L’euro est vraiment une monnaie bizarre : certainement pour la première fois dans l’histoire monétaire, voici UNE monnaie qui est gérée par PLUSIEURS banques centrales ! Car la création de la Banque centrale européenne (BCE) ne s’est pas accompagnée de la disparition des banques centrales nationales, ou de leur transformation en filiales régionales, elle s’y est superposée. L’ensemble forme le Système européen de banques centrales (SEBC). D’ailleurs ce sont les banques nationales de la zone euro qui sont actionnaires de la BCE. Bien sûr, la BCE pilote la politique monétaire, mais chaque banque centrale dispose d’une certaine autonomie.
La BCE peut soutenir directement les banques européennes en difficulté, on l’a vu par exemple avec les deux prêts géants de 500 milliards d’euros chacun en décembre 2011 et février 2012 (les LTRO). Mais les banques centrales des différents pays peuvent également aider leurs banques, avec leurs propres critères… Et si une banque centrale refinance une banque commerciale en acceptant en contrepartie des actifs qui ne valent rien, cela signifie qu’elle fait tourner la planche à billets ! Une telle opération se fait avec l’accord de la BCE, mais c’est tout de même inquiétant.
Cette autonomie des banques centrales nationales commence à se voir et à poser problème. Depuis quelques semaines, la presse allemande accuse la Banque de France de soutenir indument les banques françaises, avec l’accord tacite de Mario Draghi. Les STEP (Short-Term European Paper), qui sont un outil de refinancement, pèsent 445 milliards d’euros au niveau européen, mais plus de la moitié concerne la France ! Selon les Deutsche Wirtschafts Nachrichten, "il se développe en France, sous les radars, une gigantesque bulle financière". Selon le journal français La Tribune, "on sait que la BCE avait fait état, sans jamais révéler son nom, du fait qu'une grande banque française était au bord de la faillite en raison de sa trop forte exposition au risque."
Et on ne parle ici que de la France. Qui sait ce qui se passe vraiment dans les arrière-cuisines des banques nationales de Grèce, du Portugal, d’Espagne, d’Italie, etc. ? Et même de l’Allemagne, très réticente face à la supervision bancaire européenne que veut mettre en place la BCE ? Que cela concerne le refinancement, le contrôle des risques ou le respect de la légalité, chaque banque centrale agit à sa façon, avec ses petits arrangements et ses secrets. Ce sont autant de bombes à retardement qui grossissent au fur et à mesure que la crise bancaire s’amplifie.
En voulant respecter les susceptibilités de chaque pays, en voulant maintenir la fiction d’une banque centrale "nationale" malgré la mise en place de la monnaie unique, les promoteurs de l’euro ont créé un risque systémique interne explosif.
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