Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, est de nouveau monté au créneau pour critiquer le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, avant l'audition de ce dernier au Bundestag mercredi 28 septembre, selon le quotidien Bild. "Schäuble a incité les membres de la commission des Finances du Bundestag à mettre Draghi en difficulté sur la politique monétaire" précise l'article. Les relations entre Schäuble et Draghi sont notoirement tendues, le ministre critiquant la politique des taux négatifs de la BCE qui sape à la fois l'épargne des Allemands et les marges des banques.
Car au final, qu’a obtenu la BCE ? Le plan de rachat d'actifs initié par Mario Draghi en mars 2015, soit il y a 18 mois, n'a atteint aucun de ses objectifs : les 2% d'inflation annuelle sont encore loin, la reprise économique reste une espérance, la demande de crédit des entreprises se redresse mais demeure faible. Sur ce dernier point, il faut noter que "le stock de crédit aux entreprises en zone euro reste en juillet 2016, à 4.300 milliards d'euros, inférieur de 440 milliards d'euros à son niveau d'août 2010 et de 620 milliards d'euros à son niveau record de février 2009. Depuis mars 2015, ce stock n'a progressé que de 30 milliards d'euros. Cette situation traduit le déficit d'investissement de la zone euro depuis 2010." (La Tribune)
Mais l'Allemagne est également confrontée à un autre problème où, face à la BCE, elle est en quelque sorte prise à revers par la Deutsche Bank. Réclamer la fin du laxisme monétaire est une chose, assumer un relèvement des taux qui pourrait mettre à terre la plus grande banque du pays en est une autre. Car la Deutsche Bank est un colosse aux pieds d'argile du fait de sa forte exposition aux produits dérivés.
Déjà, la banque allemande est la moins capitalisée parmi les grandes banques internationales avec un ratio de 2,68%, soit 1/37 (37 euros d'engagements pour 1 euro de cash !). Mais elle possède en plus un gigantesque portefeuille de produits dérivés (comptabilisés hors bilan, ce qui fait encore chuter le ratio), d’un montant de 64.000 milliards de dollars, soit 16 fois le PIB de l’Allemagne… Il s'agit essentiellement de produits de taux, qui subiraient donc de fortes pertes en cas de remontée significative des taux d’intérêt, largement de quoi mettre l'établissement en faillite, ce qui se traduirait par un cataclysme pour l'économie allemande et, par contagion, l’économie européenne. Un Lehman Brothers européen en quelque sorte.
A cela, il faut rajouter une amende record de 14 milliards de dollars réclamée par les autorités américaines pour l’implication de la banque dans les prêts subprimes. C'est la pérennité de la banque qui est en cause et le premier quotidien économique, le Handelsblatt, exprime cette angoisse : "Les officiels allemands ont réagi avec choc et désarroi à la révélation selon laquelle les autorités américaines réclament une amende record de 14 milliards de dollars à Deutsche Bank, qui pourrait ultimement avoir besoin d’un bail-out de l’État pour payer cette facture." Berlin obligé de renflouer la principale banque du pays, comme les pays du Sud (Grèce, Chypre, Italie, Espagne, Portugal), jusqu'ici regardés avec mépris, voilà qui ne manquerait pas de sel.
Lundi 26 septembre, la chancelière Angela Merkel et la direction de la banque ont démenti la nécessité d’une aide d’Etat, mais le cours s’est effondré à son plus bas depuis… 1983. Cette position sera sans doute dure à tenir longtemps. Quoi qu’il en soit, voilà qui montre que la crise financière et bancaire n'épargne pas l'Allemagne, qu'elle pourrait même en être l'épicentre vu la taille de la Deutsche Bank.
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