Les pays du nord ne veulent plus financer les dettes du sud, et la crise de l'euro dure jusqu'à l'intervention de Mario DRAGHI, en 2012, qui annonce aux marchés que la BCE achètera autant de dettes des pays du sud qu'il le faut pour tenir la zone euro unifiée.
Et là, Papa a parlé, ça calme tout le monde et les pays du nord recommencent à acheter de la dette du sud parce que Super Mario paiera s'il y a un problème majeur. C'est pas très responsable, ça, non ? Parce que les déficits commerciaux sont toujours là ?
Oui, sauf que comme le disait Keynes, même si vous avez raison, une banque centrale sera toujours plus solvable que vous. En gros, si la BCE dit j'achète tout, il est impossible pour un investisseur de parier contre une banque centrale.
Donc, oui, les déficits commerciaux entre pays du sud et pays du nord n'ont jamais arrêté de se creuser depuis la création de l'euro. Et c'est une source de problèmes immense. Et c'est ce qui amènera les politiques d'austérité afin d'essayer de transformer les Italiens et les Grecs en Allemands pour réduire ces déséquilibres. Mais nous en reparlerons plus tard.
Bon, ok, les soldes TARGET2 recommencent à baisser de 2012 à 2014.
Mais pourquoi, alors, en 2014 jusqu'à aujourd'hui, ils repartent à la hausse ? Il y a une crise bancaire dont on n’a pas entendu parler ?
Non. Cette fois, c'est la faute du Quantitative Easing.
De quoi ?
Le Quantitative Easing, que l'on appelle plus simplement QE, est un programme de la BCE qui consiste à acheter de la dette des États de la zone euro, que l'on appelle communément de la dette souveraine, afin de transformer ces titres de dettes qui dorment dans les banques en euros liquides. L'idée, en 2014, c'est que comme l'économie menace de rentrer en déflation, donc il faut injecter de l'argent dans le système économique pour le stimuler et faire de la croissance.
Donc, la BCE achète les dettes souveraines aux banques pour qu'elles aient des sous. Avec ces sous, la BCE espère que les banques prêteront aux entreprises et que la croissance repartira. Mais pas de bol, cet argent a surtout servi à alimenter les bulles financières dont on a déjà parlé sur cette chaîne.
Bref, chaque banque centrale des pays de la zone euro peut acheter de la dette souveraine de son pays sur le marché secondaire pour ne pas financer directement les États.
Mais c'est quoi, les effets sur TARGET2, alors ?
Eh bien, on a vu que les dettes souveraines des pays du sud sont essentiellement vendues aux pays du nord. Donc, lorsque la banque centrale d'Italie veut vendre de la dette italienne à la BCE, il faut qu'elle en achète à ceux qui en possèdent.
Ah oui, du coup, la banque centrale d'Italie va racheter la dette souveraine italienne à la banque allemande qui l'avait achetée pour financer les importations de l'Italie.
Houlà, ça fait mal au crâne, ton histoire ...
Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai le sentiment qu'à chaque fois que la BCE veut solutionner un problème, il empire à chaque étape ...
C'est quoi, les conséquences de tout ça ?
Pourquoi est-ce que l'on entend dire qu'il faudra que les pays du sud paient leurs déficits s'ils veulent sortir de l'euro ?
On vient de comprendre ce qu'est réellement TARGET2, c'est déjà un gros morceau pour aujourd'hui.
Mais si le sujet vous intéresse, à 200 pouces bleus, je continue l'histoire sur les dénouements possibles de ces déséquilibres.
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