Le chiffre officiel de la croissance du PIB aux Etats-Unis est calculé par le Département du commerce, et il est progressivement affiné au fur et à mesure que les données sont collectées. Pour le premier trimestre 2014, la première estimation s’affichait à +0,1% (en rythme annualisé), ce qui indiquait déjà une économie à l’arrêt et un sérieux ralentissement par rapport aux trimestres précédents. Ce chiffre a été révisé une première fois à -1,0%. Il restait encore la troisième et dernière publication, le chiffre définitif. Le consensus des analystes prévoyait -1,8%, mais la réalité sera bien pire avec -2,9% ! Une vraie récession, le pire résultat depuis 5 ans (le premier trimestre 2009), alors que l’économie américaine était touchée de plein fouet par la crise des subprimes et la faillite de Lehman Brothers. En janvier 2014, les économistes prévoyaient une croissance de 2,6%, pour résultat final de -2,9% : on mesure l’ampleur de la dégringolade.
Notons tout d’abord l’infinie discrétion des grands médias et des responsables gouvernementaux, aux Etats-Unis comme en Europe. Très peu d’articles s’interrogent sur ce chiffre catastrophique et les dirigeants continuent à parler de reprise plus ou moins prononcée, ou qui ne devrait pas tarder à venir… La dernière révision est sortie la semaine dernière, à la fin du deuxième trimestre, donc. C’est déjà de l’histoire ancienne, veut-on nous faire croire, un simple décrochage, un accident qui sera effacé par les trois prochains trimestres de l’année. Mais ce scénario aura du mal à se réaliser, car on ne constate pas de fort rebond sur les différents indicateurs conjoncturels sur les mois d’avril, mai et juin.
Sur le premier trimestre, tous les moteurs de l’économie américaine sont en panne : la consommation augmente de moins de 1%, l’investissement des entreprises est à l’arrêt, tout comme l’investissement résidentiel des ménages, tandis que les stocks et les exportations contribuent, pour moitié chacun environ, à la baisse du PIB. Alors, certes, une reconstitution des stocks devrait faire repasser le prochain trimestre en territoire positif, mais rien ne permet de croire que tous les moteurs redémarreront en même temps, rien n’indique que l’un d’entre eux au moins pourrait performer. Et donc, une fois de plus, on peut dire adieu à la "reprise".
Le mal semble profond. La productivité a diminué de 3,5% au premier trimestre… le mécanisme même de la croissance est atteint. Les créations d’entreprises sont inférieures d’environ 30% au taux annuel moyen des années ‘80, et l’investissement stagne, on l’a vu. Moins de nouvelles entreprises, un investissement en berne, c'est au final moins d’innovations, moins de nouveaux produits, et voici ce qui explique cette baisse de la productivité. Pourtant le crédit n’a jamais été aussi bon marché, mais les entrepreneurs n’en profitent pas. C’était tout le pari de la Fed et il est perdu : maintenir au plus bas les taux d’intérêt pour inciter les entreprises à investir et les ménages à s’endetter, de façon à relancer la croissance. Mais la banque centrale américaine nage en pleine confusion en considérant un moyen (un prêt) comme une fin en soi. S’il n’y a pas de véritable croissance, pourquoi investir, même à taux faible ?
Ce chiffre catastrophique a été complètement ignoré par les marchés et relativisé par la Fed, bien entendu, mais le retour à la réalité n’en sera que plus douloureux.
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