Voici qu’à nouveau la Grèce fait trembler la zone euro, on évoque encore une fois le "Grexit" (contraction de "Greece exit"). Les marchés boursiers chutent et craignent le résultat des élections législatives anticipées du 25 janvier. Ceci dit, seuls les naïfs peuvent vraiment s’étonner de cette nouvelle crise tant il est évident que ce pays ne pourra pas rembourser sa dette. La zone rouge a été franchie depuis longtemps puisqu’elle représente 174% de son PIB, le deuxième taux le plus élevé au monde derrière le Japon. Dans l’archipel, cependant, la banque centrale rachète la dette à tour de bras, au contraire de la BCE en zone euro, ce qui permet de gagner du temps et de faire illusion, un "luxe" que ne peut se permettre Athènes.
Cette crise doit aussi se comprendre à la lumière de la nature de la dette : les institutions publiques (pays ou organisations) en détiennent la plus grande partie, les banques et autres investisseurs privés ont en effet fui ce pays lors de la première crise, celle du printemps 2010. La Grèce est ainsi endettée vis-à-vis des pays de la zone euro à hauteur de 194,7 milliards d’euros, dont 52,9 milliards directement auprès de différents pays, principalement l’Allemagne et la France, et 141,8 milliards auprès du Fonds européen de stabilité financière (FESF), dont sont solidaires tous les pays de la zone euro. Par ailleurs BCE a racheté 25 milliards d’obligations en 2010-2011 et le FMI a prêté 31,8 milliards d’euros. Au total, 250 milliards d’euros (251,5 exactement) pèsent sur les comptes publics européens et le FMI. A cette somme se rajoute 70 milliards dus à des investisseurs privés (surtout des fonds vautours, très agressifs en cas de restructuration), pour une dette publique totale de 321 milliards d’euros.
Un défaut ou une restructuration de la dette grecque impacterait directement les finances publiques des pays européens, dont la plupart se battent avec des déficits budgétaires élevés. Un effet domino serait à craindre si d’autres pas en difficulté demandaient également un aménagement de leurs remboursements. Une sortie de la zone euro, comme l’aurait évoquée la chancelière Angela Merkel selon le Spiegel, signifierait un abandon total des créances et une perte sèche pour les pays européens. Dans tous les cas, la crédibilité de la zone euro serait sévèrement atteinte.
L’éventuelle arrivée au pouvoir du candidat d’extrême-gauche Alexis Tsipras, le leader de Syriza, inquiète les marchés, et pour cause, il veut renégocier sans tarder la dette du pays et stopper les programmes d’austérité budgétaire. S’il perd, les marchés pousseront un ouf de soulagement et se remettront à monter, mais ce serait là une erreur funeste : de toute façon la Grèce est en faillite et le moment de payer la note viendra un jour quoi qu’il arrive !
C’est sur le fonctionnement même de l’euro qu’il faudrait s’interroger, en tentant d’apporter des solutions novatrices comme la double circulation (la Grèce réintroduit la drachme mais demeure dans la zone euro, les deux monnaies circuleraient alors dans le pays). Mais l’euro "monnaie unique" ressemble plus à un dogme qu’autre chose et jusqu’ici l’alternative se réduit à remplir le tonneau des Danaïdes ou à l’explosion de la zone euro. Les dirigeants européens se disent que la BCE saura arranger les choses, et Mario Draghi s’attache à répandre cette idée, mais que propose-t-il de concret ? Un QE… Le pire est à craindre.
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